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Nezan Kendal, Le Figaro - 25 ottobre 1994
La question kurde

LA SOLUTION FEDERALISTE

par Kendal Nezan

SOMMAIRE: Après avoir vainement lutté pour leur indépendance,

les Kurdes se résignent à une cohabitation qui respecterait leur identité.

(Le Figaro, 25-10-1994)

Ils sont de 25 à 30 millions. lis habitent un pays grand comme la France, connu depuis l'an 1150 sous le nom de Kurdistan. Ils possèdent une identité, une culture, une civilisation qui leur sont propres et dont les origines remontent aux Mèdes de l'Antiquité. Leur langue, qu'ils ont réussi à conserver et qu'ils pratiquent encore dans leur grande majorité, est au turc ce que le français est au hongrois. Elle diffère aussi de l'arabe sémite et n'a de liens de parenté qu'avec le persan, qui descend du même rameau "iranien" de la famille indo-européenne. La série impressionnante des insurrections - 29 rien qu'en Turquie - qui jalonnent leur histoire depuis un siècle ne laisse guère de doute sur la force de leur sentiment d'appartenance à un peuple distinct et leur volonté collective de devenir maîtres de leur destin.

Le président américain Woodrow Wilson, qui souhaitait rendre justice aux peuples éprouvés par la longue nuit de la domination ottomane, fut le premier homme d'État occidental à reconnaître la légitimité des aspirations kurdes et à préconiser, dans sa fameuse Déclaration de 1918, la création d'un Kurdistan indépendant. Le Traité de Sèvres (août 1920) consacra le droit du peuple kurde à un État indépendant. Cependant, ce texte ne fut jamais appliqué. Il fut remplacé par le traité de Lausanne de 1923 qui entraîna le partage du Kurdistan entre quatre Etats de la région (Turquie, Iran, Irak et Syrie).

Depuis, les Kurdes sont devenus les parias de la communauté internationale. Après avoir vainement tenté, dans les années 1920-1930, d'obtenir par la lutte armée leur indépendance et à la suite de l'échec de l'éphémère République kurde de 1946, dite de Mahabad, les mouvement kurdes ont fini par adopter des stratégies autonomistes, plus réalistes.

Cette stratégie, mise en oeuvre d'abord par le général Barzani en Irak, puis par le Parti démocratique du Kurdistan d'Iran du Dr Ghassemlou, évolue progressivement vers une revendication de type fédéraliste. En particulier, depuis octobre 1992, où le Parlement du Kurdistan irakien s'est prononcé en faveur du fédéralisme. Même le, Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en lutte armée contre Ankara, et à ses débuts indépendantistes, préconise désormais une fédération kurdo-turque ne mettant pas en cause l'intégrité territoriale de la Turquie.

L'idée de base est que, dans une région hautement stratégique, placée entre la Russie et les gisements pétrolifères du Golfe, les frontières étatiques existantes, aussi injustes soient-elles, sont intangibles. Il faudrait dès lors trouver une solution permettant la cohabitation, dans le respect de l'identité et de la dignité de chacun, des Kurdes et de leurs voisins. Dans cette conception, les Kurdes devraient, sur les territoires où ils sont majoritaires, avoir un Parlement et un gouvernement régionaux. Leur langue serait enseignée dans les écoles et ils participeraient également, au prorata de leur population, au gouvernement central.

Démocratisation

Le fédéralisme présuppose évidemment la démocratisation des structures des Etats concernés. Or ni l'Iran des ayatollahs, ni l'Irak de Saddam Hussein, ni la Syrie d'Hafez el Assad, ni même la Turquie ne sont précisément des exemples de démocratie. Chacun de ces Etats est régi par une idéologie officielle intolérante, de nature intégriste, religieuse ou nationaliste. Le plus "ouvert" et occidentalisé de ces pays, la Turquie, refuse de reconnaître l'existence même de ses 15 millions de citoyens kurdes, encore moins celle d'un problème kurde. En guerre contre "le terrorisme , elle a, à ce jour, rasé plus de 1 500 villages kurdes, chassé des millions de Kurdes de leur terre, conduit au bord de la ruine son économie, au nom de la défense de ses mythes nationalistes d'un autre âge, et prétend imperturbablement qu'il n'y a que des Turcs en Turquie.

En 1526, le sultan turc Soliman le Magnifique, dans une lettre adressée à François 1er, se vantait d'être le souverain du Kurdistan. En 1994, un autre Soliman (Demirel) tente de convaincre - "son" François (Mitterrand) que la Turquie est dans son droit en embastillant et en voulant condamner à mort une jeune femme député, Leyla Zana, coupable d'avoir dit à la tribune de l'Assemblée quelques mots en kurde sur "la fraternité des peuples turc et kurde".

L'histoire avancerait-elle à reculons dans cette partie du monde ? Les Kurdes, qui vécurent 48 des 71 ans de la République turque sous la loi martiale, n'ont pas fini leur martyre dans un pays où l'on proclame encore officiellement qu'"un Turc vaut tout l'Univers !" Si la Turquie "démocratique", alliée de l'Occident, réserve un tel sort à sa population kurde, on peut imaginer la condition des Kurdes en Irak et en Iran.

En fait, partout, le "choix" laissé aux Kurdes est implacable : accepter de disparaître en tant que peuple ou régler leur problème au sein des Etats autoritaires existants. Les princes qui nous gouvernent devraient se rendre à l'évidence : le problème kurde est la principale cause de l'instabilité dans la région. Il a déjà conduit au conflit Irak-Iran et indirectement à la guerre du Golfe, ainsi qu'à la plus grave crise économique, sociale et politique de l'histoire turque. Son pourrissement est porteur des pires dérives extrémistes et intégristes.

Maintenant que la paix entre Israël et ses voisins est en bonne voie, que la guerre froide est enterrée, il faudrait enfin réunir sous l'égide de l'ONU une conférence internationale pour définir, dans le respect des frontières d'Etat et de la démocratie, un statut acceptable pour le peuple kurde, victime de l'une des plus grandes injustices du XXe siècle.

Kendal NEZAN

 
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