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Canivez Patrice, Le Messager Européen - 1 novembre 1994
EN QUOI LE NATIONALISME FAIT PROBLEME

par Patrice CANIVEZ (*)

SOMMAIRE: Alors que les media, la plupart des hommes politiques et des intellectuels condamne le nationalisme, les mêmes font cependant presque toujours l'économie de deux questions: »Qu'entendons-nous exactement par nationalisme ? et »Pour quelles raisons le condamnons-nous ? . Deux questions qui l'amènent à chercher à définir le concept de nation. La nation qui peut être identifiée "en tant que communauté", "communauté de culture". Mais "les cultures correspondent à des interprétations différentes de la dignité, de la liberté, de la justice, etc." et "C'est cette communauté de valeurs qui fait la cohésion et l'unité de la nation." Et de conclure "la nation comme communauté éthique est le lieu où peut s'incarner la démocratie." (Le Messager européen, n·8, novembre 1994, Gallimard, pp. 209-236)

La montée des nationalismes est l'un des phénomènes importants de ces dernières années. Au sein de l'Union européenne, les thèmes nationalistes nourrissent la résistance au progrès de l'intégration politique, et parfois des violences physiques ou verbales à l'encontre des étrangers. Dans l'»autre Europe , depuis la chute du mur de Berlin, la montée des nationalismes apparaît comme un facteur essentiel de confrontation. La condamnation du nationalisme va donc de soi, à tel point qu'elle nous dispense la plupart du temps de poser deux questions »Qu'entendons-nous exactement par nationalisme ? et »Pour quelles raisons le condamnons-nous ? Or, il ne s'agit pas de questions superflues, car la condamnation n'aura pas les mêmes effets politiques suivant qu'on utilise le mot de manière analytique ou syncrétique, pour distinguer ou pour confondre. La guerre dans les Balkans en fournit un exemple. La politique occidentale s'y est essentiellement appuyée sur la conception qu'Ernest Gellner appelle, dans sa recension

des théories fausses du nationalisme, la »théorie des dieux obscurs : »Le nationalisme est la réémergence des forces ataviques du sang et du territoire (1).

Les Balkans sont apparus comme une mêlée confuse de nationalismes également fauteurs de guerre, sortis de la marmite où les contenait la chape de plomb du communisme. D'où le refus de distinguer la violence de l'agression et celle de la défense; d'où la condamnation de l'esprit de résistance et l'obligation faite aux victimes de négocier aux conditions de l'agresseur. D'où une politique d'»arbitrage qui, au moins jusqu'à la fin de 1993, a consisté pour l'essentiel à compter les coups. De ce fait, la condamnation du nationalisme s'est retournée en son contraire, en fournissant des arguments à une politique d'»impartialité qui, en définitive, a fait le jeu du plus violent des nationalismes en présence. Il est donc décisif de chercher, non seulement à cerner le phénomène nationaliste, mais surtout à s'entendre sur le problème qu'il pose sur le plan pratique (moral et politique). Or, ce problème est également celui de la nation. Peut-on parler de nationalisme dès lors qu'une référence est faite à la nation ? D

ans ce cas, le fait national s'oppose-t-il au progrès de la démocratie ? Ou, à l'inverse, celle-ci doit-elle nécessairement s'incarner dans une communauté nationale ? Peut-on concevoir une citoyenneté post-nationale, notamment dans I*adre de l'Europe ? De la réponse à ces questions dépend des choix politiques dont les effets ne sont pas indifférents.

Il semble impossible de donner une définition objective de la nation. La nation n'est pas une donnée naturelle, comme l'Histoire suffit à le montrer; elle n'est pas une communauté de race. Elle est sans aucun doute une communauté de culture, mais il est périlleux de préciser cette définition à l'aide d'un caractère culturel déterminé: la nation n'est pas une communauté de langue ou de religion, comme l'atteste la multiplicité des croyances et des langues dans nombre de nations conteinporaines. Il est tout aussi difficile de la définir par le partage d'une Histoire et d'une mémoire communes, car cette définition suppose résolue la question de savoir qui fait partie de la nation. La Belgique, si elle était restée française après la chute de Napoléon, serait incluse dans ce destin commun. Nice et la Savoie, si elles n'avaient été (tardivement) acquises sous Napoléon III, en seraient exclues. Ainsi, le partage de la mémoire est déterminé par un découpage territorial donné.

D'un autre côté, la définition élective de la nation n'est pas davantage satisfaisante. Peut-on dire que la nation est un »plébiscite de tous les jours , comme le veut la formule de Renan ? Elle l'est sans doute pour ceux qui ont choisi d'entrer dans la communauté nationale, comme c'est le cas des immigrés ou des réfugiés politiques. Mais, de l'aveu même de son auteur, la formule de Renan est une métaphore. La nation est un »plébiscite de tous les jours , tout »comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de vie (2) . Faut-il prendre la métaphore à la lettre, considérer que l'individu »choisit de vivre tous les jours sous prétexte qu'il ne se suicide pas, et confondre l'inertie par laquelle se perpétuent les sociétés avec le résultat d'une décision collective ?

Pourtant, on ne peut renoncer à donner une définition de la nation, sans se condamner à faire un usage flou et approximatif du concept de nationalisme. Par ailleurs, tous les auteurs s'accordent sur l'importance de la conscience collective dans l'existence même de la nation, que cette conscience collective soit conçue comme un principe spirituel ou une conscience morale, comme une communauté imaginée (mais aussi imaginaire), comme l'appartenance consciente à une même culture ou comme partage de convictions éthiques communes, etc. On peut donc poser que la nation est une communauté historique qui a conscience de sa propre existence, quitte à nuancer cette proposition. La nation est ainsi, à la fois, une Gemeinschaft et une Gesellschaft. Elle est une société particulière, en tant qu'elle repose sur une certaine organisation du travail social. En tant que société, cependant, elle s'intègre (ou se dissout) dans une société internationale (mondiale). C'est donc en tant que communauté qu'elle peut être identifiée.

La nation, en ce sens, est une communauté de culture. Les modèles fonctionnalistes ont lié cet aspect à l'évolution des sociétés industrielles, en insistant sur les aspects forinels et fonctionnels relatifs à la communication. L'homogénéité culturelle des nations modernes est liée à la rationalisation du travail social, à la mobilité professionnelle et à la mobilisation sociale au sens de K. Deutsch. Elle tient à l'extension et à la densification des communications, à la nécessité pour l'individu de maîtriser un code élaboré pour changer d'activité professionnelle et s'adapter au nouveau paradigme du travail, où la transformation de la matière à l'aide d'outils fait place à la manipulation des machines et des hommes par l'intermédiaire de signes et d'énoncés. D'où la nécessité d'une éducation générale de haut niveau et commune à tous les membres de la société, nécessité qui entraîne l'homogénéisation culturelle de la société par l'intermédiaire d'un système éducatif contrôlé par l'État.

