III SEMINAIRE EUROPEEN SUR LE TIBET
PLEINE AUTONOMIE POUR LE TIBET DANS LES TROIS ANS OU RECONNAISSANCE INTERNATIONALE DU GOUVERNEMENT TIBETAIN EN EXIL
Parlement européen, Bruxelles, les 7 et 8 décembre 2000
Speaking notes d'Olivier Dupuis
La Chine est incontestablement le problème du siècle qui commence. La transformation du régime de Pékin, c'est la transformation d'un système communiste en un système national-communiste. Avec comme conséquence la naissance d'un système plus dangereux encore que le précédent puisque dans ce nouveau système il n'y a même plus la légalité - abérante certes - mais légalité quand même du système communiste.
Les symptômes:
a) la corruption : nous assistons à l'arrestation de hauts responsables, y compris l'actuel ministre de la justice; mais ces arrestations ne veulent pas dire justice, mais sont seulement des règlements de compte entre factions qui luttent pour maintenir ou accroître leur pouvoir.
b) l'agressivité nationaliste à l'égard du Tibet bien sûr, mais aussi du Turkestan oriental, de la Mongolie intérieure et, surtout, de Taiwan.
c) la montée en puissance régionale avec, en premier lieu, la pression croissante sur l'Inde y compris au moyen d'une occupation larvée de la Birmanie (multiplication des bases militaires), une coopération renforcée avec les autorités militaires du Pakistan (essais nucléaires, ), une pression accrue sur les Philippines à travers l'occupation de certains ilôts de l'archipel des Spratleys
Quels sont les possibles points de contradiction du régime ?
Taiwan, avec sa démocratie et sa prospérité économique;
Le Tibet, avec son irréductible identité et la force avec laquelle le Dalai Lama incarce cette identité;
Les citoyens chinois eux-mêmes. Mais ceci est beaucoup plus difficile à percevoir. Même si certains signes sont évidents, comme la formation du Parti Démocratique et l'arrestation de ces dirigeants, la multiplication des confrontations à caractère social; la question des Falung Gong,
Il faut, selon moi, intégrer ou réintégrer la bataille pour la liberté du Tibet dans ce contexte plus large: la démocratie en Chine, la démocratie en Asie, la préservation - par conséquent - de la paix mondiale.
Remporter des succès ou vaincre sur l'un ou l'autre de ces fronts ne pourra qu'avoir des conséquence positives sur l'ensemble des autres fronts.
En ce sens en particulier, mais pas seulement, ce que nous dira Wei cette après-midi sera très important. En particulier il faut que nous comprenions comment travailler de façon plus étroite avec les démocrates chinois de l'extérieur comme de l'intérieur pour comprendre comment nous pouvons arriver à abattre l'actuel régime chinois pour que finalement la démocratie et l'Etat de droit puissent être instaurés en Chine.
Comme nous devrons écouter attentivement ce que nous dira Erkin Alptekin, pour comprendre comment faire connaître la tragédie oubliée du Turkestan oriental et celle, plus oubliée encore, de la Mongolie méridionale.
De la même manière je suis convaincus que nous devons être attentifs et soutenir plus activement les amis kosovars et les amis tchétchènes. En particulier ces derniers qui vivent en ce moment une tragédie sans nom.
Les questions tchétchène et kossovare sont importantes également en ce qu'elles sont ou pourraient devenir également des » précédents . Le Kosovo est aujourd'hui sous administration de l'ONU. Le principe de l'intégrité territoriale de la Yougoslavie est moribond. Et il ne survivra pas à la politique du régime de Milosevic. Les choses sont plus compliquées en ce qui concerne la Tchétchénie parce qu'à la place de Belgrade nous avons Moscou. Et ce même si le comportement des autorités russes en Tchétchénie a été pire encore que celle de Belgrade au Kosovo.
