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Fontaine Pascal, Monnet Jean - 1 maggio 1988
JEAN MONNET: UN GRAND DESSEIN POUR L'EUROPE (3)

par Pascal Fontaine

Chapitre III - L'action européenne de Jean Monnet

Le 9 mai 1950, une grande aventure a commencé. Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, est à la recherche d'une idée. Ses collègues américain et britannique lui ont confié la responsabilité de proposer pour la République fédérale d'Allemagne une solution aux différents problèmes qui se posaient à elle et à ses partenaires: le statut de la Ruhr, le niveau de production du charbon et de l'acier, l'égalité des droits politiques. Jean Monnet est en contact fréquent avec lui en tant que commissaire au Plan. Avec ses proches collaborateurs, il rédige, au début du printemps 1950, une note qui se transformera en une proposition formelle. Transmise au ministre français, elle remporte son adhésion immédiate. Robert Schuman, homme de la frontière, éprouvé par les deux guerres, comprend la vaste portée politique du projet de Jean Monnet. Il s'agit de créer une communauté du charbon et de l'acier englobant d'abord la production allemande et française, ouverte aux autres États, dotée d'une autorité indé

pendante disposant de pouvoirs délégués.

Cette initiative est accueillie avec enthousiasme par le chancelier Adenauer. Elle permet à l'Allemagne de sortir de sa condition de puissance vaincue et d'être associée, à part égale, à une entreprise qui traduit concrètement la solidarité européenne à laquelle les peuples aspirent après tant d'années de déchirement et d'humiliation.

Alors que, dans d'autres enceintes, des débats se perpétuaient sur la meilleure façon de construire l'Europe, cette proposition très concrète, limitée dans son objet, mais de vaste portée, marque la naissance de l'Europe communautaire. Elle met en oeuvre une méthode sans précédent dans les relations internationales: la délégation de souveraineté librement consentie dans des secteurs déterminés et décisifs au profit d'institutions communes et indépendantes.

Le traité de Paris qui, le 18 avril 1951, met en place pour cinquante ans la Communauté européenne du charbon et de l'acier, fixe les pouvoirs des institutions: la Haute Autorité, collège doté de pouvoirs autonomes et exécutoires, le Conseil, qui exprime l'intérêt des États, l'Assemblée commune, qui deviendra le Parlement européen, la Cour de justice. Le dialogue permanent entre ces institutions permettra l'ouverture du marché commun du charbon et de l'acier, facteur de baisse des prix, d'approvisionnements sûrs et diversifiés, et de progrès social.

Mais l'aspect le plus fondamental du plan Schuman est de nature politique. Il scelle la réconciliation franco-allemande en établissant une communauté de destin entre les deux peuples. En l'absence d'un traité de paix entre les anciens belligérants, la première Communauté européenne est à la fois un acte de confiance dans la volonté des deux nations et de leurs partenaires de sublimer les erreurs passées et un acte de foi dans un avenir commun de progrès, fondé sur la coopération et confié à des institutions communes.

L'armée européenne, une tentative, un échec

Le plan Schuman, élaboré par Jean Monnet, a été immédiatement suivi par le plan Pleven, également suggéré par Jean Monnet. Le président du Conseil français devait faire face à la pression des États-Unis soucieux, alors que venait d'éclater la guerre de Corée, de réarmer l'Allemagne pour la faire participer à la défense du monde libre. Comment associer l'Allemagne à l'effort de défense collectif des Européens sans reconstituer une force nationale allemande dont la France ne voulait pas? Jean Monnet propose d'étendre à l'armée les mécanismes mis en place pour le charbon et l'acier: placer sous le même uniforme, sous commandement intégré, les soldats des États européens qui se joindraient à une Communauté européenne de défense (CED). La proposition française est étudiée par ses partenaires et un nouveau traité est signé le 27 mai 1952. L'atténuation de la guerre froide, la mort de Staline et les évolutions de politique intérieure en France se conjuguent pour rendre la ratification impossible par l'Assemblée nat

ionale française. Le 30 août 1954, le traité de la CED est définitivement repoussé, emportant avec lui un projet de Communauté politique européenne et portant un coup sévère aux espoirs des fédéralistes européens.

Une nouvelle voie. l'intégration économique

"Il n'y aura pas de paix en Europe si les États se reconstituent sur une base de souveraineté nationale, avec ce que cela entraîne de politique de prestige et de protection économique. Les pays d'Europe sont trop étroits pour assurer à leurs peuples la prospérité que les conditions modernes rendent possibles et, par conséquent, nécessaires. Les prospérités et les développements sociaux indispensables sont impossibles à moins que les États d'Europe ne se forment en une fédération ou une 'entité européenne qui en fasse une unité économique commune."

Cette vision prémonitoire de l'Europe a été écrite par Jean Monnet à Alger, le 5 août 1943. Plus de dix années ont passé et le paysage européen a considérablement changé. Après avoir frôlé un très haut degré d'achèvement dans le domaine politique, la marée européenne connaît un reflux. Pourtant il faut continuer, car la nécessité de l'union est plus présente que jamais. Jean Monnet choisit le terrain économique. Avec les hommes d'État du Benelux, Paul Henri Spaak et Jean Beyen, il prépare une relance qui se concrétisera à Messine, le 3 juin 1955. La démarche retenue par les Six est nouvelle, car il est décidé de créer une Communauté spécialisée, à l'image de la CECA, dans le domaine prometteur pour l'avenir de l'énergie nucléaire à usage civil: ce sera l'Euratom. Parallèlement est prise la décision de libérer les États membres des frontières commerciales et de créer un marché commun où circuleront les marchandises, les hommes, les capitaux. Ce sera la Communauté économique européenne dont le traité instituti

f est signé, le 25 mars 1957 à Rome, pour une durée illimitée.