Cette analyse, qui est celle d'E. Gellner, insiste sur la fonction sociale de la culture. D'où l'accent mis sur l'unification linguistique et la communication. Mais la nation est aussi une communauté éthique. On peut dire communauté de valeurs, au sens où la valeur est un principe éthique qui fait l'objet d'un attachement subjectif, affectif, précisément parce qu'elle cristallise l'existence. et l'unité de la communauté. La nation est ainsi une communauté de valeurs incarnées dans des comportements, des coutumes et des institutions, exprimées dans des convictions religieuses ou morales, dans une vision du monde, mises en scène dans des événements fondateurs et symbolisées par l'action des »grands hommes . D'une certaine manière, ces valeurs traduisent une conception du bien et du mal (ou du bon et du mauvais, du correct et de l'incorrect, etc.) plus ou moins cohérente, toujours équivoque et polysémique, qui se différencie en fonction des circonstances de l'expérience sociale et privée. Dans le contexte des r

apports familiaux, d'amitié, de travail, de participation au pouvoir ou à la guerre, cette conception donne lieu à des pratiques et à des conceptions du rapport entre les générations, de la fidélité, de la solidarité, de la justice et de l'égalité, de l'honnêteté, de l'honneur, de la manière de punir et de se venger, etc. Ainsi, la communauté n'est pas seulement une communauté de communication, comme communauté éthique, elle est aussi une communauté de discours. Ce discours peut être une reconstruction de l'anthropologue qui étudie la manière dont un groupe met en pratique certains principes et les exprime, sur le plan symbolique, sans nécessairement les thématiser. Il peut être au contraire explicité dans le cadre des oeuvres artistiques, religieuses, scientifiques ou philosophiques d'une culture lettrée (élaborée par l'intermédiaire de l'écriture). De ce point de vue, les cultures correspondent à des interprétations différentes de la dignité, de la liberté, de la justice, etc.; des interprétations différen

tes, c'est-à-dire divergentes ou convergentes, complémentaires ou contradictoires, et des interprétations susceptibles d'évolution et de transformation.

C'est cette communauté de valeurs qui fait la cohésion et l'unité de la nation. Celle-ci suppose donc une certaine homogénéisation culturelle, mais l'homogénéité peut s'entendre en deux sens. D'une part, elle peut faire prévaloir les traits communs, notamment linguistiques, sur les différences culturelles et sociales qui structurent intérieurement le groupe. L'homogénéisation, en ce sens, correspond à un processus d'unification qui subordonne et atténue, sans pour autant les détruire, les différences entre subcultures régionales, sociales, religieuses, sans oublier les différences entre générations, qui montrent que l'unité du langage commun est toujours à refaire. D'autre part, l'homogénéisation peut s'entendre comme réduction des différences et vise alors à la » pureté culturelle. Que la nation suppose l'homogénéisation au premier sens, cela peut être considéré comme acquis. Mais l'observation montre aussi qu'aucune nation n'est homogène au second sens du terme. Même si les différences culturelles, notam

ment religieuses, sont amenées à »composer en se subordonnant à des références communes transmises par le système éducatif, elles n'en sont pas moins présentes. Par ailleurs, la stratification sociale, de même que les divergences politiques, se traduit par une différenciation culturelle interne à la culture nationale. Le fait national correspond donc à un processus d'homogénéisation qui est sujet à des variations entre le plus et le moins. En témoigne la diversité interne à ce système éducatif qui est l'un des principaux agents de l'homogénéisation culturelle. Toutes les cultures nationales sont intérieurement différenciées, même si certaines le sont plus ou moins que d'autres. C'est justement le rêve du nationalisme que de vouloir revenir à l'homogénéité culturelle au second sens du terme, à l'indifférenciation, à cette culture »pure des origines - qui n'a jamais existé et qui est donc une construction.

Le terme de communauté ne doit donc pas prêter à confusion. Une communauté n'est pas nécessairement holistique Ou fusionnelle. Elle peut être intérieurement diversifiée, voire divisée. Il n'empêche qu'elle doit avoir une certaine unité et même, à ses propres yeux, une identité. Mais il ne faut pas confondre l'identité de cette collectivité en tant que telle, qui s'exprime en distinction et en opposition aux autres nations, et celle des membres de la nation. L'identité de l'ensemble n'implique pas nécessairement l'identification les uns aux autres des membres du groupe - comme cela se passe dans les groupes » fusionnels . Il en résulte que la nation peut être une communauté politique en un sens décisif de ce terme: elle est composée d'individus et de groupes entre lesquels existent (subsistent) un certain nombre de conflits de valeurs et d'intérêts mais qui, dans le cadre du monopole étatique de la violence, règlent leurs rapports et leurs différends par la discussion. Cette discussion ne vise pas seulement

à concilier des intérêts antagonistes; elle porte sur des interprétations différentes d'une même tradition éthique, sociale, juridico-politique, d'où découlent des politiques divergentes quant à leurs orientations fondamentales. Le politique est donc lié à une différenciation interne à la communauté, à une différenciation culturelle qui n'est pas le privilège des États multinationaux, même si elle est plus accusée dans de tels États. Dans l'État-nation, l'existence même de la discussion et du débat sur les valeurs nationales (la laïcité, par exemple) révèle cette différenciation et le caractère syncrétique de la culture nationale : celle-ci agrège des apports d'origines différentes. En un mot, la nation est l'une des possibles structures d'accueil du politique, ou encore de la démocratie au sens d'une méthode de gouvernement où les décisions sont soumises à une discussion publique, et où cette discussion est en principe ouverte à tous.

La nation n'est pas seulement une communauté éthique, elle est aussi une communauté historique qui a conscience de sa propre existence. On peut parler de civilisation d'un point de vue objectif, quand bien même les membres de cette civilisation n'auraient aucune conscience d'appartenir à un même groupe humain. L'appartenance à cette civilisation relève alors de caractéristiques observables : mêmes rituels religieux, utilisation des mêmes outils, des mêmes motifs décoratifs dans l'artisanat, etc. Mais la nation n'est pas une donnée, ni naturelle ni culturelle.

Elle résulte d'une construction historique. En même temps, la nation n'existe pas (elle ne joue aucun rôle politique et historique) si ses membres n'ont pas conscience d'une commune identité - et d'une identité assez forte, suffisamment présente à l'imagination pour réunir une multitude d'anonymes qui ne se rencontreront jamais. Il en résulte que l'existence de la nation est l'existence d'une idée qui lui donne une certaine personnalité historique, une permanence dans le temps. La nation fait ainsi l'objet d'une double représentation, à la fois politique et religieuse. La distinction entre souverainetés nationale et populaire attribue la souveraineté à la nation comme entité historique, et non aux individus qui composent le peuple. La volonté nationale se distingue ainsi de la volonté générale (au sens de Rousseau), même si l'expression de la volonté nationale peut être confiée, dans certains cas, à l'ensemble des citoyens associés en un corps électoral. Par ailleurs, la nation fait l'objet d'un culte - celu

i que la communauté se voue à elle-même - avec ses monuments, ses lieux symboliques et ses rituels. Le sentiment national relie l'individu à une origine immémoriale et le fait participer d'une personnalité quasi éternelle, ou tout au moins qui lui survivra. Il est une sorte de foi immanente, une conversion du sentiment religieux qui hérite de sa capacité de sacrifice et de son fanatisme potentiel.

