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Notizie Tibet
Partito Radicale Olivier - 1 maggio 1996
TIBET FRANCOPHONE NR 24 - Editorial

Editorial de "Tibet Francophone" nr 24, mai-juin 1996 - ISSN 1258-6609 - Reproduction autorisée sous réserve d'en mentionner l'origine

UNE CHINE VICTORIEUSE

de Frédéric Rava Reny

Chaque année, la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies est le théâtre d'une lutte entre adversaires et partisans des libertés individuelles en Chine populaire. La 52ième session, celle de 1996, tenait à la fois du marathon et de la course d'obstacles.

Une fois de plus, la République populaire de Chine en sort victorieuse. Elle a réussi à se soustraire à la fois à une discussion et à un vote sur sa situation des droits de l'homme grâce à une procédure, la "non-action", instituant un vote préalable (cf. résultat du vote ci-joint). Avec 27 voix sur 53 pour la non-action, exit le projet de résolution (le sixième du genre depuis 1989) condamnant les violations reprochées à la République populaire de Chine.

L'année dernière pourtant, pour la première fois, la procédure de non-action était rejetée, signe d'une tendance moins laxiste envers les exactions du régime chinois en matière de droit de l'homme. Une discussion sur la situation en République populaire de Chine eut lieu, ainsi que le vote. Finalement, la Russie sauvait sa grande voisine d'un blâme. Cette année, malgré les tergiversations françaises, la Chine cachait mal sa nervosité. L'ambassadeur chinois WU Jianmin n'a pas hésité à hausser le ton à plusieurs reprises.

Mardi 19 mars, par exemple, le diplomate chinois attaquait le vice-ministre suédois des affaires Etrangères, M. Pierre Schori, l'accusant de tenir des "propos irresponsables" et d'avoir "porté atteinte à l'honneur d'un pays souverain". M. Schori, invité spécial, avait déclaré devant la séance plénière que "là où les violations des droits de l'Homme se produisent, elles doivent être dénoncées".

Egalement, le jour du vote sur la non-action, le 23 avril, M. Wu se fit même menaçant. "Cette proposition de résolution, bien qu'élégamment confectionnée, est motivée politiquement et confirme sa nature antichinoise. Elle est dirigée non seulement contre la Chine mais aussi contre tous les pays en voie de développement. Ce qui arrive aujourd'hui à la Chine pourrait arriver demain à n'importe quel autre pays en voie de développement", déclarait le porte-parole chinois. Un avertissement clair: en s'en prenant à la Chine, c'est le tiers-monde qu'on attaque, et si le tiers-monde vote contre la Chine, la Chine lui rendra la pareille.

Le clivage Nord-Sud se ressent bien dans les votes (quasiment tous les pays du Nord ont voté contre la Chine, et trois quarts de ceux du Sud pour). Alors doit-on voir dans ce vote un Nord champion des droits de l'homme et un Sud complice par son silence ? Doit-on croire avec Pékin que les Occidentaux n'ont que faire du Tibet et n'y trouvent en fait qu'un habile prétexte pour vilipender une Chine encore affaiblie ?

Au vu des votes de cette commission, doit-on prêter foi à une ancienne prophétie tibétaine selon laquelle le Tibet sera sauvé par le nord (mais quel nord ?), ou songer que la question du Tibet se joue maintenant au Sud ?

L'Occident prisonnier de ses contradictions, le Sud de sa faiblesse ...

Il serait hâtif de voir dans le Nord un champion des droits de l'homme. Ce serait bien vite oublier qu'il est responsable, tout au moins qu'il cautionne l'inégale répartition des richesses, système dont il tire non seulement avantage mais également sa suprématie. Les pays occidentaux ne remettent guère en cause les échanges inégaux, le système de la dette ou le poids d'institutions Economiques internationales (voire supranationales) comme le FMI, la Banque Mondiale ou l'OMC sur les pays pauvres.

Et même si certains hommes politiques occidentaux, parfois des plus inattendus, n'hésitent pas à critiquer ouvertement cette politique, cela suffit-il à donner l'absolution ?

