LE PARLEMENT EUROPEEN, CET INCONNU
de Emanuele Gazzo
(Agence Europe, Lundi/Mardi 21 et 22 janvier 1985)
Les circonstances ont été telles que la semaine dernière, le Parlement Européen a été d'une certaine manière le témoin, et en même temps l'acteur, du départ d'un nouveau cycle de vie communautaire.
Rappelons qu'en premier lieu, le Parlement a pu, pour la première fois, procéder à un débat, sanctionné par un vote, sur l'"investiture" de la Commission Européenne, une semaine à peine après que celle-ci avait pris ses fonctions. Pour certains, il ne s'est agi que d'une "fiction" qui défie les règles institutionnelles en vigueur. Mais l'acte politique, même s'il a une portée limitée, reste significatif: on n'avait jamais osé le faire. L'investiture a été accordée sur la base d'un exposé du président Jacques Delors qui, tout en n'étant pas encore le "programme" dans le sens véritable du mot, va encore plus loin parce qu'il énonce la doctrine qui guidera la politique de la Commission au cours des quatre prochaines années et engage celle-ci sur de nombreux points. L'exposé, rédigé personnellement par Delors et complété sur la base d'un débat au sein de la Commission a été approuvé par une très large majorité, le vote étant assorti d'une série d'exhortations, avertissements et mises en garde dont la Commission
devra tenir compte. Il constitue un point de départ qui aura nécessairement une influence importante sur les relations de la Commission avec le Conseil. Le Parlement n'oubliera certainement pas qu'il a accordé sa confiance à quelqu'un qui s'est engagé formellement à utiliser tous les moyens que lui attribue le traité. (... )
La connaissance que l'opinion a du Parlement Européen, de ce qu'il fait, et même de son élection directe, est beaucoup trop limitée, ce qui à son tour l'empêche d'acquérir une popularité suffisante et donc de prétendre jouer un rôle déterminant. Nous sommes enfermés dans un cercle vicieux qu'il faut briser. Il faut que les élus sachent quoi répondre lorsqu'on leur demande: "Qu'avez-vous fait pour nous et pour l'Europe ?". Il va de soi que le Parlement cherche à sortir de cette situation par la grande voie de la réforme institutionnelle qui lui donnerait un pouvoir de co-décision. La politique des petits pas, payante en soi-même, ne permettra jamais d'atteindre le seuil critique qui permet d'exercer un pouvoir. (...)"