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Martel Frédéric, Le Messager européen - 1 novembre 1994
Pour servir à l'histoire de notre défaite

par Frédéric MARTEL

SOMMAIRE: L'»élite intellectuelle et morale française et la guerre en ex-Yougoslavie 1991-1994. Une analysée détaillée, superbement documentée de ce que l'auteur - et pas seulement lui - considère "comme l'un des soldes négatifs des »années Mitterrand". Reprenant Hannah Arendt il pose les questions »Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi cela s'est-il passé ? Comment cela a-t-il été possible ? et ... y répond. Un article de référence. (Le Messager européen, n·8, novembre 1994, Gallimard)

La guerre en ex-Yougoslavie restera sans doute comme l'un des soldes négatifs (1) des »années Mitterrand . Parce que notre pays a joué dans ce conflit un rôle essentiel sur la scène internationale, les erreurs de sa politique diplomatique convulsive - confirmée depuis mars 1993 par le gouvernement Balladur - seront d'autant plus criantes dans le bilan des responsabilités occidentales. Certes, cet échec majeur de »l'homme qui courait après l'Histoire (P. Wajsman) avait été annoncé par des erreurs graves mais moins lourdes de conséquences: propos imprudents du chef de l'État sur l'impossible réunification allemande, visite d'État en Roumanie d'avril 1991, pourparlers avec les putschistes de Moscou les 18 et 19 août 1991...

»Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi cela s'est-il passé ? Comment cela a-t-il été possible ? se demande-t-on en citant Hannah Arendt. Si l'on doit concentrer l'analyse sur les réminiscences historiques qui ont faussé l'analyse du président Mitterrand et de la diplomatie française pour faire le décompte de nos responsabilités, il convient également d'ajouter comme pièces au dossier, outre cette défaite des politiques (2) et l'impuissance des organisations internationales (3): le rôle des médias (4), l'»intoxication des militaires (5), la diversion par l'humanitaire (6) et la »trahison des clercs . »Notre défaite n'est donc pas seulement une défaite politique: il y a eu compromission de toute une série d'acteurs et de corps sociaux.

Lorsque Vukovar tombe en novembre 1991, lorsque la Bosnie s'enflamme en avril 1992, tous les clignotants habituels qui annoncent en France une mobilisation sont éteints, toutes les structures qui dénoncent les atteintes aux droits de l'homme sont silencieuses, la plupart des intellectuels sont absents. Il faudra attendre le mois d'août 1992 et surtout les élections législatives de mars 1993 puis européennes de juin 1994 pour que la mobilisation en France se déclenche (7). C'est donc aux réactions intellectuelles françaises qu'est consacré cet article.

Chronologie d'une démission

On a oublié la date du 9 mars 1991. Ce jour-là, à Belgrade, alors que les occidentaux sortent tout juste de la guerre du Golfe, Slobodan Milosevie et Borisav Jovic organisent la répression d'une manifestation de l'opposition serbe contre le manque d'objectivité des médias. Ce 9 mars annonce, à sa façon, la date du 15 mai 1991, jour où le Croate Stipe Mesic n'est pas élu à la tête de la présidence collégiale de la fédération yougoslave selon le principe de rotation entre les six républiques et les deux provinces autonomes. Ce jour-là, la fédération meurt. On connaît la suite: le 29 mai la Croatie proclame sa souveraineté après le référendum du 19 (où toutes les minorités autres que serbes votent pour l'indépendance). Les indépendances slovène et croate sont proclamées le 25 juin. Deux jours après, des combats éclatent en Slovénie. Un mois après, la Croatie est en guerre.

Sans doute eût-il été hasardeux de faire l'apologie des petites nations et de revendiquer la multiplication des sécessions dans l'exYougoslavie avant le 15 mai 1991 ou avant le 25 juin. Peut-être eût-il fallu dire, à la façon de Vaclav Havel pour la séparation tchèque et slovaque: »Je le regrette, mais je m'incline. Mais, une fois que la présidence toumante est refusée par la Serbie et surtout, lorsque l'armée fédérale intervient contre une république composant la Yougoslavie, les indépendances slovène et croate apparaissent de fait irréversibles.