Ceci pour dire que le principe de l'intégrité territoriale est en train de changer, même si les chancelleries crient haut et fort le contraire. Je dirais même que plus elles crient fort, plus on peut considérer qu'elles le font pour cacher quelque chose qui les effraie, parce qu'elles ne le comprennent pas bien, parce qu'elles ne savent pas ce que ce changement leur réserve.
L'intégrité territoriale ne peut plus être et sera de moins en moins considérée comme la capacité d'assurer l'intégrité du périmètre d'un territoire comme cela s'est passé au cours des derniers siècles, mais bien plus comme la capacité de garantir l'intégrité d'un territoire dans son acception large: tout à la fois celle des habitants qui y vivent, celle des autres êtres vivants de ce territoire, celle des ressources naturelles, celle de l'identité, de l'histoire de ce territoire.
Si l'on considère l'intégrité du Tibet dans cette acception, on peut dire qu'elle a été violée de façon massive et constante depuis 50 ans par les autorités qui étaient censées la protéger.
1.200.000 Tibétains sont morts dans les années qui ont suivi l'invasion chinoise;
des centaines de milliers de Tibétains ont été privés de leur liberté au cours de ces 50 dernières années;
des dizaines de milliers de Tibétains sont morts dans des camps de concentration;
des milliers de Tibétains sont toujours incarcérés, torturés, humiliés;
les Tibétains ne peuvent plus vivre leur histoire, leur culture, leur langue, leur religion; leurs monuments ont été en grande partie détruits ;
les ressources naturelles du Tibet ne sont pas exploitées » en bon père de famille mais pillées ;
l'envirronement est soumis aux pires attaques.
Selon cette définition de l'intégrité territoriale, il est évident que les autorités chinoises ont démontré qu'elles n'avaient pas su préserver l'intégrité du Tibet; elles devraient, en droit - un peu comme des parents qui se sont montrés incapables d'élever dignement leurs enfants peuvent être déchus de leurs droits et pouvoirs parentaux - perdre le droit (indépendement du fait que l'on considère ou non qu'elles occupaient légitimement le Tibet) de considérer le territoire du Tibet comme faisant partie du territoire chinois.
Evidemment cette définition qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, fait des progrès, est, malheureusement, encore loin d'être reconnue, acceptée et, surtout, intégrée dans le droit international.
Mais, plus important encore, ce n'est pas là que réside l'objectif de nos amis tibétains. Leur objectif - et donc aussi le nôtre - est celui d'un nouveau statut d'autonomie. Pas n'importe quelle autonomie. Une pleine autonomie dans tous les secteurs de la vie politique, économique, sociale et culturelle, à l'exception de la défense et de la politique étrangère. Ce qui n'a évidemment rien à voir avec une autonomie soi-disant culturelle et/ou religieuse.
Une véritable autonomie cela veut dire un nouveau statut défini de commun accord par les autorités de Pékin et le gouvernement tibétain en exil et, j'ajouterais, sous l'égide d'une tierce partie ayant suffisament de prestige et étant suffisament reconnue, pour garantir que les négociations se déroulent de façon loyale et honnête.
A tout cela il faut ajouter le facteur temps: » the time is runing out . Un slogan que nous ne pouvons pas nous répéter à l'infini. Cela fait 50 que le Tibet est occupé. Cela fait près de 20 ans que la politique de génocide par dilution est en cours avec les immenses transferts de population chinoise que l'on sait (le Tibet aujourd'hui c'est 7 millions de Chinois et 6 millions de Tibétains ).
Que faire ?
a) concentrer nos forces
En premier lieu nous devons faire un gros effort pour nous concentrer. Nous concentrer dans le sens de nous limiter, de ne pas nous disperser, de réunir nos forces sur un ou quelques objectifs précis.
b) mobiliser nos forces sur nos pays
Nous devons arrêter d'être les jouets des autorités chinoises qui ont beau jeu de libérer quelques dissidents un jour et d'en arrêter d'autres le lendemain, qui ont beau jeu de concevoir des projets toujours plus fous. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas dénoncer ces faits. Mais nous devons avoir la force de ne pas nous perdre dans deux cent mille initiatives différentes.
