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Juppé Alain, Kinkel Klaus - 14 gennaio 1994
Juppé et Kinkel sur l'UE

ALLEMAGNE ET FRANCE, POUR L'EUROPE

par Alain Juppé et Klaus Kinkel

SOMMAIRE: Reparcourant les principaux dossiers européens sur lesquels l'Allemagne et la France travaillent, disent-ils, en étroite collaboration, les deux ministres défendent la thèse du "devoir et (de) la volonté (des deux pays) de continuer à être le moteur du processus d'intégration européenne". (Le Monde, samedi 14 janvier 1995)

L'Allemagne vient d'assurer, de juillet à décembre 1994, la présidence de l'Union européenne. La France a pris depuis le 1· janvier, pour six mois la relève. Le calendrier européen a voulu que cette lourde responsabilité incombe successivement à nos deux pays dans une période délicate, marquée par d'importantes échéances intérieures mais aussi par des défis qui ne pourront être relevés que dans une étroite collaboration entre la France et l'Allemagne.

Alors que, dans les deux pays, l'avenir de la construction européenne fait l'objet d'un débat, Bonn et Paris ont vu dans leurs présidences successives une chance. Forts de l'expérience acquise ensemble depuis plus de trente ans dans la coopération européenne, nos deux pays ont décidé de se concerter aussi étroitement que possible sur la conduite de leurs présidences, et d'associer l'Espagne et l'Italie, qui les suivent, à cet effort de cohérence et de continuité.

Il ne s'agissait pas d'imposer à l'Europe un directoire, mais de fixer en commun des priorités bien choisies et de les appliquer pendant une période suffisamment longue, pour répondre aux grands défis auxquels nos pays sont confrontés et qui ne trouveront réponse qu'à moyen terme. Tous nos partenaires savent que la volonté commune de la France et de l'Allemagne d'agir en surmontant leurs divergences représente le point de départ de tout progrès en Europe.

Cinq priorités ont été retenues pour nos deux présidences:

- l'amélioration des conditions de la croissance et de l'emploi et le renforcement de la compétitivité internationale de l'Europe;

- la stabilisation de l'Europe par le rapprochement des nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale et l'approfondissement du partenariat entre l'Union européenne et les pays de la Méditérranée;

- le renforcement de la sécurité intérieure de l'Union;

- la préparation de l'approfondissement de l'Union dans le cadre de la conférence intergouvernementale de 1996.

La croissance revient aujourd'hui en Europe. Il importe de la conforter par des politiques économiques et budgétaires de plus en plus convergentes, en rendant les économies de nos pays et de l'Europe plus compétitives pour pouvoir créer de nouveaux emplois malgré une concurrence internationale accrue. La modernisation de l'économie et la création d'emplois ont été au centre des travaux du Conseil européen d'Essen. Elles continueront d'être pour la présidence française une priorité absolue.

Il n'y a dans ce domaine pas de formule magique ou de recette miracle. C'est l'adhésion claire de tous les Etats membres à un certain nombre d'orientations, de règles et de disciplines - limitation du déficit, modération de l'endettement, stabilité des changes, accroissement de la productivité par le recours aux nouvelles technologies, davantage de flexibilité dans le domaine du travail et de la formation - qui contribueront à donner à nos économies un nouvel élan. Ce n'est qu'avec constance et détermination que nous pourrons traiter et combattre le problème du chomage à la racine.

Dans ce contexte, il est particulièrement important que le Conseil européen d'Essen ait décidé de mettre en place de nouveaux réseaux transeuropéens de transport, d'énergie, et d'information, dont quatorze vont être lancés à bref délai et contribueront à développer des infrastructures de l'Europe de demain.

Il n'est pas indifférent que deux des liaisons à très grande vitesse retenues par le Conseil européen contribuent à raccourcir les distances entre les grandes villes de nos deux pays et à rapprocher leurs citoyens. Il reviendra à la France, dès le premier semestre de sa présidence, de veiller au démarrage des premiers projets.

La progression vers l'union économique et monétaire contribuera à une nouvelle dynamique économique. L'ambition de nos deux pays doit être d'ouvrir ensemble le passage à la troisième phase qui constituera un saut économique et politique décisif pour la solidarité de l'Europe.