Les articles des intellectuels français sont encore rares. François Fejtö, qui est l'un des principaux historiens de l'Europe centrale et orientale, avait annoncé, dès l'arrivée au pouvoir du président Milosevic, le risque de conflit et s'est engagé contre l'idée de Grande Serbie (8).

Alain Finkielkraut et Milan Kundera choisissent de défendre les Slovènes en s'appuyant sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Paul Garde, professeur émérite de langues et littératures slaves à l'université d'Aix-en-Provence, qui revient, en juillet, de Ljubljana, défend aussitôt la reconnaissance par la France de la Slovénie et de la Croatie. Peter Handke s'opposera à ce droit comme le géographe Michel Foucher (9).

Sur le terrain les cessez-le-feu (déjà) se succèdent. Le 19 octobre, les médiateurs européens présentent à la conférence de La Haye une »association souple de républiques souveraines et indépendantes que la Serbie est la seule des six à refuser.

Le premier appel important d'intellectuels français est publié par Le Monde du 16 octobre 1991. François Furet, Marc Ferro, Georges Canguilhem, Michel Jobert, Jacques Le Goff, Milan Kundera, Alain Finkielkraut, Jacques Defert (10) et une centaine de personnalités réclament la reconnaissance des indépendances slovène et croate et la »garantie de l'inviolabilité des frontières existantes et la revue Esprit se mobilise avec un premier éditorial intitulé »L'aveu d'impuissance (novembre 1991).

»Guernica s'appelle aujourd'hui Vukovar , annonce avec une radicalité spontanée et inouïe l'écrivain Annie Le Brun (11). Vukovar tombe en effet le 19 novembre 1991 sous la pression conjuguée des milices serbes et de l'armée »fédérale . Dubrovnik est sous les bombes, Osijek également, ce qui suscite alors la mobilisation de personnalités comme Jean d'Ormesson, le journaliste Poirot-Delpech ou Jean-François Deniau (12). Le quatorzième cessez-le-feu est rompu.

Peu à peu, le nombre des personnalités françaises qui dénoncent l'agression serbe en Croatie s'accroît. Pascal Bruckner, André Glucksmann, Michel Polac, Patrick Wajsman (13) signent des appels ou des articles pour distinguer » un agresseur et un agressé . C'est sous le nom de »La Croatie brûle ! qu'une dizaine de personnalités (André Glucksmann, des écrivains comme Jean d'Ormesson, Daniel Rondeau, Peter Schneider, Eugène Ionesco ... ) dénoncent une »Europe encombrée de cadavres et réclament que l'Europe de Maastricht se réunisse à Dubrovnik (14). Des théologiens orthodoxes lancent également un appel courageux aux évêques serbes (Le Monde, 27 novembre) tandis que Reporters sans frontières publie un appel qui ne prend pas parti entre les Serbes et les Croates (Le Monde, 11 décembre 1991).

Le texte le plus caractéristique de cette période est sans doute celui qui s'intitule »Trois propositions pour la Yougoslavie et qui est signé par onze écrivains de renommée internationale. Parmi eux, Edgar Morin, Bernard-Henri Lévy, Claudio Magris, Jorge Semprun, Elie Wiesel, Mario Vargas Llosa (15)... Dans ce texte, qui s'adresse aux »citoyens yougoslaves , les écrivains entendent »ne pas élire une cause contre une autre, un nationalisme contre un autre et souhaitent inventer »de nouvelles formes d'association entre les peuples appelés par la force des choses à vivre ensemble , tout en dénonçant »les palinodies européennes [qui] n'ont que trop duré . Ce texte est caractéristique parce qu'il dénote la peur du nationalisme et exprime le désir d'une force d'intégration. D'autre part, les signataires croient encore en une possible Yougoslavie. Ils s'adressent à des »Yougoslaves , aspirent à un »espace yougoslave et refusent de choisir entre les deux camps. Les erreurs imputées au président Tudjman ou les sy