Il importe peu, finalement, que cette continuité historique existe en fait ou qu'elle implique une construction rétrospective. Le premier cas correspond plutôt aux nations qui ont été formées par l'État, comme la France ; le second à celles qui, s'étant émancipées d'une métropole coloniale ou d'une capitale impériale, produisent leurs lettres de noblesse en faisant état de leur ancienneté. En réalité, l'existence historique de la nation ne tient pas tant à la permanence de tel ou tel trait culturel qu'à l'apparition et à la durée du sentiment national. Or, le sentiment national se forme dans des conflits où le problème de l'État intervient toujours, d'une manière ou d'une autre. C'est le cas de la nation formée par l'État lui-même, de la nation unifiée à partir d'une multiplicité d'États (unifications allemande et italienne) ou formée dans le cadre de l'État colonial et contre cet État (nations nord- et sud-américaines, puis asiatiques et africaines) ; c'est enfin le cas des nations qui se sont affirmées au

sein des empires multinationaux (Autriche-Hongrie, Empire ottoman), puis affranchies après le démembrement de ces États. De ce fait, la nation présente une double face, communautaire et politique. Elle est à la fois conscience collective et revendication de souveraineté, voire d'indépendance (la souveraineté peut être une souveraineté partagée, comme en témoigne un certain type de fédération).

Ce trait est décisif pour saisir l'ambivalence de la référence à la nation, tout comme est décisif le contexte de conflits, réels ou potentiels, dans lequel s'élabore la conscience nationale que ces conflits opposent des États-nations ou des nationalités au sein de l'État multinational. De là découle un trait attribué par Éric Weil à l'État en tant que tel (3), mais qui caractérise sans doute la nation en tant qu'entité politique d'une manière générale (État-nation ou parti nationaliste préfigurant un futur État). Compte tenu de l'enjeu que constitue sa survie sur les plans matériel (défense de la population et/ou du territoire) et symbolique (défense de l'identité), la nation exige une certaine loyauté de la part de l'individu. Cette exigence de loyauté (le transfert à la nation de la fidélité due au suzerain, ou au souverain) est d'autant plus forte que les conflits dans lesquels la nation est impliquée sont plus vifs. En cas de guerre entre États-nations, elle est inconditionnelle et implique la censure d

es opinions, le sacrifice de l'existence familiale ou de la vie, etc. Lorsque les conflits prennent la forme d'une rivalité (économique, culturelle, etc.), ou lorsqu'ils sont seulement latents, l'exigence de loyauté se relâche. L'adhésion de l'individu à sa nation peut ainsi prendre la forme minimale de la »réserve , notamment lorsqu'il s'agit d'éviter de nuire à son image. Mais, d'une manière générale, la nation en tant qu'entité politique exerce une contrainte à l'égard de l'individu, que cette contrainte soit physique ou morale, perçue en tant que telle ou non. La façon dont la nation définit son identité est liée à ces conflits (militaires, diplomatiques, économiques, culturels) dans lesquels se forme (ou s'est formée) la conscience présente qu'elle a d'elle-même. Dans ce contexte, qui inclut le souvenir de conflits passés, les »interprètes de la conscience collective (politiciens, hommes de lettres) définissent cette identité en sélectionnant certaines données parmi la race, la religion, la langue, la

tradition culturelle, juridique et politique. Cette sélection est donc particulière à chaque nation, les unes insistant davantage sur la langue, les autres sur la religion, etc. La même logique vaut pour la définition du concept même de nation, élaborée dans un contexte de conflits qui donne lieu à des définitions nationales, voire nationalistes de cette notion générale. Ainsi, l'idée d'une »nation-contrat est développée, en France, à la suite de la perte de l'Alsace-Lorraine. Elle prend place dans un argumentaire qui, en réaction à l'annexion de ces provinces par l'Allemagne, veut montrer la nécessité de consulter les populations avant toute modification de frontières. C'est une définition qui veut contrer le droit du vainqueur en lui opposant celui des peuples à disposer d'eux-mêmes. La »nationculture apparaît dans une Allemagne éclatée et dominée par la France. Elle est une manière d'opposer la profondeur de l'esprit à la domination politique et militaire, ainsi que l'authenticité d'une culture singuliè

re à l'universalisme »abstrait des Français. Après la victoire allemande de 1870, cette conception »culturelle de la nation servira de justification à l'annexion de provinces considérées comme »germaniques .

Le nationalisme

Peut-on parler de nationalisme dès lors qu'une politique se fonde sur la référence à la nation, sur la nécessité de préserver son existence et son identité ? Dans ce cas, tous les États sont nationalistes, à commencer par la France lorsqu'elle cherche à préserver son »identité culturelle par des lois sur la langue, par des mesures de protection contre l'»hégémonie culturelle américaine , etc. Une conséquence du même type découle de la définition d'Ernest Gellner, qui fait du nationalisme un principe de congruence entre unité politique et unité culturelle (4). Dans cette perspective, le nationalisme est au principe de tous les États modernes sans exception, parce que les États modernes ont pour fonction de garantir l'homogénéité culturelle induite par la rationalisation de leurs sociétés respectives. Toutefois, le danger nationaliste, dans la théorie de Gellner, tient moins à l'existence d'États-nations qu'à celle de mouvements politiques visant à la création de nouveaux États, ou encore à la modification de

s frontières existantes pour réaliser la congruence du culturel et du politique. Dans ce cas, le danger vient de la violence qui s'attache presque inévitablement à l'entreprise, en raison des conflits sur le tracé des frontières et de la menace d'un déplacement de populations.

A ces cas où la nation cherche à se doter d'un État, on peut ajouter le modèle symétrique de la nation formée progressivement à l'intérieur de l'État, puis par l'État lui-même, comme la France en fournit l'exemple le plus net. Le nationalisme apparaît dès lors comme une politique de l'État lui-même, comme on le voit dans le cadre du »nationalisme officiel (au sens de Benedict Anderson) pratiqué par les métropoles coloniales. L'unification culturelle s'étend aux colonies, et la congruence du politique et du culturel tend à s'effectuer au niveau de l'empire. Le processus est atteint par les contradictions internes analysées par Anderson (5), et il semble de toute façon daté. On peut néanmoins parler d'un nationalisme officiel d'un autre type, lorsque la congruence du politique et du culturel s'étend à l'échelle d'une zone d'influence qui vaut à la fois comme espace de prépondérance politique, économique, diplomatique, et comme espace d'influence culturelle (prépondérance de la langue et des produits culturels

liés à cette langue, tels que les livres et les journaux, les films ou la musique).

La différence entre les deux types de nationalisme correspond sans doute au rôle inégal que jouent, dans la définition de la culture nationale, la tradition poétique, musicale et littéraire, populaire ou savante, et la tradition politico-juridique. La nation qui aspire à l'État fait davantage fond sur l'identité culturelle au sens des oeuvres de l'esprit; la nation formée par l'État tire aussi fierté de son organisation politique. D'où la possibilité, non seulement d'un patriotisme, mais aussi d'un nationalisme constitutionnel, quand la culture qui sert de référence à la revendication identitaire est imprégnée des modèles politiques hérités de l'histoire nationale, donc de l'État dans lequel s'est formée la nation.

