La tranche principale du projet de barrage chinois sur le lac Yamdrok, au Tibet, a dû être arrêtée, le tunnel servant à évacuer l'eau vers les turbines s'étant écroulé. Plus de 1.000 tonnes de rocs et de débris ont eu, l'an dernier, raison de ce projet démesuré qui devait doubler la capacité de production d'électricité au Tibet. Ce projet, qui avait été estimé à l'origine à 600 millions de yuans, devrait maintenant se monter à 1,8 milliard de yuans, soit trois fois le budget initial !
Malgré le silence des autorités chinoises on a pu connaître la vérité par l'intermédiaire d'ingénieurs autrichiens ou américains dont les sociétés collaborent au projet. "Ils auraient dû l'abandonner" a confié un responsable, "mais le projet a tant d'implications politiques qu'ils ne peuvent le faire". Le chantier avait été officiellement inauguré par Jiang Zemin en 1990.
Il semble que l'effondrement du tunnel principal date de septembre ou d'octobre dernier, lors d'un essai de fonctionnement qui s'avéra catastrophique. Néanmoins, le vice-premier ministre chinois Wu Bangguo, venu à l'occasion du 30ème anniversaire de la création de la Région Autonome du Tibet voulut absolument inaugurer la turbine n.1.
Celle-ci a dû être arrêtée après 3 secondes de fonctionnement car elle commençait à brûler, faute d'arrivée de l'eau ! Plusieurs témoins affirment qu'une panne d'électricité juste avant la cérémonie a obligé les ingénieurs à installer d'urgence un groupe électrogène d'appoint pour permettre les opérations inaugurales. Depuis la date de cette inauguration ratée, il n'a plus été fait mention du projet dans la presse officielle. "Il a disparu comme un arc-en-ciel" commente un Tibétain qui attribue l'échec à la corruption régnant parmi les officiels chinois, ce qui aurait entraîné de nombreuses négligences techniques.
La Communauté Européenne, dont l'aide avait été sollicitée, avait exprimé son refus, fortement encouragée par une campagne internationale, craignant que l'industrialisation excessive de la vallée de Lhassa n'entra ne un nouvel afflux d'immigrants chinois.
Le 10ème Panchen Lama, dès 1985, s'était opposé à l'idée de ce projet, considérant qu'il aboutirait tôt ou tard à l'assèchement du lac Yamdrok, malgré les arguments des Chinois promettant de réalimenter le lac en eau grâce à des pompages dans le cours du Yarlung Tsangpo (Brahmapoutre). La technique de ces pompages était si peu assurée que de nombreux experts étrangers avaient indiqué en août 95 que les Chinois n'avaient plus l'intention de réaliser cette partie du projet.
En juin, l'organisation I.C.T. (International Campaign for Tibet), basée à Washington, avait signalé le limogeage du chef de projet, le général Fang Changquan.
Plusieurs ouvriers chinois auraient également péri lors des effondrements, selon des sources non confirmées. (Source: TIN) (TIBET INFO, 21 août 1996)