mboles utilisés par le nouvel État sont une explication à ces réactions: propos antisémites dans l'ouvrage Voies sans issue, vrai-faux attentat contre le cimetière juif de Zagreb, damier rouge et blanc qui évoque les oustachis, méthodes des milices croates de Dobroslav Paraga, propos impardonnables sur les minorités serbes de Croatie, débaptisation de la place des victimes du fascisme à Zagreb, »purification ethnique orchestrée par les Croates en Bosnie ... La déclaration islamiste du président Izetbegovic, les propos des Albanais sur le Kosovo ou du ministre hongrois de la Défense sur la Vojvodine seront de la même manière utilisés par la propagande serbe et joueront le même rôle. Ces ambiguïtés auront brouillé durablement les cartes et expliquent certaines réactions françaises. Mais Vukovar vient de tomber, il y a tout juste quarante-huit heures...

»Comme vous le savez, la Croatie faisait partie du bloc nazi, pas la Serbie... (François Mitterrand, 29 novembre 1991) (17)

La fin de l'année 1991, sur fond d'aide humanitaire (Bernard Kouchner organise le Concert de la paix à Dubrovnik avec Barbara Hendricks et l'orchestre de chambre de Toulouse), marque toujours une opposition entre ceux qui entendent distinguer les Croates agressés des Serbes agresseurs, et ceux qui les renvoient dos à dos. Le synode des évêques par exemple fait partie des premiers

(18); Maurice Duverger (19), La Lettre internationale et Le Monde diplomatique des seconds.

Le Monde diplomatique va jouer tout au long du conflit croatoserbe puis bosniaque un rôle proyougoslave et antisécessionniste. Catherine Samary en sera le symbole avec son principe, »l'arbre serbe ne doit pas cacher la forêt des autres nationalismes , comme Ignacio Ramonet ou Paul-Marie de La Gorce. Une question demeure: comment un mensuel sérieux et crédible a-t-il pu demeurer aussi complaisant dans son observation du régime totalitaire serbe (20)?

L'année 1991 semble se clore, sorte de voeu morbide pour 1992, par une exposition sur les massacres oustachis de la Seconde Guerre mondiale au Centre culturel yougoslave de Paris: »Vukovar: génocide de l'héritage culturel serbe . »Ce qu'a d'indécent cette exposition, écrit Pascal Bruckner (21), c'est que l'appel de la mémoire semble cette fois mis au service du crime (...). Le gouvernement de Slobodan Milosevic se présente comme persécuté et, à l'abri de ce certificat de martyrologie, se livre à des actes rien moins qu'ignobles. Pascal Bruckner s'inquiète surtout du fait que cette démonstration soit reprise »textuellement en France par le gouvernement, de nombreux médias et une bonne partie des intellectuels .

Le 23 décembre 1991, l'Allemagne reconnaît la Slovénie et la Croatie; ce qui, précisément, marque davantage la fin (au moins momentanée) de la guerre croato-serbe que son déclenchement, comme certains voudront le faire croire par la suite. Le 15 janvier 1992, c'est au tour de la Communauté européenne de reconnaître ces indépendances: reconnaissance qui vient bien tard, après d'immenses destructions et des milliers de victimes. Il aura fallu attendre près de sept mois assortis d'un moratoire et une nouvelle rédaction des constitutions des pays souhaitant l'indépendance (demandée par la commission Badinter) (22) pour que la reconnaissance ait lieu.

