Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
ven 22 nov. 2024
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Archivio federalismo
Riols Yves-Michel, Chatelot Christophe, Le Monde - 29 gennaio 1994
La question de l'irrédentisme moldave.

L'EUROPE DES BRASIERS MAL ETEINTS

V.- Moldavie: l'impossible indépendance

par Yves-Michel Riols

et Chritophe Chatelot.

SOMMAIRE: Après avoir évoqué l'Italie et son contentieux istrien, la Grèce et ses »dépendances albanaises, la question des minorités hongroises, la renaissance de. l'impérialisme russe (le le Monde des 25, 26, 27 et 28 octobre), nous poursuivons notre série sur les irrédentismes en Europe par le cas de la République moldave.

(Le Monde, 29-10-1994)

Bien malgré elle, la petite République de Moldavie, avec ses 4,6 millions d'habitants et son territoire grand comme celui de la Belgique, ressemble à un laboratoire de tous les avatars du postsoviétisme.

En l'espace de trois ans, la Moldavie a connu toutes les étapes de l'enchantement puis du désenchantement de l'après-communisme : déclaration tonitruante d'indépendance, guerre civile sanglante, partition brutale du pays, occupation ostentatoire d'une armée devenue » étrangère et, aujourd'hui, retour résigné dans le giron du grand frère moscovite. Un lot sans doute commun à d'autres Républiques de l'ex-URSS mais qui, dans le cas moldave, se compliquait d'une autre donnée : le désir de réunification avec la Roumanie, dont la Moldavie fut séparée par le pacte Ribbentrop-Molotov de 1939, et dont finalement elle s'éloigne de plus en plus, malgré une langue et une histoire communes.

L'enjeu de ce » cas d'école déborde largement du cadre strictement moldave. L'Ukraine voisine, confrontée à la menace d'une sécession criméenne, observe de près l'évolution de la Transnistrie, cette région russophone de Moldavie qui s'est autoproclamée » République . La Roumanie scrute avec hantise les statuts d'autonomie accordés aux minorités, de peur que les Magyars de Transylvanie y puisent une inspiration (1). Pour l'heure, la Moldavie vit en équilibre instable, préservant la fiction d'un Etat unitaire, en fait écartelée entre les séparatistes russophones et les autonomistes gagaouzes (les Turcs christianisés du sud du pays), et soumise à la tutelle » bienveillante de Moscou qui, en dernier ressort, tranchera sur l'avenir de cette petite République aux portes des Balkans.

Hymne et drapeau roumains

Rapide retournement de situation pour le président Mircea Snegur, l'homme qui proclama l'indépendance moldave en août 1991, au lendemain du putsch manqué contre Gorbatchev, et qui courtise aujourd'hui Boris Eltsine, dans l'espoir que le »patron saura discipliner ses sujets belliqueux de Transnistrie. On est effectivement très loin de l'époque euphorique où, par dizaines de milliers, les habitants de Chisinau (ex-Kichinev), la capitale moldave, acclamaient Mircea Snegur et narguaient les anciens » colons en scandant sans vergogne » Les valises, la gare, la Russie ! .

Tout paraissait possible. Le centre moscovite était trop désorganisé pour s'occuper des poussées de fièvre des Moldaves qui, prenant exemple sur la toute récente réunification allemande, se croyaient capables d'effacer les frontières. D'entrée de jeu, la Moldavie, dont deux tiers de la population est de souche roumaine, adoptait l'hymne et le drapeau roumains. Mircea Snegur, le communiste de toujours, alla même se recueillir très pieusement au monastère de Putna, le haut lieu des orthodoxes roumains.

Le retour de bâton ne s'est pas fait attendre. Effrayées par la perspective d'une réunification avec la Roumanie, les minorités russophones (russe et ukrainienne) et les Gagaouzes, russophiles ont intensifié leur lutte. Les premiers combats éclatent, à armes inégales. Les sept mille soldats de la XIVe armée russe basée à Tiraspol, la » capitale de la Transnistrie, font pencher la balance. A son tour, la Transnistrie proclame son » indépendance . Ecrasée militairement, la Moldavie démembrée allait aussi être étranglée économiquement. Ultime baroud d'honneur, elle continue, pendant encore un an, à narguer la Communauté des Etats indépendants (CEI), créée sur les ruines de l'URSS. Mais, privée de débouchés pour ses produits agricoles et entièrement dépendante pour son énergie, la Moldavie capitule et intègre, en octobre 1993, l'union économique de la CEI.

Une fois les velléités de réunification avec la Roumanie enterrées et l'Etat unitaire piétiné, le chemin de la Moldavie » indépendante était tout tracé. Le président, Mircea Snegur, qui avait pris en marche le train du nationalisme, opère une nouvelle volte-face, devenant l'artisan du rapprochement avec Moscou. Et l'année 1994 consacre cet inéluctable glissement vers l'Est. En février, les premières élections législatives multipartites laminent les roumanophiles du Front populaire et donnent une confortable majorité aux alliés de M. Snegur, les socialistes et les agrariens, représentant le lobby des industriels et des dirigeants des kolkhozes, formés à l'école soviétique et largement russophones, comme la plupart des cadres de l'appareil d'Etat. Un référendum, en mars, entérine ce choix, et la nouvelle Constitution, adoptée en juillet, coupe les ponts avec Bucarest.