C'est là une profonde contradiction de l'Occident d'être à la fois le chantre des libertés et un oppresseur pour une grande partie de l'humanité.

Quant aux pays du Sud, que dire ?

Doit-on les blâmer de céder aux injonctions menaçantes de la Chine, cette même Chine qui bien souvent défend leurs intérêts dans les institutions internationales ? Seraient-ils moins faibles que peut-être leur attitude serait différente.

On pourrait songer un instant que dans un élan de générosité, certains dirigeants du tiers-monde prennent fait et cause pour le Tibet, au nom de la liberté, des droits de l'homme et de la démocratie, s'abritant si nécessaire sous l'égide des pays démocratiques trouvant là des alliés. Mais force est de constater que ceux-là mêmes qui prennent fait et cause pour ces valeurs universelles dans leurs propres pays ne bénéficient aucunement d'un soutien occidental (songer par exemple à l'attitude de la France au Rwanda, au Zaïre ou au Togo). La politique étrangère occidentale n'est pas fondée sur l'idéalisme mais sur l'opportunisme. Nous ne pouvons que le regretter.

Le Tibet: un défi pour le Sud

Alors, faut-il croire avec Pékin que l'Occident utilise le Tibet pour critiquer sans vergogne le pays le plus peuplé du monde ? Cela serait vite aller en besogne, et faire bien peu de cas de l'opinion publique qui fort heureusement joue un rôle dans les pays occidentaux. Et si les prétentions allégation de Pékin selon lesquelles l'Occident se sert de la question du Tibet pour attaquer et affaiblir la Chine - et le tiers-monde - se trouvaient fondées, pourquoi alors Pékin ne résoudrait-il pas lui-même cette question ?

Les dirigeants chinois ne mesurent pas leur chance. Le Dalaï Lama est un homme d'ouverture et de dialogue. Il ne réclame pas l'indépendance mais des négociations. La Chine tirerait un immense prestige à résoudre dans la conciliation la question du Tibet. Elle ne prêterait ainsi plus le flan à la critique occidentale tant honnie.

Dans cette optique, il est dans l'intérêt des pays du Sud d'inciter la Chine à régler le problème tibétain; et pourquoi pas de fournir des émissaires en vue de négociations. Le Sud s'en trouverait renforcé. La Chine ouvrirait une nouvelle approche dans le réglement des conflits. Mais le Tibet, ni la Chine, n'est encore la patrie de Thomas More.

La question du Tibet doit se déplacer au Sud

Ni la Chine, car jouer la carte du clivage Nord-Sud relève plus chez l'ambassadeur chinois du machiavélisme que de l'utopisme. Certes, les pays en voie de développement ne représentent pas un "bloc" à proprement parler, ni même une coalition. Chacun a ses propres raisons de voter avec ou contre la Chine. Cependant, la tactique a fait mouche. En invoquant le sacro-saint tiers-monde menacé, la Chine a remporté la partie. Peut-être sous la pression de leurs opinions publiques, plus aléatoirement de leurs consciences, ou plus cyniquement d'intérêts plus douteux, les pays occidentaux défendent avec une intensité et une détermination variables le Tibet. Se rallient à eux, dans une certaine mesure, les (ex) pays de l'Est, tributaires des capitaux occidentaux. Mise au vote, la question du Tibet dans les instances internationales dépend désormais des voix des pays du Sud. Toutefois, ces arbitres inhabituels semblent ignorer leur nouveau rôle. Pékin, au contraire, a bien noté l'importance accrue des pays du Sud. Il en

avait pris la pleine mesure l'année dernière, lorsque la Commission des Droits de l'Homme faillit le condamner, à une voix près. 1995 voyait en effet porter à son comble le nombre de pays n'hésitant plus à critiquer la Chine (ou à s'abstenir). De quoi inquiéter les dirigeants de Pékin et d'ébrécher "l'âge d'or de la diplomatie chinoise".