C'est le cas, par exemple, du nationalisme jacobin et du centralisme hérité de l'absolutisme. La nation se constitue alors comme modèle universel et s'impose dans le cadre de l'homogénéisation culturelle à l'intérieur même de l'État (6), dans celui d'une hégémonie culturelle et politique à l'extérieur. Or, ce modèle constitutionnel peut bien se fonder, le cas échéant, sur des principes éthiques et juridiques universels; il traduit aussi l'organisation sociopolitique et les expériences historiques propres à la nation. Il infléchit donc la formulation et l'interprétation des principes dans le sens des particularités nationales. L'attachement sentimental à la république, par exemple, dans l'usage français du terme qui renvoie aussi bien à la république (comme régime) qu'à la République française (comme nation), comporte ainsi une part de croyance (une adhésion non critique) à l'universalité du modèle, d'où s'ensuit une difficulté (parfois considérable) à saisir les problèmes et les expériences faites par d'autr

es communautés politiques. Pour saisir la question des minorités dans les États d'Europe centrale, par exemple, il faut faire abstraction du modèle français à l'intérieur duquel il n'existe pas, par principe, de minorités - principe qui entraîne un modèle de cohésion nationale reposant sur l'assimilation des individus, en excluant l'intégration des groupes ou des sous-cultures en tant que tels. L'incompréhension entre les nations d'Europe occidentale, d'une part, centrale et orientale, d'autre part, met sans doute en lumière la spécificité de leurs nationalismes réciproques. La condamnation des nationalismes de l'Est par les démocraties de l'Ouest correspond ainsi, en partie, à la réprobation d'un nationalisme par un autre - en partie, car les différences de développement démocratique n'en subsistent pas moins.

Par ailleurs, l'interprétation sociologique du nationalisme, si exacte qu'elle puisse être, n'épuise pas la signification du phénomène. Analysant les exemples du nationalisme aspirant à l'État, Isaiah Berlin y voit une exigence de reconnaissance dont la signification est à la fois politique et anthropologique. La revendication nationale est résistance à l'oppression, revendication d'indépendance qui s'enracine dans une blessure collective, une expérience d'humiliation : »être l'objet du mépris ou de la tolérance paternaliste de voisins orgueilleux est une des expériences les plus traumatisantes que puissent subir des individu ou des sociétés (7). Si l'on réfléchit à partir des indications d'Isaiah Berlin, il apparaît que cette remarque est vérifiée par de nombreux exemples: l'éveil de la conscience nord-américaine en réponse à l'arrogante intransigeance du Parlement britannique, celui des sentiments nationaux allemand ou espagnol consécutif aux invasions françaises au début du Ixe siècle, le nationalisme fr

ançais de la fin du XIXe en réaction à la défaite de 1870 et à l'impérialisme allemand, les mouvements nationaux apparus dans les colonies européennes au XXe, etc. L'observation est également vérifiée, paradoxalement, par les nationalismes co nquérants à vocation hégémonique, qui justifient leurs entreprises par les menaces et les humiliations - fictives - dont la nation est »victime . Cette rhétorique de la »victimisation ne permet pas seulement au nationalisme conquérant de se trouver des alliés à l'étranger; elle permet d'abord de mobiliser, à l'intérieur, des populations dont la dignité sociale (le niveau de vie, la possibilité de mener une existence à leurs yeux décente, etc.) est menacée par une crise économique et/ou par la montée en puissance d'autres groupes sociaux. Le nationalisme conquérant, cependant, se développe dans l'État et grâce à cet État. Pour ce qui est du nationalisme qui »aspire à l'État , l'exigence d'indépendance traduit la volonté de se libérer d'un pouvoir étranger, mais aussi de

voir reconnaître à la communauté la dignité qu'elle possède à ses propres yeux. Cela veut dire aussi qu'il s'agit, pour cette communauté, d'être reconnue comme apte à parler et agir en son nom propre, sur une scène politique mondiale où les acteurs politiques ne sont pas des individus en tant que tels, mais des États. Ce qui est en question, c'est donc à la fois la liberté de la nation à l'égard de la tutelle étrangère (ou d'une autre communauté à l'intérieur de l'État multinational) et la reconnaissance de sa dignité d'acteur politique, de son droit à prendre la parole dans l'espace public inter-national. La valorisation de la culture nationale est un autre vecteur de cette revendication de dignité, d'où un » nationalisme culturel qui correspond pour partie à l'impératif de l'homogénéisation sociale (de l'homogénéisation fonctionnelle au sens de Gellner), et pour partie à la nécessité politique de faire l'unité de la nation autour de ses traditions propres (ou tenues pour telles). Mais il correspond auss

i au désir de faire reconnaître à cette culture, précisément, la dignité d'une culture. Il traduit, pour revenir aux termes mêmes d'Isaiah Berlin, le sentiment de »ceux qui se sentent peu considérés et qui veulent compter parmi les cultures (8) .

Dans ces conditions, le nationalisme se présente comme un phénomène essentiellement polysémique et ambivalent, qui se cristallise autour d'un double problème, celui du pouvoir et celui de l'identité. Le problème du pouvoir pose la question de la souveraineté et de la constitution de l'État, l'enjeu étant de savoir si la communauté est soumise ou non à la domination d'une autre. Cette interprétation »politique n'exclut pas les explications sociologiques concernant le rôle du nationalisme en matière de rationalisation sociale. Mais ces explications mêmes aboutissent à mettre en évidence la question centrale de l'État dans ses rapports avec la société civile (mono ou multinationale). L'État, au terme des analyses d'Ernest Gellner, n'est plus seulement l'instrument du maintien de l'ordre dans la société de la régulation technico-administrative des activités. Du point de vue même de la théorie sociologique, il devient le protecteur d'une culture à laquelle il offre un »toit politique (9). A leur manière, les na

tionalistes ne disent pas autre chose.

Quant au problème de l'identité, il pose la question de la reconnaissance et de la dignité, même s'il se prête, le cas échéant, à toutes sortes de manipulations politiques. Il s'agit toutefois du même problème, vu sous un autre aspect. En certains cas, d'ailleurs, les aspects culturels et politiques se conjuguent dans un cas de figure singulier, quand le nationalisme oppose les particularités nationales à une domination étrangère éprouvée comme le véhicule d'un universel abstrait, artificiel et sans âme. L'éloge de l'esprit »allemand , par opposition à l'universalisme artificiel des Lumières, en fournit un exemple canonique. Mais on pourrait en trouver d'autres dans le ressentiment à l'égard de l'impérialisme américain, ou occidental, qui est le véhicule de l'universel de la technique. De ce point de vue, le sentiment national est l'une des formes possibles de l'exigence de sens, lorsque l'universel de la technique prend la figure d'une domination à la fois politique, économique, technologique et culturelle

(l'anglais comme langue de la technique, l'omniprésence des produits culturels américains, etc.). A l'échelle d'une communauté, il correspond au désir individuel d'être reconnu comme sujet autonome (au sens philosophique du terme), donc à une réaction contre la »dépersonnalisation .

