"Nous sommes arrivés à Lhassa un soir de février 1992. La nuit était déjà tombée. Nous Etions 4 nonnes, accompagné d'un moine de Nyemo. Au petit matin, nous nous sommes rendus au Jokhang pour prier et puis nous avons commencé notre marche autour du temple, sur le Barkhor." Gyaltsen a 22 ans. Le Monde est beau lorsque l'on a 20 ans... "Nous avons pressé le pas et puis tout a commencé. "Vive le Tibet libre, Liberté pour le Tibet !"
Ils étaient au loin plantés dans leur uniforme, d'autres étaient en civil.
Tout allait si vite... Ils ont commencé à frapper, puis nous ont emmenés en camion, direction Gutsa."
Gyaltsen est devenue nonne à l'âge de 14 ans, au couvent de Michungri, près de Lhassa. Elle poursuit: "Les 2 premiers jours, ils m'ont questionnée et maltraitée. Des chinois posaient les questions et un Tibétain traduisait.
Ils voulaient savoir qui était le "meneur". Ils m'ont déshabillée. Ils avaient des matraques électriques... Ils m'ont fait rester des heures debout, nue, sur la glace. C'était l'hiver.
Gyaltsen ne s'étend pas sur les détails. Ses silences en disent tout autant que de longs discours.
"Puis, j'ai passé 3 mois, seule dans une cellule. Un jour, ils sont venus me dire que mon procès aurait lieu le lendemain. Et le lendemain, notre petit groupe fût emmené dans un camion. Ils nous ont fait nous aligner devant la Cour. Ils étaient en uniforme de l'armée et posaient des questions. Ils nous disaient que nous avions commis un crime contre le pays.
On ne pouvait même pas répondre; nous n'avions pas de défenseurs. Puis, j'ai passé un mois à nettoyer les toilettes de Gutsa et j'ai finalement appris que j'étais condamnée à 5 ans de prison et transférée à Drapchi.
A Drapchi, j'étais avec d'autres prisonniers. J'avais droit à 5 minutes de visite tous les 15 jours. A cette époque, 2 personnes (mes parents) pouvaient venir. Maintenant, seule une personne est autorisée.
Tous les jours et 7 fois par jour, une dizaine de prisonniers devaient vider et nettoyer les toilettes, dans différents bâtiments administratifs, militaires ou hospitaliers. 2 soldats nous accompagnaient à chaque sortie.
J'ai fait cela pendant 2 ans. Ce que nous "collections" était utilisé comme fertilisant dans les champs. J'ai passé les 2 années suivantes à carder de la laine. Six kg par jour, sinon la visite Etait supprimée. En hiver, nous avions droit à un mois entier de "rééducation politique". Etudes le matin, et travail l'après-midi. Il fallait lire leurs journaux, apprendre les lois chinoises. Il n'y avait pas d'examen mais nous devions dire ce que nous en pensions. De temps en temps, ils nous appelaient individuellement et nous interrogeaient pour voir si notre esprit "se réformait". Ils nous questionnaient aussi à propos des autres prisonniers.
Nous, nous étions d'accord pour leur tenir le même discours. Et puis, l'année dernière, ils ont commencé à nous interroger au sujet du Panchen Lama. C'était difficile de s'opposer à eux. On leur disait que le leur était peut-être un Tulku, mais sans doute pas le vrai Panchen Rinpoché.
J'étais en bonne santé quand ils m'ont arrêtée mais cela s'est détérioré à cause des mauvais traitements et de la nourriture. Mes parents n'étaient pas autorisés à m'apporter des médicaments. Quelques vêtements, mais pas de couleur rouge ! Et puis, nous n'avions pas le droit de couper nos cheveux.
J'ai été relâchée 4 ans après mon arrestation. Ils m'ont donné des papiers et m'ont interdit de retourner au couvent."
Une nouvelle vie commence pour Gyaltsen, dans un autre pays, avec d'autres amis. Il est des souvenirs qui ne s'effaceront pas. Ceux par exemple d'une jeune nonne, comme elle, qui a osé crié "Tibet Libre" à ses côtés. Phuntsok Yankyi est morte sous la torture, le 4 juin 1994. (Source: CSPT, témoin au Népal, novembre 96) (Tibet Info - 17 novembre 1996)