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Duverger Maurice, Le Monde - 26 ottobre 1994
Duverger sur le document CDU-CSU

UNE NOUVELLE ALLIANCE FRANCO-ALLEMANDE

par Maurice Duverger

SOMMAIRE: Les réflexions du parti d'Helmut Kohl constituent un projet sérieux de transformation radicale de l'Union européenne. L'Allemagne y met plus en cause sa souveraineté que celle de la France. Loin de contredire les visions européennes du général de Gaulle, ce document est une invite au renforcement du moteur franco-allemand.

(Le Monde, 26-10-1994)

La victoire d'Helmut Kohl donne son véritable sens aux "Réflexions sur la politique européenne que le groupe parlementaire de son parti a publiées en pleine campagne électorale. Ce n'était pas un programme destiné à séduire des citoyens, plus intéressés par les problèmes nationaux. C'est un projet sérieux de transformation radicale de l'Union établie par le traité de Maastricht, semblable en importance à celui de Jean Monnet qui a engendré la Communauté voilà près d'un demi-siècle. Comme elle, il repose sur une coopération accrue entre la France et l'Allemagne. Désormais, il est officiellement reconnu qu'elles » constituent le centre du noyau dur de l'Union. On précise même que "le conflit Est-Ouest étant surmonté, la coopération franco-allemande n'est pas devenue moins importante mais plus importante que par le passé. Les présidentiables qui ont des chances d'accéder à l'Elysée en mai prochain ne peuvent pas laisser sans réponse un tel document.

On connaît celle de Jacques Delors, on devine celle de Raymond Barre, on entrevoit mal celle d'Edouard Balladur, on ignore celle de Jacques Chirac, la plus importante de toutes parce qu'elle concerne l'héritage politique du général de Gaulle. Les divisions du RPR sur la personnalité du candidat présidentiel sont secondaires, sauf pour l'intéressé. Au contraire, les divisions sur la pensée du père fondateur sont catastrophiques pour le pays. Les fanatiques de l'identité française sont de bonne foi quand il rêvent d'un repli sur l'Hexagone en vilipendant les atteintes de l'Union à une souveraineté nationale qui ne tolère pas la fusion future du franc et du deutschemark. Mais sont-ils d'aussi bonne foi, les gaullistes ayant oublié que le général considérait comme prioritaire une étroite union entre la France et l'Allemagne dont le traité avec Adenauer officialisait et pérennisait l'importance ? Ceux-là oublient aussi qu'après avoir fait voter ses députés contre la ratification de la CEE de Gaulle en a accéléré

l'évolution et développé la politique agricole commune.

On peut se demander si le président du RPR n'aurait pas intérêt à se démarquer de la grisaille où les » affaires" maintiennent son principal concurrent en apportant aux Français quelques idées neuves et fortes, même si elles paraissent au départ à contre-courant de l'opinion publique comme l'était en Allemagne le document des partisans d'Helmut Kohl. Etudiant à fond le développement de l'Union européenne depuis ses origines, on a pu montrer que de Gaulle a été l'un des constructeurs efficaces de la Communauté, entre Jean Monnet et Jacques Delors. Jacques Chirac pourrait certainement développer la stratégie du » oui par le » non que nous avons tenté d'esquisser (1) reprise par Edouard Balladur et Alain Juppé dans la renégociation du GATT avec un succès peu discutable.

De Gaulle savait que l'identité française est assez forte pour s'imposer en face de l'identité allemande dans une coopération encore plus étroite qu'au temps d'Adenauer. Le poids économique et démographique du pays d'Helmut Kohl pourrait être équilibré par la puissance nucléaire, et surtout par la situation géographique du nôtre, qui lui permettrait de développer avec l'Italie et l'Espagne une "Eurosud" évitant la dérive de l'Union vers le Nord, et, avec ses alliés traditionnels de l'Est (Pologne, Roumanie, Serbie, Bulgarie), un contrepoids aux relations privilégiées de Bonn avec l'Autriche, la Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie. Quant à la souveraineté, la général pourrait-il contredire l'analyse du document de la CDU-CSU: » La capacité d'assurer sa sécurité, la capacité de se défendre est la condition et l'essence même de la souveraineté des Etats. C'est également vrai pour l'Union européenne en tant que Communauté d'Etats: ceux-ci ne pouvant plus assurer leur sécurité que par le biais de la Co

mmunauté ?

