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Bourlanges Jean-Louis, Le Monde - 29 settembre 1994
Bourlanges sur le document CDU/CSU

EUROPE.

ET SI ON DISAIT OUI AUX ALLEMANDS ?

par Jean-Louis Bourlanges

SOMMAIRE: Les » réflexions sur la politique européenne des parlementaires allemands de la CDU-CSU sont la plus importante contribution au débat sur l'avenir de l'Union européenne depuis la chute du mur de Berlin. L'interprétation caricaturale à laquelle il a donné lieu en France ne résiste pas à une analyse sérieuse. Aussi ne peut-on que déplorer l'attitude prudente et réservée des dirigeants français face à cette initiative cohérente et pertinente.

(Le Monde, 29-9-94)

L'Europe, comme le soleil ou la mort chez La Rochefoucauld, ne se pourrait elle regarder en face ? C'est en tout cas le soupçon qui affleure en écoutant le concert d'approximations, de déformations et d'indignations qui a accueilli la publication par les dirigeants parlememtaires de la CDU-CSU de leurs » réflexions sur la politique européenne . Disons-le tout net : en dépit d'évidentes maladresses de rédaction, ce document constitue la contribution la plus importante au débat sur l'avenir de l'Union européenne qui ait été produite depuis la chute du mur de Berlin et l'effondrement de l'empire soviétique.

L'interprétation caricaturale à laquelle a donné lieu ce texte ne résiste pas, sur quatre points essentiels, à une analyse sérieuse:

1. - Les » réflexions sur la politique européenne ne proposent nullement l'institution d'un véritable » noyau dur . Si les mots ont un sens, la mise en place d'un tel noyau devrait se traduire par l'établissement de relations institutionnelles renforcées entre un nombre restreint d'Etats membres de l'Union débouchant sur une sorte de traité dans le traité. Tel n'est pas du tout le sens de la proposition allemande. L'idée même de noyau » dur est absente de la version originale, celle-ci ne faisant allusion qu'à la notion de » kern-Europa , c'est-à-dire de » noyau européen tout court. Le resserrement des liens entre un certain nombre d'Etats n'impliquerait aucune modification du cadre institutionnel existant.

La coopération renforcée s'exercerait pour l'essentiel dans deux domaines: celui de l'Union monétaire, qui privilégierait les membres soucieux de jouer le jeu des fluctuations étroites et des critères de convergence et qui s'inscrirait dans la logique de l'Europe à plusieurs vitesses consacrée à Maastricht (article 109-J4); celui des politiques connexes à l'Union monétaire - politiques fiscale, budgétaire, économique et sociale - qui appelleraient de simples efforts de » coordination intergouvernementale. Enfin, loin d'être limité à quelques Etats prédéterminés, ce » noyau qu'on ne saurait donc qualifier de » dur aurait vocation à disparaître en tant que noyau puisqu'il nous est présenté comme » ouvert à tout Etat membre désireux et capable de répondre à ses exigences .

2. - Les » réflexions sur la politique européenne refusent de faire l'impasse sur les exigences d'une réforme institutionnelle d'ensemble de l'Union. Les parlementaires de la CDU-CSU placent au tout premier rang de leurs priorités » le développement institutionnel de l'Union , c'est-à-dire tout à la fois » le renforcement de sa capacité d'action -et » l'aménagement de ses fondements démocratiques et fédéraux . Le renforcement du » noyau européen ne se présente donc pas comme une alternative, évidemment illusoire, à la réforme des institutions mais comme un simple complément de celle-ci, voire comme l'une des conditions politiques du succès de la conférence intergouvernementale chargée de la préparer.

Une offre de partenariat renouvelé

3. - Les » réflexions sur la politique européenne posent clairement la double question de l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale et de la détermination des frontières finales de l'Union à l'Est. Alors que la présentation française de » l'Europe en cercles concentriques relègue prudemment dans un même troisième cercle, défini par l'appartenance à la CSCE et au pacte de stabilité, » les Etats qui ne sont pas membres de l'Union européenne et qui ne le seront pas avant longtemps , le document allemand établit une distinction nette entre les pays, tels ceux du groupe de Visegrad, qui ont vocation à rejoindre l'Union, et ceux, telle la Russie, à qui ne serait proposé qu'un simple » partenariat . La clarté allemande, qui contraste vivement avec le flou artistique français, est d'autant plus remarquable qu'on prête d'ordinaire à nos voisins le goût des structures vaporeuses et des frontières indéterminées.

