Interview de Anne Losonczy et de Xavier Ruiz PortellaAnne Losonczy est hongroise, elle a vécu directement la tragédie de Budapest en 1956, puisque son père, Géza Losonczy, était ministre dans le gouvernement de Imre Nagy. Radicale aussi puisqu'elle a choisi l'année dernière d'adhérer au Parti Radical Transnational. Une passion née au premier regard, à en juger par son intervention lors du dernier congrès de Budapest. La découverte du Parti Radical, de sa politique, de ses valeurs et de ses méthodes, a tout l'air d'avoir représenté quelque chose d'assez important dans sa vie. Anne Losonczy qui a quitté la Hongrie en 1972, est naturalisée belge. Elle vit à Bruxelles et s'occupe d'ethnologie qu'elle enseigne entre autres aux Universités de Paris-Nanterre et de Bruxelles. Elle a épousé un catalan, Xavier Ruiz Portella, ancien communiste, ce qui n'est pas sans intérêt non plus.
Récemment, elle a participé avec Olivier Dupuis et Sergio Stanzani - les seuls invités étrangers - au Congrès qui a sanctionné la transformation du PC hongrois en Parti social démocrate.
Lettre Radicale: Anne, peux-tu nous raconter les événements qui t'ont contrainte, étant enfant, à l'exil. Ce sera une évocation certainement douloureuse, puisqu'il est question de ta déportation et de celle de ta famille en Roumanie, mais surtout de la mort de ton père, Géza Losonczy, qui devait être exécuté avec Imre Nagy et les quatre autres ministres de son cabinet, mais qui mourut avant, des suites d'une grève de la faim.
Anne Losonczy: Il faut faire une distinction entre deux expériences qui peuvent sembler relever de l'exil. D'une part la déportation, l'internement auquel les familles des ministres du cabinet d'Imre Nagy ont été contraintes en '56 et que j'ai vécu entre l'âge de 7 et 9 ans. Et, par ailleurs, la décision mûrement réfléchie que j'ai prise à l'âge de vingt-deux ans, de quitter la Hongrie. Décision qui est liée en partie à mon mariage mais que j'aurais prise de toute façon. Il s'agit donc de deux expériences, différentes dans leur tonalité émotionnelle, dans ce qu'elles ont signifié.
Mon père a été communiste, j'avais huit ans quand il est mort. Il était membre du Parti Communiste Hongrois depuis 1939. Il a passé la période de la guerre en Hongrie, dans la résistance. Ensuite à la Libération il a été élu député et a représenté le Parti communiste dans diverses charges publiques. Lors du grand tournant de '49, au moment des grands procès, le procès Rajk en Hongrie et le procès Slanski en Tchécoslovaquie, il a été arrêté et s'est retrouvé sur le banc des accusés du second procès hongrois contre les soit-disants titistes: le procès Kadar. Condamné et emprisonné, il a été libéré fin 1953. J'avais donc presque cinq ans. Par la suite il fut réhabilité. C'est à ce moment-là que je l'ai connu. On me l'a présenté comme un étranger. A partir de ce jour, dont je me souviens parfaitement bien, nous avons passé plus ou moins deux ans ensemble. Deux ans d'une intensité extraordinaire dans l'extraordinaire fourmillement de mécontentement, de désir de renouveau, de désir de démocratie qui s'était empar
é du pays. Intensité émotionnelle aussi entre nous deux. Après les événements de '56, nous nous sommes réfugiés, pour des raisons qui seraient trop longues à développer ici, à l'ambassade yougoslave, où Tito avait personnellement invité les membres du gouvernement et leurs familles ... Nous avons passés trois semaines dans cette ambassade, enfermés et cernés par l'armée soviétique et ses mitrailleuses. Au bout de ces trois semaines, nous en sommes sortis. En partie parce que les soviétiques avaient soumis l'ambassade à un véritable blocus et que donc, tout simplement, la nourriture commençait à manquer. En partie parce que le nouveau gouvernement Kadar, qui avait pris le pouvoir avec l'aide de l'armée soviétique, avait promis que les membres du gouvernement d'Imre Nagy pourraient rendre compte de leurs actes librement, c'est-à-dire libres. Qu'ils pouvaient donc rentrer chez eux. Ca n'a pas été le cas ... Nous nous sommes retrouvés d'abord dans une caserne de l'armée soviétique, puis ensuite en Roumanie à qui
nous avions soi-disant demandé - selon la version donnée par le gouvernement Kadar à l'opinion mondiale - le droit d'asile. Ce qui était pour le moins absurde. Nous avons passé là deux ans en état d'internement, entourés de gardes armés. Au début avril 1957, les hommes ont été ramenés à Budapest. Ils ont été soumis, les yeux bandés, à un procès infâme, comme l'étaient depuis longtemps tous les procès dans cette partie du monde. Une partie d'entre eux, dont les noms sont connus maintenant, ont été exécutés. En ce qui concerne mon père ... il a entamé, parait-il, une grève de la faim, avant même le début du procès, ... au terme de laquelle il mourut des suites de l'alimentation forcée à laquelle il était soumis qui entraîna une perforation des poumons. C'est la version officielle, mais ce n'est pas la seule ...