Aussitôt, Annie Kriegel, parmi d'autres - mais plus radicalement que les autres -, entend dénoncer les indépendances récemment acquises. Renouant, dans son anticommunisme même, avec une fureur qui l'avait conduite naguère à justifier le procès des blouses blanches, elle constate fin janvier 1992 que »l'embrasement général est devenu moins sûr (sic) et s'écrie: »Pourquoi vouloir à toute force qualifier de projet de Grande Serbie ce que les intéressés préfèrent qualifier de petite Yougoslavie ? Sur la même ligne, elle condamne une Europe qui s'émiette »en un amas de très petits États nationaux à la légitimité douteuse, toujours prêts à en découdre entre eux... et félicite François Mitterrand qui »cette fois avait une position raisonnable et judicieuse (23) .

Un autre cas caractéristique dans cette période est celui d'Elie Wiesel. Il écrit en 1992: »La nature historique des revendications croates, liées à la tentative d'État indépendant pendant la Seconde Guerre mondiale des oustachis d'Ante Pavelitch, renvoie de façon indubitable à la haine de l'autre. Rappelons-nous que Zagreb constitua de 1941 à 1945 un allié inconditionnel de l'Allemagne nazie, surpassant souvent son maître de Berlin en atrocités. L'effondrement des régimes communistes a visiblement réveillé les vieux démons, permis aux fantasmes d'exclusion de revenir sur le devant de la scène, aux fantômes des années trente d'une haine ethnique irrationnelle de s'emparer à nouveau d'une part de la population européenne (24). Comment une personnalité aussi informée, autorité morale considérable, peut-elle condamner les Croates au nom des crimes idéologiques commis, dans la plupart des cas, par leurs grands-parents ? Après avoir rappelé, à maintes reprises, cette tradition oustachi des Croates, il sera final

ement étonné de l'ampleur de la crise en affirmant: »Je ne pensais pas que c'était aussi compliqué (Le Monde, 1er décembre 1992) puis de l'impasse dans laquelle on était (Libération, 4 décembre 1992). Et, plus tard encore, il avouera dans un appel émouvant 2 (25) avoir été trahi par Dobrica Cosic et »les Serbes . Elie Wiesel apprendra en effet que les prisonniers d'un camp serbe qu'il avait interrogés en l'absence de leurs geôliers, »ont été isolés [après son départ] afin de subir un châtiment spécial et [ont été] transférés dans un camp pire encore, celui de Batkovic ... Un mea culpa bien tardif du prix Nobel de la paix.

Hanté par la même histoire qu'Elie Wiesel, Edgar Morin signe l'un des articles essentiels du début de l'année 1992, »L'agonie yougoslave (publié en deux parties dans Le Monde des 6 et 7 février). Cette réflexion rédigée par le sociologue après un séjour »dans les républiques yougoslaves se veut un bilan de la situation. Edgar Morin se lance dans une ample étude des origines du conflit et sa complexité du XIVe siècle à nos jours. Pointilleux, il analyse ce »circuit infernal en s'interdisant »tout manichéisme comme »toute causalité linéaire et cherche à comprendre les »processus en boucle où les dérèglements s'entre-suscitent et s'entre-multiplient . Il rappelle, comme l'ont fait François Mitterrand et Elie Wiesel, que »les Serbes de Croatie menacés craignent le retour des massacres de l'État croate de Pavlevic , propose la création d'»une nouvelle Yougoslavie et espère que »l'agonie n'annonce pas nécessairement la mort [de la Yougoslavie] mais qu'elle peut »aussi préparer une nouvelle naissance . Edgar