La Moldavie reconnaît un statut d'autonomie aux Gagaouzes et à la Transnistrie et doit leur accorder le droit (acquis dans les faits) de faire sécession en cas de réunification avec la Roumanie. Mais surtout, la Constitution érige plusieurs langues, dont le russe et le »moldave , au rang de langues officielles. Une imposture criante car le moldaven' est autre que le roumain, mais qui dit langue différente dit peuple distinct et donc Etat séparé.

A Bucarest, bien sûr, les protestations fusent. Mais, malgré les envolées d'usage, les passions demeurent contenues. Les Roumains dans leur ensemble estiment que la Moldavie est » naturellement roumaine, mais la question est loin d'être jugée prioritaire. Les apparences sont néanmoins soigneusement préservées : ce sont les indicatifs nationaux que l'on utilise pour appeler la Moldavie depuis la Roumanie; les avions pour Chisinau décollent de l'aéroport réservé aux vols intérieurs, et le journal télévisé de Bucarest se conclut toujours par la météo moldave...

Certes, la classe politique roumaine se retrouve autour d'une rare » union sacrée pour invoquer » l'inéluctabilité de la réunification , mais seulement du bout des lèvres. Candidat à l'élection présidentielle roumaine, l'ancien premier ministre moldave, Mircea Druc, a péniblement obtenu 2 % des suffrages. » Le soutien de la population des deux côtés de la frontière pour la réunification est assez faible , assure Teodor Melescanu, le ministre roumain des affaires étrangères, qui prône » l'accélération de l'intégration économique et la construction d'un espace culturel et spirituel entre les deux pays.

Or ce détachement, aux antipodes de l'exaltation nationaliste anti-hongroise et anti-tsigane prompte à se manifester en Roumanie, tient, entre autres, au fait que » la Moldavie est la contrée du globe qui a été la plus absente du champ visuel des Roumains. Pendant quarante ans, toute trace de cette province annexée par les Soviétiques a été systématiquement rayée des cartes et des livres , raconte l'historien Andrei Pippidi. Autre élément: » Les mêmes démagogues qui font de la surenchère avec la Transylvanie touchent beaucoup plus prudemment à la Moldavie. Elevés à l'école communiste, ils ont appris que c'était une question tabou.

Un statu quo bancal

Progressivement, le conflit entre Chisinau et Tiraspol a » changé de nature , selon Valeriu Opinca, du Parti social-démocrate moldave. » Ce n'est plus un problème ethnique ou national, dit-il. Les dirigeants de la Transnistrie se sont habitués à leurs privilèges et à l'idée d'un Etat souverain de 700 000 personnes. Les raisons qui les ont poussés à proclamer leur République sont oubliées depuis longtemps.

Il y a certes eu l'accord russo-moldave du mois d'août sur le retrait progressif, d'ici trois ans, de la XIVe armée, sur lequel repose toute solution du conflit. Mais cette évacuation ne pourra commencer qu'après la ratification de l'accord; or l'incertitude persiste sur qui, à Moscou, du président Eltsine ou du Parlement, doit parapher ce texte. Et il y a fort à parier que les députés nationalistes russes, alliés des dirigeants de Tiraspol, vont s'employer à faire traîner le processus.

Quant à la question du statut de la Transnistrie, absente de l'accord du mois d'août, l'impasse est totale. Sur le fond, les positions n'ont pas varié. Pour le président Snegur, qui écarte d'emblée toute idée de fédération et a fortiori de confédération, » la Transnistrie pourrait, à la rigueur, bénéficier du statut d'une région autonome, avec une politique extérieure et une armée communes . Mais à Tiraspol, au siège du » gouvernement , devant lequel trônent toujours une imposante statue de Lénine et un char de l'armée rouge, une telle idée fait bondir le très dogmatique Vladimir Lukitch Bognar, le vice-président du Parlement. » Le seul statut qui nous convienne, martèle-t-il, c'est celui d'un État à part entière.

Pour l'instant, chacun semble s'installer dans ce statu quo bancal, pariant sur une usure de l'adversaire. A Chisinau, on affirme que la Transnistrie succombera au "syndrome tchétchène", c'est-à-dire qu'elle explosera sous la pression de la lutte pour le pouvoir et l'argent. Tiraspol joue sciemment la montre: la XIVe armée la protège, et la plupart de ses officiers, originaires de Moldavie, ne sont pas pressés de rentrer en Russie pour affronter un avenir incertain. Vladimir Lukitch Bognar ne s'en cache d'ailleurs pas : » La Moldavie dit que nous pouvons résoudre ce problème en deux ou trois ans, mais ce n'est pas réaliste. Il faut du temps pour cela. Et de conclure, avec un large sourire: » Comme en Irlande du Nord..."

Yves-Michel RIOLS

et Christophe CHATELOT

(1) Voir le livre de Nicolas Trifon, Moldavie ex-soviétique : histoire et enjeux actuels, Editions Acratie, 1993.

 
Argomenti correlati:
Chatelot Christophe
Moldavia
irredentismo moldavo
stampa questo documento invia questa pagina per mail