L.R.: ... elle est plausible, selon toi...
A.L.: Oui, elle est plausible. Mais de toute façon, ce qui est absolument certain, c'est qu'il est mort de mort violente. Que d'une manière ou d'une autre on l'a tué.
L.R.: En tout cas, il devait être fusillé ...
A.L.: Oui, de toute façon il aurait été condamné à mort, et fusillé ou pendu, puisque les autres ont été pendus. Le général Maleter, le ministre de la défense, fut le seul fusillé. Voilà le résumé de cette expérience. Le 8 septembre 1958 on nous a ramenés à Budapest où nous avons essayé de retrouver une vie normale. Avec mon grand-père qui était toujours en prison et qui n'en est sorti qu'avec l'amnistie de 1960, ma grand-mère, ma mère et moi, toujours les trois femmes ensemble, sans les hommes. Ensuite j'ai suivi une filière qui était inévitable. Je suis allée au lycée. J'ai fréquenté la faculté de Lettres où j'ai fait une licence en psychologie et en philologie romane. Puis, au terme de ma maîtrise, je suis partie à l'étranger, de mon plein gré, à la suite d'une décision que j'ai prise.
L.R.: Sans difficultés ?
A.L.: Sans difficultés parce que je me suis mariée avec un étranger qui était à cette époque-là communiste, jeune communiste catalan-espagnol ...
L.R.: ... ce qui a facilité les choses ?
A.L.: Oui, oui, certainement.
L.R.: ... et qui ne l'est plus ...
Xavier Ruiz Portella: Non, je ne le suis plus depuis lors. En réalité je venais de la résistance anti-franquiste en Espagne, où j'avais été condamné d'ailleurs. Et il m'a fallu quelques mois en Hongrie et en Roumanie où j'ai travaillé pour une radio du Parti Communiste Espagnol qui émettait clandestinement en Espagne, pour me rendre compte qu'il n'y a avait aucune possibilité dans cette direction et qu'il fallait rompre avec tout ça, avec toute l'idéologie, avec toute la pratique communiste, et que notre seule possibilité, notre seule chance, c'était de regagner l'Occident, au plus vite.
L.R.: Tu as adhéré toi aussi au Parti radical ?
X.R.P.: Oui, oui, nous y avons adhéré ensemble, il y a un an.
L.R.: Je crois qu'il serait intéressant de parler des années soixante. Toi, Anne tu es restée en contact avec des Hongrois, des dissidents, des opposants hongrois; pensiez-vous déjà à l'époque au futur de la Hongrie?
A.L: Bien sûr, on ne faisait que cela!
L.R.: Avec Laszlo Rajk, avec qui tu étais en contact depuis longtemps.
A.L.: En ce qui concerne Laszlo Rajk, on ne peut pas définir notre relation dans ces termes. Laci (diminutif pour Laszlo, ndlr) a passé la période des deux ans d'internement avec nous en Roumanie. On se connait donc depuis 35 ans !
L.R.: Il faut rappeler à ceux qui ne connaissent pas Rajk, que c'est l'architecte qui a fait le décors du congrès du Parti radical à Budapest.
A.L.: Et qui a fait également le "scénario" de l'enterrement ...
L.R.: Au Père Lachaise ?
A.L.: Au Père Lachaise en juin 1988, de même qu'à la place des Héros à Budapest cette année.
L.R.: Votre premier contact avec le Parti radical... Vous le connaissiez déjà ? Vous aviez peut-être entendu parler de Pannella durant les années '70 ?