Cette ambivalence et cette polysémie du nationalisme imposent de savoir ce que l'on vise exactement lorsqu'on le condamne. A cette question, on ne peut faire qu'une seule réponse dépourvue d'ambiguïté: le nationalisme appelle condamnation comme principe de violence. Or, le nationalisme est principe de violence sous trois modalités. La première modalité est le retour à l'homogénéité indifférenciée, à la »pureté représentée comme origine, donc à l'homogénéité entendue au second sens évoqué plus haut. Sous cet aspect, le nationalisme traduit le désir, ou la tentative, de revenir à une forme prépolitique de la communauté (de la nation). Dans une communauté homogène en ce sens précis du terme, la discussion n'a littéralement plus lieu d'être. Il n'y a plus à discuter les interprétations différentes et contradictoires d'une même tradition, puisque l'homogénéité absolue du corps social doit assurer la victoire d'un mythe national susceptible d'être décliné suivant diverses variantes, mais non d'être discuté au sen

s propre du terme. La violence induite par cette tentative tient à l'idée même de purification, qu'il s'agisse de purifier la nation elle-même de ses éléments supposés antinationaux (les juifs, les Arabes, etc.), ou du »nettoyage ethnique qui vise la purification du territoire par l'expulsion, ou l'extermination, des autres communautés qui s'y trouvent.

La seconde modalité est la loyauté inconditionnelle à l'égard de la nation. Cette loyauté exclut dès lors toutes les autres fidélités, notamment celles qui comportent une référence à l'universel (culture humaniste transnationale, droits de l'homme, morale du respect inconditionnel de la personne, etc.), dénoncées, le cas échéant, comme »cosmopolitisme . D'où le sacrifice de la liberté individuelle, la primauté absolue de l'intérêt national (10), la subordination de toute réflexion aux mythes nationaux et l'assignation d'identité: il y a une spécificité, voire un déterminisme national; l'individu doit assumer ce déterminisme et se comporter en conformité avec lui. Qui est français doit se comporter en tant que tel. Enfin, la troisième modalité est l'hégémonie, la subordination violente d'autres communautés, notamment sous la forme de la conquête de territoires.

Le nationalisme comme principe de violence appelle une condamnation inconditionnelle. Sorti de ce critère, le jugement politique suppose une analyse de chaque cas particulier, in concreto, car la condamnation des mouvements nationaux peut valoir condamnation de l'esprit de résistance, du désir de liberté ou de l'aspiration à se voir reconnaître une dignité. C'est donner un renfort inattendu, on l'a vu, à ceux qui pratiquent l'agression ou la destruction de la dignité humaine, c'est-à-dire au nationalisme dans sa forme la plus violente.

Or, sorti du critère de la violence, le nationalisme est condamné pour des raisons politiques, au nom d'une théorie de l'Histoire et d'une théorie de la démocratie. D'un côté, le nationalisme contredit le mouvement historique de la constitution de grands ensembles politiques, telle l'Union européenne. De l'autre, le nationalisme s'oppose au principe même de la démocratie. Cette double critique est justifiée, encore faut-il se mettre d'accord sur son interprétation.

En premier lieu, donc, le nationalisme fait obstacle à la construction d'ensembles politiques internationaux, telle l'Europe. L'État-nation manifeste une résistance à une telle construction, tandis que les mouvements nationaux indépendantistes ou sécessionnistes paraissent manifester une tendance à la déstructuration politique. L'horizon du nationalisme, c'est le vertige de la dissémination et de l'atomisation. Une réprobation du même ordre peut être exprimée par l'impossibilité de satisfaire toutes les revendications nationales. Il est impossible que tous les nationalismes potentiels parviennent à leur fin en dotant leur communauté d'un État. Un tel processus conduirait à la multiplication d'entités politiques enviables. Or, l'espace politique mondial est déjà saturé d'États. La possibilité de satisfaire les revendications nationales a donc atteint sa limite, qui marque ainsi la limite du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La logique de l'argument est forte, mais elle est de portée limitée dans la ré

alité. D'après le modèle sociologique de Gellner, la formation d'un mouvement indépendantiste obéit à des conditions sociales déterminées. Dans une société industrialisée, il y a peu de chances de voir une tendance à la sécession se développer chez une population qui ne serait pas victime d'une résistance à l'entropie sociale en fonction de caractéristiques culturelles. En d'autres termes, quel que soit le talent des idéologues du nationalisme, leur capacité à mobiliser les masses dépend du degré d'insatisfaction sociale de ces masses. La cohésion culturelle (l'existence d'une communauté identifiée comme telle) ne suffit donc pas à déclencher un mouvement indépendantiste. A ce catalyseur social, il faut sans doute ajouter des facteurs proprement politiques, qui ne se réduisent pas au désir de se libérer d'une oppression (réelle ou fictive). Si l'on prend l'exemple des mouvements nationaux dans l'ex-Union soviétique, en Europe centrale et méridionale, la plupart d'entre eux ont exigé l'indépendance d'une enti

té politiquement définie (les républiques soviétiques ou yougoslaves, lesquelles avaient leur parlement, leur gouvernement et même leur président). D'une manière générale, on peut raisonnablement formuler l'hypothèse que le nationalisme a plus de chances de se développer dans une communauté où subsiste le souvenir d'une ancienne indépendance, ou qui dans le passé a possédé l'une ou l'autre des institutions qui, toutes ensemble, caractérisent l'État moderne (je pense en particulier à l'existence de parlements provinciaux ou régionaux). Le risque de déstructuration est donc moins grand qu'il n'y paraît, si l'on prend en compte la convergence de facteurs culturels, sociaux et politiques, qui rend possible le succès d'un mouvement national (sa capacité de mobilisation). Par ailleurs, si l'on en reste à l'exemple européen, on trouverait difficilement un nationalisme qui, loin de viser à la parcellisation de l'espace politique, n'en cherche explicitement la recomposition, la restructuration sous une autre forme. L

e cas yougoslave est le plus net, car l'option indépendantiste, après l'échec du débat sur la forme (fédérale ou confédérale) à donner à la Yougoslavie, était clairement associée par les Slovènes et les Croates à l'idée de rejoindre l'Europe. Des remarques du même type pourraient être faites au sujet de la recomposition de l'espace soviétique au sein de la Communauté des États indépendants, ou encore au sujet des États d'Europe centrale, dont le voeu était de quitter l'orbite russe pour adhérer d'une manière ou d'une autre à l'Europe. Dans ces pays, le » réveil de la nation, conséquence de la chute du communisme, s'est ainsi conjugué au thème du »retour à l'Europe , comme l'écrivait Jacques Rupnik en 1991 (11). Le vertige de la dissémination et de la déstructuration n'est donc guère fondé. En un sens, le nationalisme contemporain est un nationalisme »mutant , qui a intégré les perspectives et les effets possibles de la structuration de l'espace politique en ensembles internationaux. Cela vaut tout autant d

es mouvements nationalistes internes aux États-nations européens (par exemple en Espagne, en Grande-Bretagne ou même en France) qui voient dans l'Europe la possibilité de maintenir un certain niveau d'intégration sociale, voire même politique, tout en faisant l'économie de l'État-nation ou du moins en l'affaiblissant (c'est l'une des variantes possibles de l'»Europe des régions ). La même remarque vaut pour le nationalisme de l'État-nation (par opposition aux mouvements nationaux qui aspirent à l'État). Car il est évident que l'Europe représente le champ des rivalités nationales pour la prépondérance. D'où la lutte des principales puissances européennes pour étendre ou conserver leur influence politique, économique ou culturelle, le cas échéant, en se constituant une clientèle parmi les »petites nations . L'espace politique européen, comme l'espace international au sens large, est le lieu où se joue et se négocie la hiérarchie entre les nations. D'un certain point de vue, l'Europe amène les nations à se »dép

asser dans un ensemble plus vaste. Mais d'un autre point de vue, elle est aussi le medium de la puissance nationale, l'espace intermédiaire censé permettre à des puissances moyennes, comme la France, de maintenir leur influence et leur rang à un niveau mondial. L'hypothèse est la suivante : qui jouera un rôle décisif dans un ensemble intégré de cinq cents millions d'habitants aura une influence certaine sur les affaires du monde.

