Intervention de Marco Pannella
Marco Pannella au Congrès F. E. I.
Discours de Marco Pannella au Congrès de la F.E.I. le 24.08.90
à Padoue.
Messieurs de la Présidence, amies et amis
Je vous transmets avant tout les salutations et les meilleurs souhaits pour vos travaux, de la part du Conseil Fédéral du Parti Radical transnational et transpartitique, dont j'ai l'honneur d'être le Président. Tout à l'heure, une journaliste s'est approchée de moi, et sans déranger personne m'a demandé: "Mais pourquoi une langue inventée? Je me suis limité à murmurer à cette collègue journaliste que jusqu'à preuve du contraire, l'histoire de l'humanité, en positif et dans la direction de la vie, est une histoire d'inventions. D'autre part la vie historique et la vie morale sont "choix" et "invention".
Une nécessité urgente
Et, après cent ans je crois que la langue de l'espéranto, la langue internationale et ses raisons d'ordre général, ses principes et ses objectifs s'imposent aujourd'hui comme une nécessité urgente et évidente pour tous. Je crois cependant que cela n'autorise aucun de nous à être très optimiste, au contraire, je crois que l'histoire est un grand cimetière d'espérances et de raisons idéales battues par la force brutale des choses et des choix opposés des hommes. Dans quelques décennies nous pourrons avoir dans cette société, au lieu d'une langue internationale exaltée et par conséquent également la force des langues nationales et des cultures nationales, une homologation épouvantable, parce que, à notre époque, la force et la capacité d'homologation dans la violence de notre société sont, comme nous le savons très bien, extrêmement grandes.
Miser sur ce qui est possible
La chose la plus probable c'est que la logique des choses s'impose, que l'anglais, par exemple, devienne "LA" langue, et par conséquent également "LA" culture, avec une violence non pas subjective mais objective, imposée comme langue internationale, et, je le répète, cela est très probable pour des raisons objectives et non pas à cause de volontés subjectives perverses.
Nous devons miser sur ce qui est possible. Vous, vous misez sur ce qui est possible contre ce qui est probable et cela est la caractéristique de toutes les grandes révolutions, même morales.
Une lutte politique
Il s'agit donc de nous "armer" avec les armes de la nonviolence, les armes du droit, pour essayer d'acheminer vers la solution de la langue internationale cette nécessité urgente de l'histoire de l'humanité. Je crois que Chiti Batelli a raison, que la plupart d'entre-vous a raison, que vous vous trouvez dans la position de devoir faire toujours davantage le choix de mendier, d'obtenir de meilleures capacités de survie comme un petit groupe ou un groupe international, une petite ou une grande église, ou alors conquérir pour l'humanité la possibilité de faire le choix d'une langue internationale. Et cela est un choix qui comporte une lutte dramatique, très difficile, de type politique.
C'est pour ce drame que, avec simplicité, nous avons fait le choix d'émettre en direct, tous les travaux du Congrès à travers Radio Radicale. Je crois que c'est un fait historique. Je ne crois pas qu'il soit déjà arrivé que des centaines de milliers de personnes écoutent, vivent l'espéranto. Je crois que cela n'est jamais arrivé dans le monde. C'est une chose humble et simple mais c'est en train d'arriver.
Débattre créativement
A partir de cela il sera plus facile de débattre créativement en faisant entendre le concret, je le répète, dramatique, du choix que nous voulons que nos états et notre société fassent.
Je voudrais faire quelques propositions ou exemples, avant de conclure.
Nous pourrions décider qu'en Novembre ou en Décembre, pour bien le préparer, mais même en Octobre, la présidence de l'U.E. (Union Espérantiste) vienne au Parlement de Strasbourg pour une conférence publique de présentation, adressée soit aux parlementaires, soit à la presse, d'objectifs concrets auxquels le Parlement Européen, la Communauté Européenne et les parlements nationaux, puissent s'assumer la responsabilité de faire ou de ne pas faire. A travers le Parti Radical, je suis certain que nous trouverons au moins l'accord de plusieurs dizaines de parlementaires européens, lesquels connaissent bien aujourd'hui les caractéres transnationaux et transpartitiques du Parti Radical pour pouvoir aller précisément vers cette imposition concrète de disponibilité du Parlement Européen.