4. - Les »réflexions sur la politique européenne se présentent donc comme une réponse à ceux qui doutent de la pérennité et de la solidité de l'engagement européen, de l'Allemagne. Le document Schäuble a pour objet de rappeler que, aux yeux du principal parti au pouvoir à Bonn, l'unité, la souveraineté et la puissance allemandes retrouvées ne mettent pas la République fédérale en situation de faire cavalier seul en Europe et moins encore d'y assumer un leadership sans partage. Le concept de » kern-Europa ne vise qu'à rappeler la détermination politique de nos partenaires à franchir, le moment venu, l'étape décisive de la monnaie unique et à réaffirmer le principe d'une solidarité renforcée avec la France, présentée comme la clé de l'ouverture européenne au R $! Cette offre de partenariat renouvelé ne va pas sans une pointe d'agacement à l'égard de la France: crédité du » désir fondamental de poursuivre l'intégration européenne , notre pays n'en est pas moins présenté comme » souvent indécis dè

s qu'il s'agit de prendre des mesures concrètes . En somme, le discours que nous tiennent aujourd'hui nos amis allemands s'apparente à la célèbre mise en demeure de Brigitte Bardot: » Tu veux ou tu veux pas ? .

Face à une initiative aussi carrée, on aurait aimé une réaction française qui ne le soit pas moins. Celle-ci est cependant jusqu'à présent trop prudente et trop réservée pour n'être pas décevante. Alain Juppé s'est en effet contenté de ne pas entrer dans le débat en rappelant toutefois que » le fédéralisme n'était pas la philosophie de la France . En vérité, plutôt que de se voir notifié encore une fois ce que » n'est pas la philosophie de la France , on serait heureux de découvrir enfin ce qu'elle est et ce que nous mettons réellement sous le concept d'» approfondissement institutionnel , cette Arlésienne de la diplomatie communautaire française. Dès lors qu'elle n'est assortie d'aucune proposition alternative, la dénonciation du fédéralisme fait en effet figure de cache-misère intellectuel et politique. Il est vrai que le gouvernement français paraît souhaiter sortir enfin de sa réserve traditionnelle puisque Alain Juppé prend soin d'assortir son coup de patte au document allemand, d'un coup de cha

peau remarqué au discours de John Major à Leyde. Or que nous dit le premier britannique sinon son intention réaffirmée de demeurer fidèle à l'Europe minimale qui a toujours eu ses préférences ? Le discours de Leyde décrit, avec une allègre férocité, ce qu'il convient de retrancher et non pas d'ajouter à l'Union européenne : moins de politique agricole commune, moins de fonds structurels, moins d'harmonisation réglementaire, moins de Commission, moins de Parlement européen et, au chapitre des plus ou prétendus tels, ces moins retournés que sont les appels à davantage de flexibilité, de subsidiarité et d'intergouvernemental. Seule timide concession à l'esprit de réforme, le rappel esquissé des revendications traditionnelles des grands pays touchant, par exemple, à la pondération des voix au conseil des ministres.

Un front institutionnel franco-britannique ?

L'intérêt manifesté par Alain Juppé pour les propositions britanniques et le soin mis par M. Balladur à exclure, dans sa récente interview du Figaro, l'idée même d'une confrontation dure avec la Grande-Bretagne sur l'avenir de la construction européenne traduisent-ils l'apparition, déjà esquissée à Maastricht, d'un front institutionnel franco-britannique ? Un tel renversement des préférences françaises ne serait pas sans risques pour l'avenir de la construction européenne. Le blocage de la réforme institutionnelle paraîtrait en effet inévitable dès lors que Français et Britanniques feraient sur ce chapitre essentiel cause commune.