Le nationalisme est aussi condamné au regard des exigences propres à la démocratie. Cette condamnation est justifiée du point de vue même de la définition du nationalisme comme principe de violence, ou comme nostalgie d'une forme prépolitique de la nation. Sur ce point, le problème apparaît lorsqu'on assume une position radicale, qui consiste à dire qu'il y a nationalisme dès qu'il y a nation. Dès lors, c'est le fait national lui-même qui fait problème. Il appelle un jugement critique en fonction d'un modèle politique, et la question est de savoir si l'on peut concilier nation et démocratie, ou encore, dans une autre perspective, la nationalité (comme appartenance nationale) et la citoyenneté ". Dans cette perspective, le fait national fait problème parce qu'il infléchit l'exercice de la citoyenneté dans le sens d'une revendication identitaire. C'est la clôture sur l'identité communautaire dont l'individu ne fait qu'exprimer les exigences, les symboles et les mythes, tout en revendiquant pour soi-même cette

identité dont il tire fierté, orgueil, etc. Le fait national représente ainsi une double pesanteur, celle du passé qui se perpétue dans le présent pour investir tout le contenu de la citoyenneté - c'est la nation comme tradition -, celle de la communauté qui s'annexe l'individu en lui assignant une identité objective, définie par les traits propres à sa culture. A la limite, lien national et lien politique sont antithétiques, au sens (arendtien) où »politique signifie action en commun par l'intermédiaire d'une discussion où se croisent une infinité de points de vue, chacun se liant aux autres par l'exercice partagé de la décision qui ouvre l'avenir et dévoilant ainsi qui il est, comme sujet d'un acte de parole singulier. En ce sens, la communauté politique est une communauté élective d'individus qui s'entrechoisissent en choisissant d'agir en commun. Le lien politique s'oppose alors au lien national conçu comme un lien »substantiel , qui unit les individus dans l'inertie d'une même tradition et qui, par le

jeu des déterminations sociales et culturelles, fait d'eux ce qu'ils sont.

Cette mise en question du fait national donne lieu à une thématisation de l'Europe comme chance et lieu d'une citoyenneté post-nationale, d'une citoyenneté qui se démarquerait de la simple nationalité pour retrouver le sens vrai du lien politique. C'est que l'Europe pourrait décrire un espace public transnational, excédant l'espace culturel propre à chaque nation particulière. Elle pourrait être l'occasion de dénouer cette congruence de l'unité politique et de l'unité culturelle qui, selon la définition d'Ernest Gellner, est le principe même du nationalisme. Du point de vue de l'individu, la citoyenneté européenne se projetterait au-delà des limites de l'appartenance nationale, proposant à l'action politique des buts, des enjeux et un sens irréductibles à la défense de l'identité nationale.

On ne peut que souscrire à cette perspective, d'autant que certaines situations imposent comme un devoir civique et moral de penser, non seulement au-delà, mais contre la politique présente de sa propre nation. Toutefois, cette thématique appelle une double remarque. D'une part, la construction européenne implique, du moins dans l'état actuel des choses, un éloignement accru des centres de pouvoir par rapport à la quasi-totalité des, citoyens. Si l'Europe permet à chaque citoyen de penser » audelà du fait national, c'est dans la mesure où il suit la politique menée par les fonctionnaires, les gouvernements et les chefs d'État européens. La constitution d'un espace européen pourrait produire une imagined community en fonction des paramètres indiqués par Benedict Anderson (constitution d'un espace médiatique commun, monnaie commune, possibilité de mener une carrière professionnelle dans l'ensemble de cet espace, etc.), mais il n'est même pas certain que ce projet réussisse. Quant à l'action et à la participa

tion politiques, l'Europe comporte des risques évidents d'un déclin du politique, au sens arendtien du terme. D'où l'intérêt pour la conjonction du local et de l'international, illustrée par le droit de vote des étrangers aux élections locales, ou encore le développement des régions transfrontalières. D'autre part, on peut proposer à l'exercice de la citoyenneté des buts qui excèdent le champ des intérêts nationaux. Mais on ne peut opposer terme à terme, de façon disjonctive, appartenance nationale et citoyenneté, sans induire l'idée que la pratique politique peut être déliée de toute appartenance nationale. Or, cette idée est hautement problématique. Elle suppose qu'il peut exister une sphère politique dégagée de la sphère des appartenances culturelles (et des intérêts sociaux). C'est ainsi que Jürgen Habermas plaide pour une »nation civique [... ] porteuse d'une valeur normative propre, [qui n'a] plus rien à voir avec la prise en considération de données pré-politiques telles que le peuple comme communauté

historique de destin, la nation comprise comme communauté linguistique et culturelle, voire le système social et économique (13) . Ces analyses font écho à celles de Hannah Arendt, tout au moins pour ce qui est de la disjonction entre le politique et le social (14). Cette pensée disjonctive comporte un risque majeur, celui de conduire à l'abstraction de la forme. Le lien politique est précisément un lien, c'est-à-dire une forme. Il est la forme que peut prendre une communauté nationale au sens évoqué plus haut. Il est la forme des relations de pouvoir (ou de puissance) entre les individus et les groupes constitutifs de la nation, dès lors que les décisions ne sont plus imposées, mais élaborées dans le cadre d'une discussion publique. Cela signifie que la distinction entre la nation et la sphère politique, entre la communauté et l'État est une distinction analytique et non une distinction réelle. Si l'on perd de vue cela, on en vient à opposer, d'une part, une communauté concrète mais identitaire et, d'autre

part, un espace public où dialoguent des individus qui ne s'expriment ni en tant que membres de groupes d'intérêts (de groupes sociaux) ni en tant que membres de communautés de » valeurs (éthiques, linguistiques, culturelles, historiques, etc.). Or, une fois qu'on a » évidé le corps politique, il ne reste que la forme vide du politique. On a dès lors affaire à de purs citoyens qui parlent et qui agissent en commun. Mais on ne voit pas quel contenu peut avoir leur propos ni quels buts peut avoir leur action, car tous les buts politiques concrets sont des buts nationaux ou sont liés d'une manière ou d'une autre à des enjeux nationaux - ce qui vaut également de la politique locale. En un mot, ce sont les données pré-politiques qui, précisément, fournissent la matière du débat politique.

