Par Marco Pannella Etats-Unis d'Europe tout de suite ou bien retour au chaos
Disons-le clairement: le Parlement Européen - unique institution démocratique communautaire qui représente 340 millions de citoyens européens - n'est pas pour la "Maison Commune" de Gorbatchev, ni pour la "Confédération" que Mitterrand propose maintenant, mais il est pour les Etats-Unis d'Europe ("Union Européenne"), pour un Etat fédéral souverain, pour une Constitution fédérale, pour un Etat de droit, à l'intérieur duquel les autonomies, les interdépendances, les libertés, les cultures sont renforcées, organisées démocratiquement, comme cela est ou devrait-être aux Etats-Unis d'Amérique, ou dans la nouvelle URSS voulue par les "radicaux" de Yeltsin, par les fédéralistes antijacobins et antinationalistes.
"Maison Commune", "Confédération" pourront constituer l'épanouissement et la projection historique et politique de la Fédération européenne, de l'unité politique et institutionnelle des pays et des citoyens qui font ou qui feront partie de l'actuelle CEE. Ou bien, cette "Maison Commune" et cette "Confédération" n'auront été que l'instrument pour empêcher la naissance du plus moderne-démocrate et du plus fort (sur le plan commercial, productif, scientifique, numérique, culturel et politique) Etat du monde, destiné à réaliser une Communauté mondiale de droit, de démocratie politique, de nonviolence et de paix, de justice et de liberté. Ou bien elles n'auront été que l'occasion pour éluder les dramatiques problèmes de survie de la planète et des hommes, après la tragédie des nazifascismes et des "socialismes réels", auquels a contribué en grande partie le monde des "démocraties réelles", des Etats nationaux et de leurs classes dirigeantes.
Déjà en 1984 le Parlement Européen avait officiellement adopté et proposé aux autres Institutions communautaires et aux Pays adhérents, un nouveau Traité, une sorte de Constitution de l'Union Européenne. En grande partie dans les douze Etats, aux élections de 1984 et ensuite en 1989 pour le Parlement Européen, l'électorat avait plébécité ce projet et cette méthode. Ces jours-ci, réunis à Rome en tant que Commission Institutionnelle et Commission Politique du PE, nous donnerons mandat de préparer un nouveau projet de Constitution de l'Union Européenne, avant deux mois, à l'ex-Président du Conseil Italien, maintenant député européen, Emilio Colombo.
Le coût de la non-Europe politique et démocratique est en train de devenir insupportable et tragique. Son absence en tant qu'alternative immédiate, déjà formellement constituée et opérationnelle, risque de jeter l'Europe centrale et orientale à peine libérée du joug communiste, dans le chaos et dans le désastre économique, productif et social, en l'obligeant à une sorte de "restauration" national-démocratique d'un passé qui fut la cause concomitante de l'avènement des dictatures fascistes et communistes, comme la Tchécoslovaquie en particulier, ne peut pas ne pas se souvenir.
Les allemands des deux Républiques l'ont compris. Ils ont même, par la politique du fait accompli, introduit, sans conditions, 17 millions de citoyens de l'ex-DDR dans la Communauté Européenne.
Je vous demande maintenant, à vous, au grand, au très cher Président Havel, aux démocrates Tchèques (et Hongrois, et polonais), d'adopter la ligne du Parlement Européen, et non pas celle des Etats nationaux de l'Europe de l'Ouest. La "Confédération" verra tout autre Etat-membre qui ne soit pas l'Allemagne, tout d'abord, la France et la Grande Bretagne, ensuite, être politiquement et institutionnellement périphérique et marginal, économiquement et productivement, culturellement et socialement subalterne.