X.R.P.: Nous avions une vague connaissance du Parti radical, surtout à travers l'image diffusée par les mass-media, autrement dit l'image de quelque chose d'un peu folklorique. En réalité nous ne le connaissions pas bien. Il nous a fallu approcher les documents du Parti Radical pour changer tout à fait notre idée. Pour nous enthousiasmer ... pas seulement, pas tant pour les idées du Parti que pour la méthodologie, pour le langage même du Parti, pour sa façon de faire de la politique. Une façon qui tranchait nettement avec la langue de bois propre à la plupart des partis politiques.
L.R.: Pour la nonviolence également, parce qu'il n'y a guère de partis politiques qui ont choisi la nonviolence comme instrument de lutte !
X.R.P.: Oui, bien évidemment.
A.L.: Et il faut peut-être dire, pour l'anecdote simplement, que notre connaissance du Parti radical date du 16 juin 1988, jour anniversaire de l'exécution d'Imre Nagy et de ces compagnons en 1958. L'année dernière c'était le jour que la Ligue Hongroise des Droits de l'Homme à Paris avait choisi pour inaugurer le monument au Père Lachaise, à la mémoire de ces martyrs qui n'avaient pas de tombe à eux ... Et il y avait là un représentant du Parti Radical, Olivier Dupuis, qui m'a contactée après la cérémonie en me demandant si j'étais d'accord de donner une interview aux Nouvelles Radicales. J'ai dit oui. L'interview ne s'est jamais réalisée, mais par contre il nous a envoyé la documentation sur le Parti Radical ... que nous avons lue ...
L.R.: En Français...
A.L.: En français. Nous avons trouvé cela extrêmement proche de nos idées, de nos inquiétudes, aussi bien au niveau de la méthode qu'au niveau des buts, des objectifs. Il y avait dans ces journaux une description tout à fait dramatique de la situation financière du Parti et une demande pressante d'inscription, d'adhésion, alors nous avons décidé de nous inscrire. C'était, je crois, au mois de novembre de l'année dernière. Puis est surgie l'idée du congrès à Budapest qui a été pour moi spécialement, extrêmement intéressante, et je crois avoir contribué un petit peu à ce qu'elle devienne réalité. Et puis, lors du congrès de Budapest, j'ai été élue au Conseil Fédéral: C'est comme cela que tout s'est enclenché. Sans presque m'en rendre compte, je me suis retrouvée militante, ce que je n'ai jamais été.
X.R.P.: Pour l'anecdote, le congrès du Parti Radical à Budapest, se tenait dans la salle où, en '71, j'ai participé à un congrès de la Fédération Internationale de la Jeunesse communiste et où j'ai connu Anne qui y était en tant qu'interprète ...
A.L.: Je n'ai jamais voulu, pas même quand j'ai fait les quelque petites choses qu'il était possible de faire à l'époque, il y a vingt ans, en Hongrie, avant que je ne l'a quitte, je n'ai jamais voulu entrer dans aucun organisme, quel qu'il soit, dans aucune organisation qui aurait eu comme projet la prise de pouvoir politique. Pour moi c'est une question de principe. Et même si parfois je pouvais être d'accord avec les objectifs, je n'étais jamais tout à fait d'accord avec les moyens. La première fois où j'ai trouvé un accord entre les moyens et les objectifs, c'était il y a un an, quand j'ai connu le Parti Radical de près.
L.R.: J'ai ton intervention au congrès sous les yeux; à un moment donné tu as dit: "ce qui lie les gens qui se trouvent au Parti Radical, c'est plutôt le comment que le quoi". Il s'agit du respect des instruments, des moyens, qui déterminent les objectifs. C'est ce que nous disons toujours: les fins ne justifient pas les moyens, c'est les moyens qui préfigurent en quelque sorte les fins.
A.L.: Tout à fait. S'il y a une idée que j'ai haï toute ma vie et contre laquelle j'étais profondément révoltée, c'était bien cette idée, fondamentale dans l'idéologie bolchévique... mais pas seulement dans l'idéologie bolchévique même si elle trouve sa réalisation la plus sinistre dans cette idéologie-là, et dans l'idéologie nazie aussi d'ailleurs, l'idée selon laquelle les fins justifient les moyens. Non seulement je n'ai jamais été d'accord avec cette idée, mais je hais cette idée, émotionnellement même. J'ai toujours trouvé que les moyens compromettaient, détruisaient, ou au contraire alimentaient les objectifs, et que les moyens étaient aussi importants, sinon plus, que les objectifs. Je n'ai jamais trouvé le moindre écho politique à cette idée. Et c'est suite à cette prise de conscience que j'ai décidé de ne jamais militer si ce n'est dans des filières humanitaires, telle que Survival, qui est une sous-section d'Amnesty pour les minorités religieuses et ethniques, où je suis, de par mon métier d'ethnol
ogue, engagée depuis des années. Mais il s'agit là de quelque chose de tout à fait différent du militantisme politique.
