par Luigi Cerina, radical, conseiller municipal antiprohibitionniste à Rome
Chers amis
J'ai perdu mon ami il y a trois ans, à cause du Sida. Je sais que je suis moi-même séropositif depuis 4 ans. Je fréquente, comme bon nombre d'entre-vous, les hôpitaux et les médecins, pour mes contrôles et mes thérapies mensuels.
Je les fréquente également pour rendre visite à mes amis, et aussi aux personnes que je ne connais pas mais qui demandent à me voir.
Puis je regarde la télé, je lis les journaux: il y a de nombreuses émissions sur ce sujet, c'est presque devenu une mode.
Il y a des campagnes de prévention, conçues comme n'importe quel spot publicitaire et il y a toujours les illustres grands patrons de la science médicale de mon pays, qui répètent toujours les mêmes poncifs: on ne peut pas être contaminés par une cuiller, utilisez les préservatifs, etc...
A la télé on voit de nombreux politiciens, journalistes, prêtres et quelque fois même l'un de nous, séropositif ou malade de sida, mais avec l'écran grillagé et la voix altérée de manière à ce qu'on ne le reconnaisse pas.
Ces interventions des médias sont la cause de la "criminalisation" de la maladie. Dix ans après l'apparition de l'épidémie, six ans après la découverte du virus, un tel comportement n'est plus admissible.
En nous criminalisant, en nous invitant, en nous obligeant à nous cacher, ces "opérateurs", en faisant croître leur prestige et leur notoriété, en remplissant leurs cliniques privées de clients payants, tandis qu'ils empêchent de facto toute critique à leur comportement, nous rendent faibles, nous empêchent de hausser notre voix claire et forte afin que claire et forte soit la demande de respect de nos droits et de nos intérêts, qui ne sont rien d'autre que les droits et les intérêts de la collectivité toute entière.
Nous-autres de "Positif" nous voulons:
- que les décisions qui nous concernent, qui concernent notre vie et notre mort ne soit pas prises ailleurs que là où nous nous trouvons;
- que tous les hôpitaux et pour toutes les pathologies, soient organisés de manière à satisfaire nos exigences, celles des malades et non pas celles des préposés;
Ce qui signifie:
- que le service d'assistance à domicile, de day hospital, doit-être amplifié;
- que des "evening hospital" doivent être ouverts, pour nous permettre de continuer à nous soigner sans être obligés de nous absenter de notre lieu de travail et, à la fin, de perdre celui-ci;
- nous voulons une expérimentation consciente -connaître pour délibérer - c-à-d connaître toutes les alternatives pour pouvoir ensuite choisir, de par nous-mêmes, avec notre partenaire, avec nos amis, avec les autres séropositifs ou malades, avec leurs comparaisons et leur réconfort, la thérapie à entreprendre;
- nous voulons pouvoir décider également de notre mort, nous voulons être préparés à cela, nous refusons l'acharnement thérapeutique, et nous réclamons le droit de pouvoir choisir, comme Sénèque, Pétrone, comme Bettelheim, le moment où notre vie ne vaut plus la peine d'être vécue et de pouvoir choisir la meilleure solution pour quitter cette terre.
Nous voulons que la folie prohibitionniste cesse.
Que cesse la criminalisation de la drogue, de l'héroïne. Cette prohibition, et non pas la drogue, non pas l'héroïne, a été la cause de 70 % des contaminations par l'hiv ici en Espagne et dans mon pays, l'Italie.
Nous voulons que les toxicomanes puissent être approchés par les structures publiques et qu'eux-mêmes puissent s'approcher de ces structures sans crainte d'être jugés, condamnés, emprisonnés; mais au contraire pour en obtenir l'aide, l'information, le soutien psychologique, l'assistance sanitaire; mais aussi des seringues propres, et même la drogue dont ils ont besoin; cette drogue qu'à cause de la folle prohibition ils sont obligés d'acheter à la mafia à des prix impossibles; cette drogue qui les oblige à avoir des contacts quotidiens avec la criminalité, à voler, à se prostituer en provoquant de nouveaux drames et de nouvelles morts à eux-mêmes et aux autres.
Un nouveau type d'information doit naître autour de cette épidémie, un type d'information qui nous transforme, de victimes que nous sommes, en protagonistes.
Nous ne devons dépendre passivement ni de l'opinion des médias ni de celle des médecins. Nous devons créer nous-mêmes l'information et la contre-information.
C'est pour cela que je propose ici, à toutes les personnes qui participent à cette conférence, à toutes les Associations de Séropositifs et de Malades de Sida, d'adhérer au système télématique Agorà.
Ce système nous permettra d'être reliés en temps réel dans le but de:
- éditer une news-letter;
- être informés rapidement sur les thérapies nouvelles, les prophylaxies et leurs effets secondaires;
- créer une information, alternative à l'information officielle, qui, souvent, sur notre peau, poursuit d'autres buts;
- créer des archives électroniques, que l'on peut consulter et alimenter à distance, des documents et des actes qui nous intéressent.