Il est difficile de comprendre quel impact aura l'Union politique sur l'Espace Economique Européen. Ainsi, l'Union politique et l'UEM sont qualitativement très différents de l'EEE. Cependant, on peut souligner les différences afin de mieux comprendre la réalité politique et la teneur de l'EEE. Je désirerais traiter cela sous quatre angles différents:
Affaires étrangères
L'accord sur l'Union politique établit le principe du dialogue en vue de développer des relations plus étroites dans des sphères d'intérêt communs. Cela peut avoir lieu au niveau ministériel, au niveau des directeurs politiques, au sein des réseaux diplomatiques, de conférences et d'organisations internationales.
L'Union politique peut avoir un impact sur le dialogue politique dans le cadre de l'EEE, vu que la CE augmentera les prises de position commune en politique extérieure et de sécurité. La Communauté aura ainsi une position de base. Cela aura pour conséquence que chaque capitale des pays de l'AELE subira une pression croissante afin qu'elles se rangent sur les positions de la CE.
Dimension démocratique
L'accord sur l'EEE ne traite pas de la dimension démocratique pour trois raisons simples: En premier lieu, il n'y a pas de transfert de pouvoir législatif des parlements nationaux au Comité conjoint EEE. En deuxième lieu, chaque pays de l'AELE peut refuser d'adopter le transfert d'une nouvelle directive européenne en loi EEE. En troisième lieu, la prise de décision est un processus de décision long qui peut mener à la suspension d'une partie de l'accord s'il y a des divergences profondes.
Les parlements nationaux peuvent être consultés avant l'adoption d'une nouvelle loi par le Comité conjoint de l'EEE. Puisque le rôle des parlements nationaux est maintenu "de iure" pour la prise de décision, le rôle de l'Assemblée parlementaire de l'EEE est principalement consultatif et examine les rapports annuels du Comité conjoint EEE.
L'impact de l'Union politique sur l'EEE sur le développement d'un processus plus démocratique au sein de la CE n'est pas direct. Cependant, il explique pourquoi il est si difficile pour la CE de faire participer les pays de l'AELE à la co-décision. La CE manque d'équilibre co-décisionnel au sein de ses institutions. Ainsi, la CE et ses pays membres ne peuvent pas accepter d'étendre un tel droit à une troisième partie contractante dans le cadre d'un accord d'association.
Le renforcement des compétences communautaires
L'Union politique devra renforcer les pouvoirs de la CE par une plus large application du vote à la majorité qualifiée, en particulier pour la recherche et le développement, l'environnement, la santé publique, l'éducation, la formation professionelle, la jeunesse ainsi que pour la politique des consommateurs. Bien plus, l'Union politique attribue de nouvelles compétences à la CE: création et développement de réseaux transeuropéens pour l'infrastructure de transport, les télécommunications, le tourisme, la protection civile, la culture, la concurrence industrielle ainsi que l'immigration et les refugiés. Toutes ces compétences, sauf la dernière, seront gérées au niveau communautaire et leurs développements futures seront décidés à la majorité qualifiée.
L'accord sur l'EEE couvre presque tous ces champs de compétences vu qu'ils sont liés soit aux quatre libertés, soit aux champs horizontaux, soit aux politiques s'y attenant. Une coopération étroite n'est prévue que lorsque les pays de l'AELE y participent pleinement au niveau financier (par exemple: programme cadre de recherche et de développement).
Les compétences pour lesquelles le Conseil de la CE pourra décider à la majorité qualifiée couvrent également l'accord EEE, soit par la mise sur pied de la législation communautaire soit par un accord de coopération renforcée. Il faut s'attendre à ce que la CE soit plus attentive à ces domaines de compétences à l'avenir, et y progresse plus rapidement en y intégrant ses Etats membres. Comme la plupart de ces compétences touchent également l'EEE, les pays de l'AELE auront interêt à s'associer à ces développements et à coopérer étroitement. Il est par exemple difficile de concevoir que les réseaux des transports, des télécommunications ou energétiques se développent sans l'association d'un pays qui est géographiquement au centre de l'Europe, la Suisse.
Reconnaisance du principe de subsidiarité
Le Traité d'Union reconnaît le principe de subsidiarité comme principe clès des actes de la CE dans tous les domaines où la CE n'a pas de compétences exclusives.
Les pays de l''AELE le reconnaissent également et ont insisté durant les négociations sur le principe de subsidiarité, même s'il n'est pas expressément mentionné dans l'accord sur l'EEE.
Il y a convergence d'approche à cet égard. Il est important pour les pays de l'AELE que les tâches qui peuvent être remplies au niveau de l'AELE ou de la CE soient gérées à ce niveau.
Laissez moi conclure par une phrase qui exprime la richesse du processus dans lequel nous sommes engagés: l'interdépendance financière, politique, sociale et culturelle a tellement augmenté en Europe occidentale depuis la fin des années 50 que l'approfondissement du processus d'intégration de la CE ne peut avoir lieu à l'avenir sans une association étroite des voisins européens.
M. Franz BLANKART