Je suis personnellement convaincus que nous devons nous concentrer sur les gouvernements et sur les parlements de nos pays, des pays démocratiques, à commencer par ceux de cette Europe à laquelle nous appartenons.
Ce sont des décisions venant de ces gouvernements qui peuvent amener la République Populaire à changer de politique, à accepter finalement de négocier.
c) intégrer le facteur temps
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé que cette » conditionalité temporelle soit introduite dans la résolution qui a été adoptée par le PE: » si, dans un délai de 3 ans les autorités de Pékin et le gouvernement tibétain en exil ne sont pas parvenus à un accord sur un nouveau statut de pleine autonomie , alors les gouvernements des pays démocratiques devront en tirer les conséquences et » reconnaître le gouvernement tibétain en exil .
En clair - et c'est le titre de ce séminaire - je suis convaincu que nous devons - et que nous pouvons - arriver à faire adopter dans un maximum de parlements nationaux en un minimum de temps des résolutions semblables ou plus fortes et précises encore que la résolution adoptée par le Parlement européen.
De façon convergente, nous pouvons et nous devons agir sur d'autres institutions, à commencer par nos institutions régionales. Et je suis heureux de vous annoncer ici que la région du Piémont (4,5 millions d'habitants, 25.000 kilomètres carrés) vient d'adopter une motion qui va exactement en ce sens. Elle est due à l'initiative de deux conseillers régionaux radicaux, Carmelo Palma qui n'est malheureusement pas ici et Bruno Mellano qui vous en parlera plus longuement tout à l'heure.
Mais aussi, sur base de notre expérience commune de ces dernières années, nous pouvons relancer et, je crois, renforcer énormément, la campagne que nous avons menée tous ensemble en direction des maires, des bourgmestres, des conseils municipaux et communaux d'Europe.
Nous pouvons lancer une grande campagne demandant aux maires d'Europe et ensuite aux maires de l'ensemble du monde libre d'exposer de façon permanente le drapeau tibétain et ce jusqu'à ce qu'à une conclusion positive des négociations sino-tibétaines.
Cette idée m'est venue cet été durant la marche transalpine, après avoir vu quelques maires, à commencer par le Maire de Briançon, décider spontanément d'exposer de façon permanente le drapeau tibétain.
Cette campagne, comme vous pourrez le voir dans le projet d'appel qui se trouve dans vos dossiers doit être vue en premier lieu comme une campagne de soutien aux initiatives qui devront être prises dans les parlements nationaux.
Et contrairement aux campagnes précédentes qui nous » obligeaient à recommencer chaque année, à l'occasion du 10 mars, cette campagne aura l'avantage d'être cumulative. Nous avons déjà les 3 premiers maires. Il ne tient qu'à nous de nous fixer, dès à présent, un objectif ambitieux: pourquoi pas 1000 maires d'ici à la fin de 2001. Et ensuite nous retrouver pour relancer l'initiative.
Dernière chose enfin. Nous avons appris il y a quelques jours au travers d'une déclaration du Dalai Lama qu'un contact avait été renoué avec Pékin. Mais que la balle était en ce moment dans le camps de Pékin qui n'a toujours pas répondu.
Ce n'est évidemment pas une mauvaise nouvelle. Mais ce n'est pas encore non plus une bonne nouvelle. Je dirai donc que cela ne doit pas nous distraire. Notre problème est, je le répète encore fois, celui d'amener nos gouvernements à rompre avec l'hypocrisie qui est la leur face à la tragédie tibétaine en adoptant des positions officielles, certes modérées comme l'est incontestablement l'objectif d'un nouveau statut de pleine autonomie, mais extrêmement précises et fermes.
Bon travail à tous.