Morin poursuit son raisonnement en regrettant »la reconnaissance d'une Croatie à n'importe quel prix qui laisse »inconsidérément au nationalisme croate et à la sous-démocratie croate le soin de respecter les droits des minorités et les droits de l'homme . S'il y a le droit des petites nations, il y a aussi celui »des toutes petites nations enfermées dans ces petites nations . Si, sur ce dernier point, Edgar Morin peut avoir théoriquement raison, il n'en oublie pas moins l'élément essentiel, celui qui appelle une réaction: l'agression serbe. Il oublie que le fond du problème se résume au fait que les Serbes refusent d'être où que ce soit en minorité et aspirent à créer une Grande Serbie. Or, en 1992, il n'est plus possible de faire l'économie de cette critique de la guerre de conquête menée par les présidents Milosevic et Cosic et notamment de leur postulat: »Tous les Serbes doivent vivre dans un même État (26). Les conséquences de cette nouvelle règle de droit international seraient tragiques si les Hongr

ois se servaient du même argument (Slovaquie, Transylvanie et Vojvodine), les Albanais (Kosovo, Macédoine) ou encore les Roumains (Moldavie)... La position d'Edgar Morin ainsi définie est importante car le sociologue de la »complexité représente bien toute une partie de la gauche française du PCF au PS: une gauche qui garde en mémoire la Seconde Guerre mondiale et le modèle d'autogestion »yougoslave , mais qui a oublié ce qui s'est déroulé au Kosovo et d'une certaine manière n'a pas compris l'effondrement du communisme. Toutefois, une année après (Le Monde, 11 mars 1993), le sociologue publiera un article, »Le surgissement du total-nationalisme , en forme de mea culpa discret qui fera suite à la lettre que lui a adressée Dobrica Cosic (27). En ce sens, la progression des articles d'Edgar Morin reflète assez bien l'évolution des réactions françaises face à la guerre.

Les 28 et 29 février 1992, cet article d'Edgar Morin, »L'agonie yougoslave , figure en bonne place dans le dossier de presse d'un colloque remarqué - ne serait-ce que parce que le président Mitterrand y participe inopinément - qui a lieu au Palais de Chaillot: »Les tribus ou l'Europe . Les organisateurs en sont, entre autres, la revue Globe, la Fnac et la Sept. Pour mieux situer le débat, une illustration accompagne ce titre: il s'agit d'une carte avec à l'ouest un ordre impeccable (l'Europe communautaire) et, à l'est, un enchevêtrement pagailleux d'États nains... Michel Foucher (le véritable organisateur), Georges-Marc Bénamou, Edgar Morin, Bemard-Henri Lévy... y participent en compagnie de nombreuses personnalités antitotalitaires.

Avec le début de la guerre en Bosnie, une évolution va apparaître et un certain nombre de ceux qui avaient refusé aux Slovènes et aux Croates leur indépendance vont devenir des militants inconditionnels de l'»État multiethnique bosniaque . Car déjà, le 29 février, avait eu lieu le référendum sur l'indépendance de la Bosnie. Le 6 avril, la Communauté européenne reconnaît cette indépendance, les Américains le 7 (ils reconnaissent en même temps la Slovénie et la Croatie)., Mais le 8 avril, l'instauration de l'état d'urgence a lieu en Bosnie où les milices serbes ont déjà commencé la »purification ethnique . Pourtant c'est moins la reconnaissance de la Bosnie qui met le feu aux poudres que la victoire insupportable aux yeux de Belgrade et de Pale, aux élections locales, des Musulmans, des Croates de Bosnie et des autres minorités non serbes.

»Ne pas ajouter la guerre à la guerre

(François Mitterrand, Sud-Ouest, 1991)

La guerre en Bosnie va poser de nombreux problèmes théoriques. Entre 1918 et 1939 et dans les années soixante, les »Musulmans se définissaient comme Yougoslaves parce qu'ils ne voulaient être ni Serbes, ni Croates. Puis le régime leur a donné un nom. En 1968, il les a appelés »Musulmans . Avec un grand »M ils étaient une ethnie, avec un petit »m une religion. Au début du conflit, les »Musulmans de Bosnie étaient favorables au maintien de la Yougoslavie. Pour cette raison, ils n'étaient pas intervenus pour aider la Croatie et, surtout, avaient tardé à s'armer et à s'organiser contre d'éventuelles offensives serbes. La Croatie, la Macédoine et la Slovénie ayant quitté la fédération, les Musulmans - et à plus forte raison les Croates - de Bosnie ne peuvent pas tolérer une fédération où ils resteraient seuls avec les Serbes et les Monténégrins. C'est donc à contrecoeur et tardivement qu'ils aspirent à l'indépendance, tout en craignant avec raison qu'avec elle ne survienne la guerre (28).