L.R.: Ce qui signifie que tu dois ressentir le Parti Radical Transnational comme quelque chose de très différent d'un quelconque autre parti sinon tu n'aurais pas pu adhérer à une organisation politique qui porte le nom de "parti".
A.L.: Absolument. J'ai adhéré émotionnellement et pratiquement au Parti Radical, le jour où Xavier m'a expliqué, parce que je ne suis pas un animal politique...
L.R.: Alors c'est l'ancien communiste qui...
A.L.: Tout à fait. Dans la famille c'est lui qui a la compréhension la plus lucide et la plus claire et en même temps la plus technique aussi de la politique. Le jour où il a traduit dans mon langage, dans un langage que je peux comprendre, le rapport que le Parti Radical établissait dans sa pratique, et dans sa théorie aussi, entre moyens et objectifs, la manière dont le Parti Radical était capable de revenir sur ses idées, sur sa pratique, avec un sens critique absolument inouï pour moi, jamais vu pour moi, et la façon dont ce parti était capable de reposer radicalement - c'est le cas de le dire - son existence même, à partir du moment où un hiatus pouvait sembler s'installer entre moyens et fins, notamment par le biais des problèmes financiers, du problème des inscriptions, etc. En somme c'est cette capacité de se remettre en question sans arrêt, cette capacité de refuser la tentation du pouvoir, de refuser la tentation d'un certain type de travail institutionnel, qui m'a convaincue.
X.R.P.: A ce propos, ce qui nous a absolument stupéfié quand nous avons pris connaissance des documents du Parti, c'était le fait proprement incroyable d'un parti qui annonce avec grand éclat sa propre auto-dissolution. Les partis peuvent mourir ou peuvent se dissoudre, peuvent éclater, mais ils ne s'auto-dissolvent généralement pas ! Le fait d'adhérer précisément à un parti qui a le courage de proclamer son auto-dissolution, toujours reportée jusqu'à présent - heureusement d'ailleurs - c'était vraiment quelque chose d'absolument encourageant.
L.R.: Pensez-vous travailler avec les radicaux, les militants, les membres du Parti Radical qui se trouvent en Belgique ou plutôt avec ceux qui se trouvent en Hongrie?
A.L.: Il existe en ce moment un projet dont nous avons parlé avec le premier secrétaire, le Secrétaire général, je ne sais pas quel est son titre exact...
X.R.P.: On peut dire Sergio aussi, tout simplement...
A.L.: Un projet qui concerne la manière dont le Parti, en respectant le principe du transpartitisme, et à travers l'idée du transnational, pourrait s'insérer d'une façon active dans les processus de démocratisation en cours en Hongrie, en Yougoslavie et en Pologne. Ce projet, cet avant-projet en tout cas, se base, en partie en tout cas, sur une certaine participation de ma part, en tout cas au niveau exploratoire. Ensuite on verra. Il s'agirait de toute façon, de partir des 200 inscrits qui sont présents en Hongrie maintenant mais aussi en Pologne et en Yougoslavie, de partir de ce noyau d'inscrits et de tout ce que nous avons à dire, à faire, à penser, à proposer dans ce processus de démocratisation, à travers les idées de nonviolence, des Etats-Unis d'Europe etc, pour essayer de travailler avec les futurs candidats aux élections, aux premières élections libres qui auront lieu, si tout va bien, l'année prochaine. Travailler donc pour faire en sorte qu'il y ait des députés qui soient à la fois liés à des org
anisations qui sont pour le moment alternatives mais qui seront simplement d'opposition à ce moment-là, et en même temps représentants des idées radicales.
L.R.: Avez-vous des contacts, vous sentez-vous proches des trois députés récemment élus, non issus du parti communiste hongrois ?