La sécurité et la paix de nos pays et de l'Union toute entière sont indissolublement liées aux évolutions en Europe centrale et orientale et dans le bassin méditerranéen.

Dix pays du centre et de l'est de l'Europe, libérés de l'emprise totalitaire, veulent d'ores et déjà rejoindre l'Union. La France et l'Allemagne n'ont pas hésité sur le sens de la réponse à donner à leur demande: il s'agissait de reconnaitre leur appartenance à la famille européenne, dont ils ont été trop longtemps séparés, de consolider leur processus de réforme et de renforcer leur sécurité.

Aussi la France et l'Allemagne ont-elles convaincu leurs partenaires de l'Union d'adopter une politique ouverte et positive qui contribue à une réelle réunification de l'ensemble de notre continent. L'Allemagne a soutenu dès le début l'initiative du premier ministre français pour un pacte de stabilité en Europe et pendant sa présidence, elle en a fait avancer les travaux. Il reviendra à la présidence française d'organiser la conférence finale. Ainsi seront renforcés les effets de l'élargissement de l'Union européenne sur la stabilité à l'Est. Il faudra naturellement que l'Union apporte la contribution financière nécessaire au succès de cette entreprise.

Dans le domaine de la sécurité, un premier signal très important a été donné il y a près d'un an lorsque nous avons proposé, lors d'une visite conjointe à Varsovie, un statut d'associé à l'UEO aux pays d'Europe centrale et orientale. Cette initiative franco-allemande a été aussitot accueillie très favorablement au sein de l'Union européenne comme par les pays concernés. Nous pouvons constater aujourd'hui avec satisfaction que ces pays, qui découvrent chaque jour leur solidarité, se retrouvent autour de la même table pour parler ensemble de la sécurité de l'Europe.

Le rapprochement des économies des pays d'Europe centrale et orientale prendra davantage de temps. Il est d'autant plus important d'agir vigoureusement. Certains auraient pu croire que l'Allemagne et la France allaient sur tel sujet se diviser et les commentateurs en chambre se réjouissaient déjà de leur querelle annoncée. Il a bien fallu constater que les deux pays parlaient d'une même voix, convaincus l'un et l'autre que l'élargissement à l'Est était souhaitable, qu'il était même, pour l'Union, un objectif politique majeur et, sur le plan économique, une vraie chance mais qu'il fallait le préparer avec soin et le conduire avec méthode.

Les bases de la stratégie commune arretée par les deux gouvernements au sommet franco-allemand de Mulhouse, adoptées par l'Union à Corfou, ont été précisées dans une concertation étroite entre Paris et Bonn tout au long de la présidence allemande. Le Conseil d'Essen en a arreté le cadre et les orientations pour l'avenir: établissement d'un dialogue structuré permettant d'associer d'ores et déjà, dans les secteurs les plus importants, les représentants des Etats candidats à la réflexion européenne; harmonisation des législations sur la base d'un Livre blanc; réflexion sur les problèmes posés par l'agriculture. Six Etats invités à Essen ont pu sur cette base engager le dialogue avec nous. La France est attachée à ce que ce processus soit poursuivi et fera le point sur les progrès accomplis lors du Conseil européen de Cannes.

Pour des raisons géopolitiques, économiques, culturelles et démographiques évidentes, la stabilité de l'espace méditerranéen revet aussi une importance directe pour l'Union européenne. L'Union doit se montrer tout aussi ouverte aux préoccupations de ses voisins du Sud qu'à celles de ses voisins de l'Est. La Méditerranée n'est pas seulement une dimension de son environnement. L'Europe y plonge une part de ses racines, y nourrit sa culture. Les foyers de crise existant dans cette région doivent être maitrisés dans toute la mesure du possible avant leur embrasement. L'établissement de vraies relations de partenariat avec les pays de la région méditerranéenne est, dans cette perspective, une nécessité et donc une priorité pour l'Union européenne.