Faut-il, dès lors, choisir entre un État fondé sur une base ethnique, laquelle est majoritaire (Slovénie, Croatie) et la Bosnie, État multiethnique ? Faut-il défendre la Bosnie en tant que Bosnie ou en tant que Yougoslavie miniature ? Peut-on à la fois combattre le partage de la Bosnie et soutenir le séparatisme slovène, croate, macédonien, ou albanais ? Ces deux voies ne s'excluent pas l'une l'autre mais vont marquer les principales oppositions des intellectuels français (pour schématiser: les petites nations comme voies d'accès au cosmopolitisme, contre le cosmopolitisme comme arrachement aux identités, dépassement des appartenances. Des conceptions différentes de la nationalité et plus précisément de la citoyenneté vont marquer la ligne de partage. Le rapprochement se fera par une volonté commune de dénoncer l'attitude du président Mitterrand et de la diplomatie française qui persistent à excuser les Serbes et à renvoyer »les belligérants dos à dos, mais presque jamais ces deux tendances ne feront »pétit

ions communes .

»Les choses sont-elles assez claires , accuse Alain Finkielkraut qui devient le symbole d'une de ces »tendances , en dénonçant ceux qui »arrêtent des civils en Bosnie, leur ordonnent de baisser leur pantalon, et massacrent les circoncis . Pascal Bruckner s'en prend à une Europe qui »s'est révélée un gigantesque ectoplasme, enivré de formules creuses et noyé dans sa propre impuissance , en prédisant que »l'idée européenne est peut-être morte sur un champ de bataille quelque part entre Vukovar et Sarajevo . La même colère s'empare de Rony Brauman, qui dénonce »la monstrueuse démission des Européens , lesquels se bornent »à réglementer la chasse à la tourterelle, la composition du camembert et le calibrage des boulons , ou de Patrick Wajsman reprochant aux chancelleries de n'avoir pas su lire le mémorandum de l'Académie serbe des sciences et des arts. Jacques Julliard, pour sa part, dans une chronique intitulée »Les assassins de Sarajevo , démonte la logique d'»agression impérialiste du nationalisme grand-serbe

contre la Bosnie . Pierre Hassner, enfin, dans »De Maastricht à Sarajevo , prend acte de »la mort à Sarajevo de l'ex-nouvel ordre mondial de George Bush et se demande: »Comment parler d'une Europe nouvelle si on reproduit sinon - en tout cas pas encore - la guerre de 1914, du moins l'exode de 1940 et les transferts forcés des années vingt ou de 1945 ? Il explique que »faute d'avoir vraiment vu le problème, les pays occidentaux... sont allés d'illusions en illusions dans leurs relations avec Milosevic . Il conclut tristement: »Ralph Dahrendorf écrivait récemment: "Nous voulons l'Europe, mais une Europe dont nous soyons fiers". Soyons plus modestes: exigeons une Europe dont nous puissions ne pas avoir honte (29)