A.L.: Ces députés qui viennent d'être élus et qui ne sont pas communistes, font partie du Forum Démocratique, l'organisation d'opposition la plus puissante quant au nombre d'adhérents. Je suis pour ma part membre depuis peu d'un autre mouvement, celui des Libres Démocrates. Mes sympathies vont donc prioritairement vers les idées de cette organisation. Ceci dit, je connais personnellement beaucoup de membres du Forum et d'autres organisations d'opposition. J'ai des contacts avec plusieurs d'entre eux, depuis que je suis née. Et je pense que le fait qu'il s'agisse de gens qui ont toujours fait partie de mon univers et que je sois quelqu'un qui ai toujours fait partie du leur, peut aider, au niveau tout à fait pragmatique, à ce que la présence des idées radicales et du Parti Radical soit quelque chose qui réalise cette chose tellement difficile dans le contexte actuel de ces pays qu'est la négociation sereine. D'un côté entre les différentes organisations d'opposition et de l'autre la négociation entre l'opposi
tion et les réformistes du parti communiste.
L.R.: Sans rancune, comme tu avais dit, si je me souviens bien, au congrès, la négociation sans rancune est politiquement très importante pour toi. La refondation démocratique, à plus forte raison pour un pays comme le tien, est-elle possible sans rancune?
A.L.: Je pense que la rancune, que l'amertume, que les blessures sont là, qu'elles ne sont pas refermées. Mais ce sont des choses sur lesquelles on ne peut pas construire une politique. Que je ressente de l'amertume vis-à-vis de certaines personnes, opportunistes ou carrément staliniennes, que j'ai, par ailleurs, une antipathie raisonnée et absolue à l'égard de la méthode de gouvernement qui a été celle de ce parti communiste pendant 40 ans, c'est une chose. Et c'est tout à fait vrai, je ne m'en cache pas. Mais qu'on ne puisse pas, sur une telle base, construire quelque chose pour l'avenir de ces pays, j'en suis tout aussi convaincue. Ce qui veut dire qu'il ne s'agit pas de dire: bon, bah, voilà, c'est comme ça, il y a eu des morts, on oublie tout ça, sans rancune. Non. On n'oublie rien du tout, parce qu'une mémoire historique intacte est la condition même pour qu'un peuple puisse avoir un avenir viable. On n'oublie pas, mais on travaille pour qu'il y ait un avenir viable, avec tous les problèmes que ces mét
hodes atroces de gouvernement laissent en héritage à ces pays, il faut absolument qu'au-delà de tout cela, nous apprenions absolument à considérer que ces gens existent, qu'ils existent maintenant, qu'ils vont exister. Il faut que nous apprenions qu'être démocrate - comme dirait un de nos amis radicaux - parmi les démocrates ce n'est pas tellement difficile, mais qu'être démocrate parmi les non-démocrates ou les ex-non-démocrates, c'est dur, c'est humainement, c'est émotionnellement et c'est pratiquement dur, mais que c'est le prix à payer pour que le sang ne coule pas à nouveaux et pour qu'on puisse construire une société viable. C'est ce que je crois.
L.R.: En vous donnant déjà rendez-vous pour une prochaine fois, je voudrais tout simplement demander à Xavier, si en tant que catalan, espagnol-catalan, il a gardé des contacts en Catalogne, en Espagne, s'il est en contact avec des espagnols, des catalans qui ont choisi de soutenir le Parti radical transnational ?
X.R.P.: Oui, oui, je suis toujours en rapport avec l'Espagne et avec la Catalogne, mais je dois avouer que je n'ai pas réussi à établir des contacts avec les membres du Parti radical en Espagne. J'ai cru entendre d'ailleurs qu'il y a eu certains problèmes dans le travail qui a été fait là-bas, qu'en tout cas cela n'a pas débouché sur les succès escomptés. Je crois aussi qu'il y a un problème plus particulier qui se pose en Catalogne dans la mesure où la question nationale catalane joue un rôle très fort, et que par conséquent cela peut rendre plus difficile l'acceptation d'une politique aussi ouvertement cosmopolite, aussi ouvertement transnationale que celle de notre parti. Quelles que soient les difficultés d'ordre pratique et politique, je crois qu'il y a là de toute façon un énorme champs ouvert, où, quels que soient les avatars de la vie politique et quotidienne du parti on doit continuer à travailler.
L.R.: Merci Xavier, merci Anne, à la prochaine fois ! Bon travail dans ce Parti radical transnational qui est le notre et qui est le votre.