Témoignage. Tsering Yuthok vient de recevoir le Prix de l'Esprit de Liberté pour ses efforts de préservation de la culture tibétaine, parmi un choix initial de 900 organisations ethniques.
Née en 1946, elle se souvient très bien d'un Tibet pacifique, mais en 1956, lorsque les Chinois voulurent l'envoyer à l'école à Pékin, sa mère l'envoya dans sa famille en Inde. Son père, qui avait combattu dans les années '50 passait à ses yeux pour un paisible commerçant lorsque ses illusions disparurent, le retrouvant blessé grièvement par un obus. Avant d'être transporté en Inde, il lui dit "Rappelle-toi, tu es Tibétaine. Fais attention, ne déçois pas la nation tibétaine. Et lorsque tu grandiras, fais quelque chose pour le Tibet. Nous comptons sur toi, car ce sera à toi de reconstruire notre nation."
Après avoir vécu à Taiwan quelques années, elle émigra à Seattle en 1977 avec son mari et ses enfants. Elle est retournée au Tibet pour la 1ère fois en 1992. Ce qui l'a frappé le plus n'a pas été les bâtiments hideux en béton, mais plutôt le regard des Tibétains, rivé au sol, lorsqu'ils lui parlaient, le dos courbé. Lors de sa visite à Lhassa, elle suivit le son d'une musique traditionnelle, sous haute surveillance chinoise. Un groupe de Tibétains s'approcha, et lui dit: "Comment va le Dalaï Lama ?
Dites-lui que tous nos espoirs sont en lui". Elle chuchota alors "Ne parlez pas si fort. Les gens de la sécurité nous surveillent. Vous allez avoir des problèmes..."
Un jeune homme lui répondit alors: "J'ai été en prison tellement de fois. Cela n'a aucune importance".
Tsering Yuthok a rapporté le souvenir de cette voix au ton de défi, qui s'est jointe à la voix de son père. "Nous comptons sur toi. Ce sera à toi de reconstruire notre nation".
(Source: WTNN (TIBET INFO 19 juillet 96)