Des pas significatifs ont déjà été faits sous la présidence allemande pour approfondir la solidarité avec les pays du bassin méditerranéen: accélération des négociations avec le Maghreb, participation à la conférence économique de Casablanca, lancement par le Conseil européen d'Essen, sur la base d'une proposition de la Commission, d'un projet visant à établir un partenariat euroméditerranéen global, comportant des engagements commerciaux et financiers significatifs.

Allant plus loin, l'Union, qui apporte au processus de paix au Proche-Orient un soutien plus substanciel qu'aucune autre puissance, organisera au cours du second semestre 1995, sous présidence espagnole, une conférence entre l'Union et les pays du sud de la Méditerranée, dont la préparation sera menée sous la présidence française.

L'utilité si souvent proclamée de l'unification européenne comme fondement d'une paix stable et juste en Europe diminuerait aux yeux du citoyen s'il ne se sentait plus protégé contre une criminalité qui s'organise de plus en plus sur le plan international. Une action à cet égard est impérative, même si la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures touche à des domaines sensibles de la souveraineté.

Les citoyens veulent l'unification de l'Europe, ils veulent un espace européen sans controles aux frontières. C'est pourquoi les accords de Schengen entreront en vigueur le 26 mars. L'accord sur les frontières externes doit aussi être rapidement conclu. Quant à la convention Europol, qui doit permettre aux pays européens de lutter ensemble contre la drogue et la criminalité organisée, fléaux de notre temps, nous souhaitons également la voir rapidement mise en oeuvre, et au plus tard le 30 juin 1995, comme cela a été convenu à Essen.

Ouverte sur le monde, l'Europe n'entend pas disparaitre comme pole de créativité culturelle. En ce domaine aussi, elle doit se donner les moyens d'exister et d'agir, notamment dans les nouvelles technologies de la communication, qui prennent chaque jour une importance plus grande dans la vie des Etats et des citoyens, qui sont d'une grande importance économique et qui seront de plus en plus des gisements d'emplois durables et surs.

La France et l'Allemagne préparent donc soigneusement le sommet sur la société de l'information qui doit se tenir à Bruxelles en février. Elles réfléchissent en même temps aux initiatives qui devraient être prises pour que l'Europe puisse conserver la diversité linguistique qui fait sa richesse.

L'Union européenne est l'un des fondements les plus importants du nouvel ordre de sécurité en Europe. Elle ne peut assumer cette mission que si la capacité de décision de ses institutions est maintenue et renforcée. L'Allemagne et la France veulent une Union qui dispose d'une capacité d'action politique, elles approuvent en même temps son élargissement progressif. C'est en conjugant ces critères que les deux pays préparent d'ores et déjà en étroite concertation la conférence intergouvernementale de 1996.

La France et l'Allemagne savent que, en ce qui concerne cette conférence et sa préparation, elles n'ont, encore moins que sur d'autres dossiers, d'autres choix que de s'entendre. Il est bon que, de part et d'autre, on soit conscient des divergences qui existent dans les positions de départ. Il est important que, au-delà des mots, la volonté existe de créer en commun des institutions qui permettront à l'Union de gagner en force et de se mesurer aux grands défis de notre temps. Depuis quarante ans, l'intégration européenne a connu de nombreux exemples où Bonn et Paris, grace à leur ferme volonté de progresser d'une manière bénéfique pour l'Europe, sont parvenus à des points de vue communs, alors que les positions initiales divergeaient. Il en sera de même en 1996.

L'évocation de ces quelques dossiers prioritaires ne saurait rendre compte de la diversité et de la richesse d'une concertation qui est désormais, pour un pays comme pour l'autre, naturelle et quotidienne. Le lancement en commun d'une structure de coopération en matière d'armement, qui constitue l'embryon d'une agence ouverte à tous les membres de l'UEO, les démarches conjointes de nos émissaires en Pologne, en Roumanie, en Macédoine, à Chypre ou en Turquie, ou la mise en commun des réflexions de nos ambassadeurs dans les principales régions où s'exerce notre diplomatie sont les multiples exemples d'une même politique, fondée sur une même conviction: la France et l'Allemagne ont le devoir et la volonté de continuer à être à l'avenir le moteur du processus de l'intégration européenne.

(*) Alain Juppé est ministre français des affaires étrangères

(**) Klaus Kinkel est ministre allemand des affaires étrangères

 
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