Edgar Pisani, Edgar Morin et Félix Guattari signent le 10 juin un appel dans Le Monde dans lequel ils dénoncent »les majorités pacifiques [qui] sont bâillonnées et les minorités haineuses [qui] parlent au nom des peuples . A ce moment paraît le livre de Paul Garde, Vie et mort de la Yougoslavie. Comme une caricature extrême, les éditions L'Age d'homme publient en réponse à Paul Garde un ouvrage de réfutation: De l'imprécision à la falsification (30). Basé à Lausanne avec un bureau à Paris et dirigé par Vladimir Dimitrijevic, L'Age d'homme s'est métamorphosé. Maison d'édition de littérature étrangère originale et appréciée, elle éditait déjà, avant le début du conflit, Dobrica Cosic (Le temps du mal, Le croyant, le temps de la mort, un homme dans son époque) et, sous alibi culturel, les discours politiques de Slobodan Milosevic (Les années décisives) et diffusait de nombreux ouvrages douteux (théologie orthodoxe, dossiers sur le Kosovo dont celui de A. Jevtic ou, également, Kosovo et Metohija dans l'histoire

serbe). Avec la guerre en ex-Yougoslavie, les éditions L'Age d'homme sont devenues une des plus importantes machines de propagande totalitaire modernes. M. Dimitrijevic n'a pas hésité d'ailleurs à s'engager personnellement et est devenu un des principaux vulgarisateurs de la politique de »purification ethnique (31) . Le silence des médias sur le rôle des éditions L'Age d'homme dans la propagande serbe et la grande courtoisie avec laquelle on continue à accueillir ses ouvrages (32) ne laissent pas d'étonner.

La »résistance contre les choix diplomatiques français commence toutefois à s'organiser de manière collective. Autour d'Olivier Mongin et de la revue Esprit, avec Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut, Annie Le Brun et François Fejtô, se construit la première manifestation française (33). Elle a lieu le jeudi 25 juin, place du Panthéon, et a rassemblé un petit millier de personnes. »Que fait l'Europe autoproclamée ? Que vaut-elle si elle ne fait rien pour arrêter cette guerre et pour empêcher son extension ? demande le tract de la manifestation sur lequel figure un dessin: un médecin de »l'Ouest , devant la tombe ouverte de la Bosnie et qui dit: »I'm sorry for the delay !

Trois jours plus tard, le 28 juin, François Mitterrand est à Sarajevo. Voyage courageux et symbolique, initiative salutaire et spectaculaire qui, bien vite, va malheureusement n'apparaître que comme un »coup de plus, sans lendemain, dans une politique étrangère de plus en plus incompréhensible. Bemard-Henri Lévy, qui a joué un rôle essentiel dans le voyage du président, publie un reportage dans Le Point du 27 au 3 juillet 1992. Son engagement pour la cause bosniaque s'intensifie.

Les informations sur les camps serbes et la réalité froide de la »purification ethnique sont déjà parvenues en France. Des témoins sont arrivés de Vukovar ou de Bosnie. Les conférences de presse qui ont été organisées étaient absentes des agendas des rédactions. Car le silence sur cette question est encore à peu près total. Si de nombreuses personnalités réclament une intervention militaire (34), les informations sur »le retour de la barbarie en Europe sont ignorées. La guerre en ex-Yougoslavie a commencé depuis plus d'une année. Les crimes qui se sont déroulés en Croatie puis en Bosnie selon un plan élaboré par des écrivains et historiens de Belgrade et mis en place par l'armée fédérale ont atteint un niveau intense. En France, en ce milieu d'un été marqué par la controverse née du dépôt de la gerbe et de la déclaration de François Mitterrand (qui a estimé que la République n'a pas de »comptes à rendre sur le régime de Vichy), aucune organisation de défense des droits de l'homme ou de lutte contre le rac

isme ne s'est encore préoccupée de ce qui se passe en ex-Yougoslavie. Aucune de ces institutions n'a manifesté de critiques à l'égard des choix diplomatiques du gouvernement français. Ni la Ligue des droits de l'homme. Ni SOS-Racisme. Ni le MRAP. Ni la LICRA...