Il n'y a donc pas d'espace politique vide de toute appartenance nationale (et sociale). Il n'y a pas de discours politique qui soit affranchi de ces données »pré-politiques . L'individu, même lorsqu'il est engagé dans la discussion d'un public spirited project, pour parler comme Benjamin Franklin, est marqué par des appartenances multiples et contradictoires. Il appartient à un ou plusieurs groupes d'intérêt, à une ou plusieurs communautés éthiques ou culturelles dont les dimensions peuvent être simultanément infranationales, nationales ou transnationales. Cet individu traduit ou trahit ces appartenances multiples. Consciemment ou non, il défend des intérêts et il exprime des préférences éthiques qui tiennent à l'enracinement de son propos dans la particularité d'une expérience. Il suffit de songer, pour s'en tenir à cet exemple, au rôle décisif de la révolte contre la taxation dans la naissance de l'esprit public américain. Les débats constitutionnels qui aboutirent à la naissance des Etats-Unis sont incomp

réhensibles si l'on fait abstraction des enjeux monétaires et commerciaux des rapports de pouvoir entre le Parlement de Londres et les colonies britanniques d'Amérique du Nord. Cela n'implique pas que toute prise de position soit »idéologique , ou qu'aucun discours ne s'élève à la hauteur du »bien commun . Le citoyen ne peut pas être affranchi de toutes ces données pré-politiques dont parle Habermas. Mais il peut s'en affranchir, dans un mouvement continu et jamais achevé. C'est justement le propre de l'individu lorsqu'il parle, non en tant que pur citoyen, mais en tenant compte de ses propres appartenances pour débusquer les schémas particularistes (notamment nationaux) qu'il se contente de reproduire tant qu'il n'en a pas pris conscience. Il n'existe ainsi que des points de vue particuliers, liés aux intérêts matériels ou symboliques d'un ou plusieurs groupes donnés, mais ces points de vue peuvent néanmoins s'universaliser, suivant le principe de la pensée élargie au sens kantien du terme. Dans la mesure o

ù ils le font, car ils ne le font pas nécessairement, ils sont capables de communiquer et de nourrir un débat politique au sens plein du terme.

On ne peut donc opposer citoyenneté et nationalité. Aucun exercice de la citoyenneté politique n'échappe à son enracinement dans une tradition nationale. On n'est jamais affranchi de la nationalité, mais on peut s'en affranchir en la dépassant. Paradoxalement, c'est ainsi qu'on contribue à l'évolution de cette tradition, soit en l'élargissant, soit en la relativisant au contact d'autres traditions, soit en la subordonnant à la pratique du dialogue (au sens de la pensée dialogique) ou de la discussion (au sens de la négociation) dans le cadre d'un espace public. Il en résulte que les traditions nationales sont vivantes. Elles ne sont même pas, en tout cas pas nécessairement, la simple perpétuation du passé dans le présent. Personne n'est capable de dire ce que sera la tradition française dans cinquante ans, car la continuité qui définit cette tradition peut s'infléchir dans un sens ou un autre. Même en tant que mémoire, cette tradition a un avenir, car personne n'est capable de dire comment nous nous souviend

rons »plus tard du passé, non seulement du présent actuel, mais aussi du passé actuel. Cette tradition a donc un avenir, et la vraie question est de savoir si cet avenir sera fait de régression ou d'évolution. Car la tradition nationale peut s'universaliser en s'ouvrant à d'autres apports et en s'incorporant davantage le principe du respect d'autres manières de penser. La possibilité de cette universalisation réside, précisément, dans le fait que toute communauté est une communauté de discours au sens évoqué plus haut : le lien éthique dans lequel elle se reconnaît est fait de conceptions de l'amitié, de la dignité, du pouvoir, des libertés, etc., qui sont toutes susceptibles d'être vécues et pensées de manière évolutive. C'est dans cette perspective que la construction européenne est une chance à saisir. Elle rend inévitable l'évolution du »discours national - d'où les résistances que l'on sait -, tout comme l'internationalisation de l'économie, le progrès technique ou le changement du paradigme du travai

l provoquent la transformation de ce discours et rendent purement et simplement impossible, en définitive, la perpétuation de la nation dans une pure identité à soi-même.

Il faut donc reconsidérer les liens entre l'exercice de la citoyenneté et l'appartenance nationale, entre le fait national et la démocratie (au sens de la discussion universelle). La nation est l'un des lieux possibles de la démocratie. Cela suppose, en retour, que la communauté nationale ait évolué suffisamment pour tolérer la démocratie et s'y développer. Il n'en résulte pas, cependant, que l'État-nation soit le cadre privilégié où peut prospérer la démocratie. Car ce cadre impose des limites et des restrictions au principe démocratique. Ce qui toutefois pose problème, dans l'État-nation, ce n'est pas la nation, c'est l'État. Ce n'est pas la nation comme communauté éthique, c'est la nation comme entité politique, État-nation ou parti nationaliste préfigurant un futur État. Ce qui est problématique, c'est l'État lui-même comme structure de pouvoir, et ce problème demeure quand la société qu'il englobe est une société multiculturelle notamment dans le cadre de l'empire. En effet un État, même multinational,

qu'il s'agisse d'une fédération ou d'une confédération, comprendra toujours un élément d'adhésion forcée, une exigence de loyauté plus ou moins appuyée sur la contrainte. C'est que l'État subordonne son action à une finalité dernière (ou première) qui est sa propre perpétuation. Tout État cherche à persévérer dans l'être, pour parler comme Spinoza. Dans le cas de l'État-nation, cette persévérance prend sans doute la forme d'une affirmation continuée d'identité. Mais il est vraisemblable que cette logique vaut pour toute forme d'organisation politique. A preuve l'extrême résistance des fédérations à se dissoudre, quand bien même leur constitution stipule le droit à l'indépendance de leurs États constitutifs. En tout état de cause, il y a dans tout État un élément d'adhésion forcée qui tient au fait que les rapports internationaux sont des rapports de conflit: l'État défend son existence en luttant contre d'autres États sur le plan économique, diplomatique, militaire, etc. C'est pourquoi l'exigence de loyauté

est maximale en temps de guerre, plus ou moins relâchée en temps de paix. L'adhésion forcée peut prendre la forme extrême de la mobilisation et de la censure des opinions (en cas de guerre); elle peut aussi prendre la forme douce, voire inaperçue, de la »réserve ou d'un autocontrôle plus ou moins conscient. On peut en effet adapter, à ce sujet, l'hypothèse de Norbert Elias sur l'autorépression de la violence dans l'État moderne. De même que la constitution progressive du monopole étatique de la violence induit, chez l'individu, un contrôle de sa propre violence qui finit par prendre des formes inconscientes en s'intégrant à sa constitution psychique, l'exigence de loyauté se traduit aussi par la constitution de réflexes nationaux qui passent Par des stratégies d'évitement plus ou moins conscientes, s'agissant des sujets où l'image de la nation est en jeu, ou encore du respect des tabous nationaux (comme l'appartenance de la France au bloc nazi sous Vichy, ou la guerre d'Algérie). Les deux premières années d

e la guerre dans l'ex-Yougoslavie en fournissent un exemple, au moment où tous les commentateurs s'accordaient pour fustiger le nationalisme des »parties en conflit . Alors que les sympathies de la France à l'égard de Belgrade, en 1991-1992, étaient de notoriété publique, ce fait d'importance a joué dans le débat français le rôle de la lettre volée. Tout le monde l'avait sous les yeux, personne ne l'a vu à part Alain Finkielkraut, Paul Garde, François Fejtô et quelques autres. Ainsi, la complaisance de l'Élysée à l'égard du pire des nationalismes en présence n'a pas donné à penser, aux héros de l'antinationalisme, que la politique de leur propre nation méritait d'être interrogée.

