LE PARLEMENT EUROPEEN APPROUVE PRUDEMMENT LES PROPOSITIONS DES CHRETIENS-DEMOCRATES.
par Marcel Scotto
SOMMAIRE: Le Parlennent européen a adopté, mercredi 28 septembre, par 342 voix pour 37 voix contre et 32 abstentions, une résolution allant dans le sens du document produit au début du mois par les chrétiens-démocrates allemands sur l'» Europe à plusieurs vitesses . L'Assemblée de l'Union n'exclut pas - avec d'infinies précautions certes - la constitution d'un » noyau dur afin de poursuivre l'intégration européenne.
(Le Monde, 30-9-94)
Le Parlement européen a approuvé les idées de la CDU-CSU sur le commentait après le vote un haut fonctionnaire européen. A quelques exceptions près, les eurodéputés estiment que le document de la démocratie chrétienne allemande, qui proposait une Europe à plusieurs vitesses dont le noyau dur serait au départ constitué de cinq pays, a le mérite de lancer le débat.
Mais, si la majorité des eurodéputés suit l'argumentation du parti d'Helmut Kohl sur le » noyau dur , elle évite soigneusement la formule : » Dans le cas où une petite minorité d'Etats essaieraient d'empêcher tout progrès (... ), il serait nécessaire de trouver des modalités qui permettent à ceux qui le souhaitent de poursuivre néanmoins leurs efforts d'intégration européenne.
» Spéculation dangereuse
L'Assemblée élue en juin dernier ne s'est pas encore débarrassée des mauvaises habitudes de sa devancière. Le texte voté mercredi a fait l'objet d'un compromis entre toutes les formations proeuropéennes (socialistes, démocrates-chrétiens, libéraux, Verts, Alliance radicale), de sorte que les choses sont dites sans la volonté de clarifier le débat. Cette pratique du message codé a été dénoncée par Michel Rocard (PS), qui a appelé de ses voeux une » diminution du taux d'hypocrisie dans les positions prises par l'hémicycle européen.
Ni sur les » modalités de l'Europe à plusieurs vitesses ni sur le reste du dossier ouvert par les Allemands le Parlement ne va plus avant. Il relève, seulement maintenant, que les dérogations obtenues dans le traité de Maastricht par le Royaume-Uni et le Danemark ont provoqué » une spéculation dangereuse sur l'Europe à la carte . Même dans les couloirs du Palais de l'Europe, les eurodéputés se refusent à la confidence. Ils se bornent à évoquer en termes généraux le sytème du » noyau dur et des » cercles concentriques sans jamais tenter d'imaginer comment les choses pourraient s'articuler, alors que le document de la CDU souligne » les difficultés juridiques et pratiques considérables que soulèverait l'application du mécanisme.
Un nouveau traité ?
D'autres parlementaires, moins nombreux, reprenant pour l'essentiel l'argumentaire allemand, s'appuient sur l'exemple de l'Union économique et monétaire pour dire que ce qui est possible pour l'UEM pourra l'être pour la politique extérieure et de sécurité commune (PESC). Cette assertion est toutefois contestable. Les Britanniques ne sont pas opposés à ce que leurs partenaires visent la création d'une monnaie commune, se réservant le droit de choisir le moment venu. Il n'est pas sûr que la Grande-Bretagne laisserait faire, en revanche, si d'autres pays membres avaient la volonté de se fixer de vrais objectifs de politique étrangère.
Les chrétiens-démocrates allemands proposent de remplacer le principe de l'unanimité, énoncé dans l'article N du traité de Maastricht par un » quorum à spécifier afin de permettre à ceux qui le souhaitent d'aller de l'avant en l'absence d'un consensus. Il reste qu'il faut que tout le monde soit d'accord pour changer la règle. Elisabeth Guigou (PS), qui elle aussi est favorable à la prise de décision à la majorité qualifiée, n'entrevoit qu'une solution : la conclusion d'un nouveau traité avec ceux qui veulent accroître l'intégration européenne.
Günter Rinsche (CDU), corédocteur des » réflexions sur la politique européenne de son parti, n'y va pas pour sa part par quatre chemins : » C'est la raison d'Etat européenne qui commande , dit-il. Nous avions déjà pensé à un acte de refondation, après le » non danois au traité de Maastricht. Pour le parlementaire de Strasbourg, l'opération de la CDU a pour but de faire la » révolution et de créer » un traité à côté du traité, quitte à faire de la structure existante une coquille vide. Car l'opinion publique ne peut accepter une intégration qui ne soit pas claire .
Après tout, ce scénario s'est déjà produit au début des années 50. C'est parce que les Britanniques n'ont pas accepté de faire évoluer le Conseil de l'Europe que les Six ont créé la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier) puis la CEE.
Marcel SCOTTO