L'unité "économique", "culturelle", en effet, si elle n'est pas organisée par un Etat de droit, institutionnellement démocratique et plurinational, fondé sur les droits humains, civils, politiques de la personne, égaux pour tous, dans chaque pays et à chaque latitude, ne sera que pure apparence. Nous serions tous entre les mains des complexes militaro-industriel, agro-industriel et alimentaire, a-démocrates et incapables d'assurer dans le monde un ordre quelconque digne de ce nom, qui des décennies durant a misé sur la stabilisation des dictatures communistes et de l'empire soviétique et sur la destabilisation du monde, en premier lieu dans les zones non-européennes et non "occidentales", armant frénétiquement les dictateurs du monde entier, in primis les Saddam Hussein, les Menghistu, les Assad, selon la vieille politique de Moscou et de Prague.
La "démocratie dans un seul pays" ou dans un seul "système de pays" n'est pas réalisable à la longue, comme ne l'a pas été (Dieu merci!) "le socialisme dans un seul pays". Le problème de la "démocratie Réelle" qui risque d'aller à la démocratie comme le "socialisme réel" allait aux idéaux de l'humanisme socialiste et libertaire, qui dans tant de pays d'Europe donne vie à la tragédie de la partitocratie, ne doit pas être sous-estimé, si nous ne voulons pas que rapidement, avant l'an 2.000, on ne se retrouve à ré-exprimer le drame des politiques des Daladiers et des Chamberlain, des Benes et des Masarik.
Si la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne - ensemble ou séparément - demandaient tout de suite et pour tout de suite leur adhésion à la Cee, en se prononçant, dès à présent, pour l'Union Européenne, et en renforçant à l'intérieur ses partisans, le Parlement Européen, les gouvernements, comme l'italien, le belge, et de grands groupes allemands, français, espagnols, la cause serait gagnée, les droits humains, civils, politiques à la démocratie et au droit, constitueraient la base incomparable de l'Etat et de l'ordre social.
A plusieurs reprises, avec mes collègues du Parti Radical et les fédéralistes européens de chaque parti, dans ces perspectives, nous avons reçu le soutien formel de la majorité absolue des parlementaires européens. En Italie, placés en général dans l'opposition, nous avons contribué à former de "très grandes majorités européennes" au Parlement, durant cinq législatures au moins, et dans les trois du Parlement élu directement par le peuple européen.
Aujourd'hui la confrontation n'est plus entre européïstes et antieuropéïstes avoués. La confrontation aujourd'hui est entre de vagues "européïstes", d'emphatiques sentiments discutables et des abstractions réversibles, qui semblent nous présenter l'"Europe" comme "destin", une sorte de Corps Mystique ou de Communion des Saints, une "culture", bien attentifs à conserver le maximum de prérogatives, de privilèges, de pouvoir et des sous-pouvoirs traditionnels, des inégalités et des injustices, des démocraties "protégées" et "historiquement" réalistes, d'un côté; et de l'autre, ceux qui veulent construire de manière laïque précisément, le fédéralisme, le fédéralisme européen, la démocratie intransigeante, la société et l'Etat de droit, à partir de l'évolution immédiate de la Cee vers l'Union Européenne.
Pour obtenir cela, il faut lutter, avec force, décision, urgence.
Il n'y a pas de salut écologique, juridique, économique, social, culturel, dans l'illusion minimaliste, dans la triste, inféconde utopie "réaliste", dans la persistance du divorce entre science et conscience, sentiments humains et la "politique", le "pouvoir".
Certaines manifestations qui s'annoncent, même à Prague, comme des accoucheuses de renouveau, semblent au contraire se constituer comme une continuité des vieilles impuissances.
Les centaines de citoyens tchèques qui sont en train de donner vie, eux-aussi, au Parti Radical transnational et transpartitique, qui compte désormais davantage d'inscrits à Moscou ou à Prague, qu'à Milan ou à Palerme, sont un précieux témoignage d'une possibilité, contre un "probable" malheureusement dangereux et négatif. Je puis leur assurer qu'ils sont très peu nombreux, malheureusement, dans la voie que le Parlement Européen, les peuples d'Europe qui ont pu s'exprimer démocratiquement, souhaitant qu'elle soit parcourue à temps et sans freins.