La Chine s'attela donc à renverser cette tendance. Elle y consacra une année. Elle disposait d'avantages certains: la compréhension de l'importance nouvelle des pays du tiers-monde, les moyens financiers de mener à bien sa politique de persuasion une année durant.

Côté tibétain, le manque de moyens est flagrant. Aucun pays ne reconnaît le Gouvernement du Dalaï Lama. Et la modeste communauté en exil ne peut assumer les frais d'une diplomatie audacieuse et soutenue. La diplomatie tibétaine donne alors parfois l'impression d'avancer par à-coups. Son point de vue sur le rôle des pays du Sud dans les instances internationales reste énigmatique. Plus d'une fois, cependant, le Dalaï Lama s'est prononcé en faveur du tiers-monde; et la vision de différents Tibétains de haut rang, tel le professeur Samdhong Rimpoché, pourrait être qualifiée de 'tiers-mondiste" (notamment sur les idées d'autosuffisance). Un problème pour la diplomatie tibétaine reste certainement la difficile conciliation entre leurs "alliés" du moment, un Occident réticent, et ce qui devraient être leurs alliés naturels, les pays du Sud.

Il n'empêche. La question du Tibet doit se développer dans le Sud.

Les intellectuels, les politiques et les dirigeants des pays du Sud doivent connaître le problème du Tibet. Il appartient aux Tibétains - et à leurs amis - d'en comprendre la nécessité. Et d'y contribuer. La tâche n'est pas aisée.

Un humanisme renouvelé

Car, bien souvent, lorsqu'on aborde la question du Tibet avec des interlocuteurs du Sud, ils n'y voient qu'un épiphénomène d'un processus d'exploitation qu'ils connaissent bien, pour l'avoir vécu et le vivre encore. Pourtant, le Tibet représente un cas d'exception dans les phénomènes d'exploitation ou d'oppression. Certes, il existe, à petite échelle, des mouvements de résistance armés au Tibet qui combattent les forces d'occupation chinoises. Ils ne représentent cependant pas, il s'en faut de beaucoup, l'option générale du peuple tibétain pour se libérer.

Sous l'égide du Dalaï Lama, homme de paix, les Tibétains ont placé leur confiance dans la vérité et la justice, mais surtout dans la communauté internationale. C'est toute la noblesse de leur combat. Une inébranlable foi en l'Homme et dans les valeurs positives de l'Humanité, une foi dans laquelle ils confient leur destin et leur survie même.

Le Tibet, épiphénomène ?

La cause tibétaine n'existe que par la conscience révoltée de ces milliers de gens de par le monde qui réclament en conséquence à leurs gouvernements d'agir. Leurs gouvernements, qui malgré leurs pragmatismes et leurs opportunismes, restent les gouvernements du peuple, par le peuple et pour le peuple. Voilà le défi de la cause tibétaine: miser sur l'Humanité de chaque homme, miser sur la Vérité et la Justice.

Et le gouvernement chinois ne s'y trompe pas.

Savoir pourquoi il redoute à ce point une condamnation de la Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies, condamnation toute symbolique, la Commission n'ayant pas de pouvoir contraignant, reste un mystère pour les observateurs. Qu'ils songent à la théorie de la "lutte à contre-courant", une théorie empruntée à Lénine par Mao dans un texte de mai 1959, qui affirmait que "parfois un homme isolé peut l'emporter sur les autres parce qu'il détient la vérité, et qu'il faut réfléchir par soi-même, exprimer son opinion personnelle et avoir l'audace d'aller à contre-courant".

Les dirigeants chinois ont donc pleinement conscience du pouvoir d'un individu, armé de la seule vérité. Ce n'est pas pour rien qu'ils jetèrent Wei Jingsheng dans une mine de sel, Wei, un homme malade qui pour seul crime scandait un cri sacré: "liberté".

"En Chine, les prophètes ne clament pas dans le désert car la foule est partout."

Alors, une condamnation des Nations Unies serait un symbole. Un symbole porteur d'espoir et d'une force nouvelle pour un combat qui semble parfois anodin ou désuet aux nantis de cette planète, un combat toujours renouvelé, celui de la liberté.

 
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