Jean Monnet prend une part active à la relance. Il démissionne de la présidence de la Haute Autorité de la CECA pour garder les mains libres. Conscient de la nécessité d'associer les représentants des forces politiques et les syndicats à la construction européenne, il fonde le comité d'action pour les États-Unis d'Europe, qui, de 1955 à 1975, sera un groupe d'influence très présent sur la scène communautaire.

Le comité Monnet obtient, dès sa formation, un premier succès: le ralliement des socialistes allemands à la cause européenne. Il contribue à la ratification rapide dans chaque État des traités de Rome. Dès 1959, les premières étapes du marché commun sont franchies. Des politiques communes dans le domaine agricole et social accompagnent la libéralisation des échanges, qui s'effectue selon le rythme prévu et s'achève avec dix-huit mois d'avance sur le calendrier, le 1er juillet 1968.

Un incessant combat pour l'Europe unie

Le comité d'action pour les États-Unis d'Europe a été, pendant vingt ans, un précieux instrument aux mains de Jean Monnet. Il lui permit d'intervenir sur tous les dossiers communautaires revêtant une certaine importance: l'adhésion de la Grande-Bretagne, qu'il appuya lors des deux candidatures de 1961 et de 1967, l'union politique de lEurope, l'union économique et monétaire, les relations avec les États-Unis, le développement des politiques communes, le respect des institutions. La quasi-totalité des chefs de parti et des représentants des syndicats, de la majorité et de l'opposition des six États fondateurs, auxquels se sont joints ensuite les Britanniques, ont, chacun à leur tour, siégé dans cette institution informelle qui a agi comme un puissant groupe de pression politique au service des idées européennes.

La construction européenne ne s'est pas développée sans heurts. Jean Monnet connaissait la signification des crises, qu'il jugeait inévitables, car elles précèdent et annoncent le changement. Il n'a jamais cédé au découragement et savait habilement exploiter un obstacle posé sur le chemin de l'union pour lui faire prendre une autre direction et progresser plus encore. Il eut à défendre le fonctionnement des institutions, quand celles-ci furent menacées dans leur essence même. Lors de la »crise de la chaise vide qui, en 1965, opposa la France à ses cinq partenaires, sur le principe du vote à la majorité au sein du Conseil, il s'opposa au droit de veto qu'il jugeait comme un facteur de blocage et la négation de la loi démocratique. Il veilla à la sauvegarde des principes d'indépendance et d'autorité propre qui devaient caractériser la Commission, garante de l'intérêt commun et expression de la volonté d'intégration.

En 1973, soucieux de rendre plus responsables encore les chefs d'État ou de gouvernement de la bonne marche de la Communauté, il contribua à la naissance du Conseil européen, organe d'arbitrage suprême et d'impulsions, qui vit le jour en 1975 et fut consacré par lActe unique européen en 1986.

Un lutteur infatigable

Jean Monnet ne s'accordait aucun repos. Son influence était considérable et dépassait les frontières de l'Europe. Les présidents des États-Unis l'ont, chacun à leur tour, reçu et écouté et ont adopté le principe du partenariat à égalité entre l'Europe et les États-Unis dont Jean Monnet considérait qu'il était la seule condition d'un dialogue équilibré et fructueux des deux côtés de lAtlantique. A chaque événement important dans la vie de la Communauté, pour faire avancer un projet, pour dénouer une crise, pour établir le fil entre deux capitales, Jean Monnet mobilisait son réseau, prenait son bâton de pèlerin, et allait convaincre les responsables politiques de la nécessité du moment.

Son audience était d'autant plus grande qu'il ne demandait rien pour lui-même. Il citait souvent le moraliste américain Dwight Morrow: »Il y a deux catégories d'hommes, ceux qui veulent être quelqu'un et ceux qui veulent faire quelque chose. Il s'était rangé délibérément dans la seconde catégorie et son désintéressement forçait la confiance.

A l'éclat des scènes publiques, il préférait la discrétion. Il n'a jamais entrepris de carrière politique et personne ne connaissait ses tendances partisanes. Il agissait à travers ceux

qui détiennent le pouvoir et qui en tiraient ensuite la gloire. Lui se contentait de la satisfaction de voir les affaires avancer et gardait dans l'ombre la liberté qu'il aurait perdue en devenant un homme public.

Il devait ses succès à la persévérance qu'il mettait à leur achèvement. Aucune magie ne facilitait sa tâche. Il reconnaissait lui-même que tout lui a toujours été assez difficile. Il avait grand soin du détail, sachant que rien de secondaire ne devait être négligé pour aboutir. Demandant beaucoup à ses collaborateurs, il recevait d'eux le dévouement que l'on doit autant à une grande cause qu'à un chef exigeant. A ses interlocuteurs qu'il s'agissait de convaincre, il n'hésitait pas à exposer plusieurs fois son projet, revenant à la charge, franchissant tous les barrages de l'immobilisme bureaucratique.

Ses racines paysannes ne le quittaient pas. Partout où il séjournait, il recherchait le contact avec la nature, propice à de longues réflexions solitaires. Dans l'action, il ignorait le rythme et les rites de la société. On ne s'étonnait pas de l'entendre téléphoner très tard le soir. Il aimait les notes courtes, rédigées dans la plus grande limpidité. Il tenait à les soumettre à chacun, de son jardinier au ministre de passage. Ennemi des digressions abstraites, il demandait que l'on aille à l'essentiel et que l'on sache se concentrer sur un seul objet. Ainsi était l'homme, qui a vécu et combattu pour faire avancer un seul idéal: favoriser l'entente entre les hommes, organiser l'action commune, établir le cadre d'une société internationale plus civilisée.

 
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