L'Allemagne met plus en cause sa souveraineté que celle de la France, dans un projet qui exprime l'obsession du chancelier Kohl depuis toujours. Il pense que l'Union européenne doit être assez solide pour que nul ne puisse la remettre en cause quand auront disparu du pouvoir les générations qui ont vécu le nazisme et la guerre. Les quatre ans qui séparent des élections législatives de 1998 constituent l'ultime délai pour réussir une telle entreprise. D'où un aveu clair: "plus que jamais la relation avec la France constitue pour l'Allemagne un indicateur de son appartenance profonde à la culture politique de l'Ouest, en opposition à la tendance qui gagne du terrain, surtout dans les milieux intellectuels, favorable à un Sonderweg, une voie particulière allemande. Le ton se fait presque pathétique quand le projet du parti de Kohl proclame » qu'il faut veiller à ce qu'il n'y ait jamais plus de vide au centre de l'Europe pour que l'Allemagne ne soit plus tentée d'établir seule cette sécurité » par les moyens

traditionnels . D'où l'urgence d'un élargissement de l'Union, qui exige son renforcement que permettra seul le moteur franco-allemand.

L'élargissement des pouvoirs du Parlement

L'objectif étant ainsi défini clairement, les moyens indispensables pour l'atteindre sont exposés avec beaucoup d'audace. Dans ce domaine, l'Allemagne lance des idées en attendant que la France les examine, les modifie et les complète. Deux points sont fondamentaux pour Paris, sur lesquels Bonn fait une avancée très importante en direction de nos positions traditionnelles. La proclamation que » l'OTAN doit être transformée en alliance au sein de laquelle les Etats-Unis et le Canada, d'un côté, et l'Europe entité capable d'agir, de l'autre, revêtent un poids égal et la demande que l'article J 4 du traité de Maastricht soit révisé dans ce sens en 1996 devraient réjouir tous nos compatriotes, et d'abord les gaullistes, même archéo. Réclamer par ailleurs » une Communauté qui soit davantage qu'une zone de libre-échange par le rapprochement des Etats du Sud-Ouest menés par la France, qui sont plus interventionnistes, et de ceux du NordEst conduits par l'Allemagne, plus libre-échangistes, est un pas aussi grand

en direction de notre pays.

Le chancelier Kohl aura encore quelque chemin à parcourir pour mesurer pleinement le mécanisme infernal qui conduit actuellement l'Union à glisser inéluctablement vers un intégrisme libéral, défendu par les Anglais depuis 1957. Ceux-ci se tinrent d'abord en dehors de la CEE, dont ils approuvaient la suppression des douanes intérieures et des autres interventions des Etats membres restreignant la concurrence entre eux, mais refusaient que ces derniers transposent au niveau communautaire les moyens développés par eux pour régulariser la conjoncture, sécuriser les citoyens, stimuler les innovations. Après avoir groupé autour d'elle les autres opposants dans l'AELE, la Grande-Bretagne jugea plus efficace de s'intégrer avec eux dans la Communauté quand elle découvrit que l'impuissance des pratiques de Bruxelles empêche d'utiliser efficacement ces moyens, sinon très partiellement et très lentement. Désormais, il suffit donc d'un veto britannique à toute réforme sérieuse des institutions de l'Union, ou à la nominat

ion d'un dirigeant dynamique à sa tête, pour entraîner une désagrégation invisible et régulière de ce qu'on appelle » économie sociale de marché à Bonn, » Welfare State à Londres et » néocolbertisme à Paris.

Il faudra du temps à l'Allemagne et à la France pour tomber pleinement d'accord sur ce terrain essentiel et difficile. Mais les divergences sont déjà suffisamment atténuées pour régler la plupart des problèmes pratiques. L'entente sera plus facile sur les réformes institutionnelles indispensables à l'élargissement. Dans ce domaine, l'esprit de synthèse français et l'empirisme efficace des Allemands permettraient d'aboutir rapidement à une transformation profonde du schéma de l'Union. Parmi les réflexions des députés CDU-CSU, une seule se heurte en effet à l'opposition constante des gouvernants français : l'élargissement des pouvoirs du Parlement européen, qui devrait être l'égal du Conseil de l'Union agissant en tant que législateur, toutes les décisions requérant l'accord de l'un et de l'autre. Cependant, une telle évolution est si conforme à la nature des choses qu'elle s'imposera nécessairement. Paris et Bonn finiront bien par s'entendre sur son étendue et son rythme.

(1) 'Europe des hommes, une metamorphose inachevée', pages 78-86, 1994, Odile Jacob (Paris), Rizzoli (Milan), Alianza (Madrid), Asa (Lisbonne).

 
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