Techniquement, les idées à la mode au sein des deux gouvernements en vue de doter l'Europe élargie d'institutions nouvelles sont pour le moins sujettes à caution. Il serait singulier d'imaginer, par exemple, qu'une polysynodie ministérielle de seize membres puisse tenir lieu d'exécutif en lieu et place d'une Commission à qui l'on refuserait toute réalité politique. Il ne le serait pas moins de prétendre substituer au Parlement européen les Parlements nationaux, agissant, on l'imagine, séparément dans les multiples Etats de l'Union, comme législateur communautaire chargé de résorber le déficit démocratique. Ni l'évocation récurrente du » compromis de Luxembourg ni l'exaltation très congrès de Vienne de l'Europe intergouvernementale ne paraissent, elles non plus, le moins du monde adaptées aux exigences d'une communauté nombreuse condamnée au règne systématique de la majorité qualifiée.

Politiquement, la revendication par les Franco-Britanniques d'une modification du rapport de forces au bénéfice des grands pays, si elle ne s'accompagne pas d'un effort parallèle d'intégration que certains s'obstineront à qualifier de » fédéraliste , se heurtera à l'opposition déterminée, et renforcée par le dernier élargissement, des petits pays. Il est clair dans ces conditions que la conférence intergouvernementale accouchera d'un souriceau et que l'Union européenne restera, au-delà de 1996, affectée par cette » surextension institutionnelle justement dénoncée par Wolfgang Schäuble.

Comment imaginer, de plus, ne faire avec les Britanniques que la moitié du chemin qu'ils souhaitent nous voir prendre ? L'Union européenne forme un tout. Le fond et la forme y sont indissociables et l'on ne peut vouloir à la fois une Europe politiquement forte et institutionnellement faible. Il faut choisir: la ligne anglaise, c'est le sacrifice de l'harmonisation à la libéralisation, de l'équité commerciale à l'ouverture inconditionnelle des frontières, de la puissance à l'espace. C'est la préférence pour l'Europe flottante, offerte et aboulique par rapport à l'Europe organisée, active et sûre d'elle-même rêvée par le général de Gaulle. C'est aujourd'hui au tour des Britanniques de vouloir la » France toute nue et de l'inviter à résoudre ses contradictions par l'alignement de ses ambitions sur la modestie des instruments destinés à les servir.

Avec le rêve d'une Europe solidement intégrée, c'est enfin le principe même d'une politique allemande qui serait brutalement remis en cause. Au cours de sa longue histoire, la France a enfanté, pour la gestion de ses rapports avec l'Allemagne, trois grandes constructions diplomatiques : le démembrement, inauguré par les traités de Westphalie et dont l'ultime avatar a pris fin en novembre 1989 avec la chute du mur de Berlin; l'encadrement, préfiguré par Delcassé et consacré juridiquement par le traité de Versailles, dont les plus beaux fleurons auront été, outre une alliance franco-russe à éclipses, la création et l'arrimage à la France de deux Etats aujourd'hui significativement disparus, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie; l'intégration enfin, pressentie par Briand, proclamée par Schuman et assumée par le général de Gaulle, qui, du traité de Paris au traité de Maastricht, s'est donné pour ambition d'unir et d'exploiter solidairement les ressources économiques, militaires, monétaires et politiques fra

nco-allemandes. Deux de ces stratégies sont aujourd'hui caduques. Serait-il raisonnable de prendre congé de la troisième et de laisser flotter une Allemagne solitaire dans une Europe incertaine ?

Le bien-fondé de l'intégration

Les » réflexions allemandes sur la politique européenne ont d'abord pour objet de réaffirmer le bien-fondé de l'intégration et l'actualité d'un système présenté comme » alliant le contrôle de l'Allemagne par ses partenaires au contrôle de ceux-ci par l'Allemagne . La liquidation de l'empire soviétique et la pression aux élargissements indéfinis qui en est résultée ont eu pour effet de rendre la poursuite de cet effort d'intégration à la fois politiquent moins essentielle pour l'Allemagne et institutionnellement plus coûteuse pour la souveraineté française. Depuis le Conseil européen de Lisbonne en juin 1992, notre pays a préféré se mettre aux abonnés absents de la construction européenne plutôt que d'envisager franchement de payer la facture, institutionnelle de l'approfondissement. Les amis du chancelier Kohl nous rappellent aujourd'hui nos devoirs. Sachons les entendre sans tarder et faire nôtre cette maxime héritée d'une Chine de fantaisie selon laquelle » l'occasion n'a pas de cheveux de derrière .

* Jean-Louis Bourlanges est membre (UDF-PPE) du Parlement européen.

 
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