Une "Charte" précise
Sur la base de cette expression publique de l'U.E., et celle de vous tous par conséquent, et j'ose dire même, un peu aussi la nôtre, nous pourrions adopter une sorte de "charte" précise, ponctuelle, je ne parle pas de grandes déclarations de principes. Et sur la base de ce fait de commencer tout de suite la bataille pour que la Commission Européenne mette en chantier immédiatement une directive communautaire en faveur de ces choses que nous demanderons en tant qu'espérantistes.
Ensemble, avec le Parti Radical, nous pourrions travailler pour que le texte législatif ou les textes législatifs, partiels et systématiques dans l'ensemble, soient déposés - et non pas laissés en sommeil en dépôt - dans sept, huit, dix, douze parlements, en commençant, pourquoi pas, par le Soviet Soviétique, jusqu'au Parlement des douze et dans certains parlements du Tiers-Monde.
(...) Mais à la même heure, dans les mêmes termes, le même jour, il faudra pouvoir conduire une action externe nonviolente de soutien.
Et pour finir par un autre exemple d'action qui me semble possible, par exemple je crois que nous pourrions déjà pour Pâques 91, sinon pour Pâques 92, obtenir que du message "Urbi et Orbi" du Souverain Pontif, il y ait également, outre les 52 langues habituelles, celle de l'espéranto,....Mais il suffit de s'y mettre!
Réplique d'un espérantiste: "Il serait temps...!"
Réponse de Marco Pannella: Oui, mais il serait temps aussi de permettre au Pape de le faire...En ce sens que probablement le Pape a besoin de quelque chose pour qu'il puisse le faire. Nous nous sommes trouvés à recevoir en 1983, il me semble - et pourtant nos récentes batailles pour le divorce et l'avortement nous conféraient à ses yeux la marque du diable! - un accueil, des salutations, durant les festivités de Pâques justement. Ces salutations étaient adressées aux radicaux nonviolents qui, luttant contre la faim dans le monde, étaient allés à Saint-Pierre. Et le Pape le fit malgré de nombreux avis contraires. Imaginez que nous organisions ensemble des salutations espérantistes de masse, un PEU de masse! Ça n'est pas difficile: avec la radio, avec les autres camarades et amis du Parti. (...)
J'ai terminé, je vous remercie beaucoup, naturellement ce sont-là les exemples et les propositions que je vous fais et que je fais à mon parti qui, étant un parti profondément libertaire et fédéraliste, doit bien réfléchir à ce qu'il décide parce que c'est un parti de personnes qui donnent littéralement "corps" en tant que nonviolents, aux décisions qu'ils prennent...
A ce jour, il n'y a qu'un dixième des espérantistes inscrits au Parti Radical Transnational.
Cela ne suffit pas, certainement. Mais je crois qu'il sera clair, toujours plus clair, à tous les espérantistes, combien la croissance et la possibilité d'opérer de ce parti international, transnational, transpartitique, avec l'histoire et la culture qu'il a, avec encore moins de héros ou de militants de ce que la cause espérantiste n'a jamais pu compter jusqu'à présent. Je crois que le problème est celui du salut, de la croissance de la force de ce parti. Un parti qui a réussi avec les 2 ou 3 mille personnes, par la nonviolence, peut-être, à sauver de l'extermination par la faim des millions de personnes. Je crois que ce problème de croissance commune est un problème posé objectivement. Il s'agira de voir si nous saurons, chacun de nous, en faire, d'une évidente nécessité, un point de référence, d'espoir, de joie, de dialogue pour chacun de nous et chacun de vous.
Merci et tous mes voeux.
(Traduction de la transcription originale italienne non revue et corrigée par l'auteur).