En conclusion, la nation comme communauté éthique est le lieu où peut s'incarner la démocratie. Cela suppose que la nation se dote d'une certaine forme d'État. Mais en retour la nation comme État, dans un contexte international de rivalités, de luttes et même de guerre toujours possible, pose en même temps une limite au développement de la démocratie. De l'existence d'une politique étrangère, comme Eric Weil le thématise dans sa Philosophie politique, résulte un irréductible effet de pouvoir sur les citoyens, qui infléchit toute pratique politique et l'exercice même des libertés. Les conflits entre les États, qu'ils soient latents ou déclarés, intenses ou mesurés, pèsent sur la définition de l'espace public à l'intérieur de chacun d'eux. Le champ de la réflexion y est de ce fait restreint, soit par des contraintes explicites comme la censure ou le contrôle idéologique, soit par des effets d'autocensure ou encore, tout simplement, par le fait que le contrôle démocratique s'exerce plus ou moins selon les sujet

s - et plutôt moins en matière de politique étrangère, précisément, ou sur les questions où intervient la raison d'État (15). Le politique ne peut donc être envisagé comme pur lien contractuel, comme relation élective d'action et de discussion, que si l'on fait abstraction de la politique étrangère - comme d'ailleurs des relations de pouvoir qui opposent, à l'intérieur de l'État, les groupes et les institutions. C'est pourquoi l'élaboration d'organisations politiques internationales peut promouvoir la démocratie, si toutefois elle ne conduit pas à une logique de blocs rivaux ou de superpuissances. De l'atténuation des conflits, on pourrait attendre une plus grande liberté de l'individu à l'égard (et au sein) de sa propre nation, l'extension du champ ouvert à l'exercice public de la pensée et l'avènement, précisément, d'une citoyenneté élective dégagée de la nationalité comme effet d'adhésion contrainte ou »réflexe . Mais cette citoyenneté élective ne s'enracinerait pas moins dans la nation conçue comme commu

nauté éthique.

Quant à cette inscription de la citoyenneté dans la nation entendue comme communauté éthique, elle ne signifie pas que la parole singulière doive perpétuer une identité figée dans une tradition. Qu'il y ait identité nationale est une chose - elle existe, d'ailleurs, dans l'écart entre la représentation que s'en font les nationaux et celle que s'en font les autres, c'est-à-dire l'étranger. Que cette identité doive devenir un problème et un but est une autre chose. On a donc raison de condamner la revendication d'identité lorsqu'elle est identitaire, s'il faut entendre par cette expression l'aliénation de l'individu à une mythologie nationale, ou cette clôture de la communauté sur elle-même qui débouche sur un mélange d'esprit de clocher, d'intolérance et de mépris à l'égard des autres cultures. Nous préférons, à bon droit, la liberté de la parole singulière, liée à d'autres paroles dans la polyphonie du dialogue. Et ce rappel est nécessaire pour servir de contre-feu à la montée des revendications identitaires

dans nos propres États-nations. Mais s'il s'agit d'envisager la revendication d'identité d'une manière générale, en Europe et au-delà, il faut retenir que l'individu s'exprime en son nom propre, au moyen d'une parole singulière, quand les bases de son existence collective sont solidement assurées, du moins suffisamment pour ne pas entrer dans son champ de vision à titre de problème. Cela suppose qu'il ne soit pas méprisé, exploité ou menacé en fonction de son appartenance nationale, en tant que ressortissant de telle ou telle nation, comme cela suppose qu'il ne soit pas exclu du bien-être en fonction de son appartenance à tel ou tel groupe social. Dans ce cas, l'identité devient nécessairement problème, et problème inévitable, de sorte qu'elle devient le lieu d'une revendication de dignité, soit comme retournement stratégique de l'identité subie, soit comme refus d'une identité imposée. Car en de telles circonstances, il ne suffit pas de parler en son nom propre: il n'y a plus de nom propre, il n'y a plus q

ue le nom du groupe dont on est le représentant - considéré et traité en tant que tel. La revendication d'identité est donc, comme le nationalisme, un phénomène polysémique. Si cette revendication n'est pas la nôtre, c'est pour partie en raison du double risque de clôture et d'aliénation qu'elle comporte. En quoi nous avons raison. Mais c'est aussi, pour une autre partie, parce que cette forme de reconnaissance nous est acquise, parce que la dignité de nos cultures respectives va de soi, de même que la sécurité morale qui en résulte pour nous, quand bien même nous serions liés à cette culture par la distance de la critique ou de l'ironie. Nous sommes ainsi passés du régime de l'identité revendiquée (ou subie) au régime de l'identité assumée (pour le meilleur et pour le pire). Nous sommes ce que nous sommes sans nous préoccuper de ce que nous sommes, ce qui veut dire que nous sommes libres de nous intéresser à autre chose, et c'est heureux, qu'à notre propre identité. Il ne faut cependant pas oublier, in ulti

ma linea, que la possibilité de s'intéresser à autre chose est le propre de ceux qui ont le privilège de vivre et de parler en individus, parce que leur appartenance nationale (ou sociale) ne leur est pas imposée comme problème par les conflits du moment. A l'ambivalence du phénomène national répond donc celle de notre critique. Disons qu'un risque existe, c'est qu'elle serve de justification à un déni de reconnaissance, opposé par une aristocratie de nations à »ceux qui se sentent peu considérés et qui veulent compter parmi les cultures .

(*) Patrice Canivez, philosophe, a publié La politique et sa logique dans l'oeuvre d'Éric Weil, Kimé, 1993, et Questions de responsabilité. La France et l'idée d'Europe face à la guerre dans l'ex-Yougoslavie, Colibri, 1994.

Notes:

1. E. Gellner, Nations and Nationalism. Trad. française, Nations et nationalisme, Payot, 1989, p. 183.

2. Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation ?, Presses Pocket, coll. Agora, 1992, p. 55.

3. Voir Éric Weil, Philosophie politique, Vrin, 1956, IV' partie.

4. E. Gellner, Nations et nationalisme, op. cit., p. 11.

5. Voir Imagined Communities, Londres et New York, Verso, 1983, éd. revue et augmentée, 1991.

6. Voir la critique du modèle républicain par Jean-Marc Ferry, »Pertinence du supranational , Esprit, novembre 1991.

7. Isaiah Berlin, »The Bent Twig , in The Crooked Timber of Humanity, Londres, John Murray, 1990. Trad. française Gil Delannoi, »Le retour du bâton , in Théories du nationalisme, Kimé, 1991, p. 307.

8. Isaiah Berlin, »Le retour du bâton , op. cit., p. 318.

9. Voir par exemple Nations et nationalisme, op. cit, chap. 8 et conclusion

10. Tel qu'il est conçu par les nationalistes. Souvent, cette conception conduit la nation au désastre.

11. Voir Jacques Rupnik, »Lettre de l'Europe de l'Est , Pouvoirs, n· 57, Nationalismes, PUF, 1991.

12. Voir Étienne Tassin, »Identités nationales et citoyenneté politique , Esprit, janvier 1994.

13. Jürgen Habermas, cité par Étienne Tassin dans Esprit, janvier 1994, P. 105.

14. Voir notamment l'Essai sur la Révolution. Mais il y a, chez Arendt, une thématique du sol et de l'enracinement dont il faudrait préciser les liens avec l'action politique.

15. A quoi s'ajoutent, naturellement, les effets propres à la logique des régimes politiques, ou à leur idéologie.

 
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