C'est dans ce contexte que surviennent les témoignages sur les camps. Ceux-ci nous viennent des États-Unis et il faut attendre que la presse américaine dévoile la réalité pour que la presse française la suive. Nous sommes ici au coeur du problème de la gestion de la guerre par la presse française qui craint un »nouveau Timisoara . Les informations sont si terribles qu'elles ont suscité jusqu'à cette date l'incrédulité ou le silence (35). Cette attitude de rejet était aussi un moyen de défense contre des faits par trop inhumains. Toujours est-il qu'en août 1992 les images sont là et la France commence timidement à se mobiliser.

A partir du mois d'août, l'expression »purification ethnique devient familière. On parle de »camps , de »crimes contre l'humanité , déjà de »tribunal international (36) . Les Serbes sont nommés: les maîtres de l'Holocauste, rejetons d'un certain pangermanisme, ont des émules en 1992 chez les derniers avatars du panslavisme. Mais il faudra attendre encore cinq mois pour que l'opinion publique soit réellement sensibilisée et que des comités se créent.

Le 24 août, la Ligue des droits de l'homme publie un »appel . Celui-ci connaîtra un écho limité, ce qui n'enlève rien à son mérite. Toutefois, ce texte qui est déjà signé le 7 septembre par plus d'une centaine de personnalités ne désigne nullement l'agression serbe. Le mot n'est pas prononcé, pas plus que les noms de Milosevic ou de Karadzic. La situation déjà terrifiante de Sarajevo, Gorazde, Bihac... n'est pas évoquée, pas plus que les massacres de Vukovar ou les bombardements de Dubrovnik. En revanche, le texte est sévère dans ses reproches à l'Europe des Douze qui n'a »pas su agir collectivement pour prévenir le déclenchement de ce conflit et définit trois principes: refus absolu de toute politique de »purification ethnique , refus des conquêtes de territoire et mise en oeuvre d'un statut garantissant le droit de toutes les minorités. La LDH aura eu le mérite, avec cette »plate-forme minimale , de prendre position en tentant, au mois d'août, de mobiliser l'opinion. Mais, en ignorant le sens des conflits

et leur violence, en choisissant la prudence et le plus petit commun dénominateur des revendications, l'organisation n'a-t-elle pas contribué à la confusion générale ?

Le 28 août 1992 est rendu public le (premier) rapport Mazowiecki. L'ancien premier ministre polonais est une des figures les plus unanimement respectées par les intellectuels occidentaux. Bien que sa chute soit le résultat d'une »incompréhension entre l'élite qu'il représente et le peuple polonais, il est resté le symbole, comme Havel à Prague, Plesu à Bucarest, Jelev à Sofia... de l'intellectuel en politique. A l'autorité morale de Tadeusz Mazowiecki (grande figure catholique, directeur de revue, expert international) s'ajoute l'importance de la mission: rapporteur, au nom du Conseil de sécurité de l'ONU, de la situation des droits de l'homme en ex-Yougoslavie. Un deuxième rapport est rendu public le 27 octobre, puis un troisième le 17 novembre 1992. Ces rapports confirment »l'exécution sommaire de civils, l'exécution de combattants blessés, les attaques visant des hôpitaux et le non-respect de l'emblème de la Croix-Rouge . Le rapporteur qualifie ces faits de »crimes de guerre et dénonce le fait que »les

Serbes pratiquent systématiquement le nettoyage ethnique pour chasser les Musulmans, les Croates et des groupes ethniques moins nombreux des zones qu'ils contrôlent . Il explique enfin que »la purification ethnique a déjà largement atteint ses objectifs (37) .

Les prises de position se multiplient fin août et début septembre. Mais il s'agit le plus souvent d'articles rédigés par ceux qui se sont déjà sentis impliqués par le conflit (38). La campagne manichéenne et tonitruante en faveur du traité de Maastricht va effacer... jusqu'au souvenir des camps en Bosnie (39).

En octobre est publié aux éditions Complexe de Sarajevo à Sarajevo. L'échec Yougoslave, sous la direction de Jacques Rupnik, qui explique avec clarté les origines du conflit, la guerre de conquête et ses enjeux internationaux (40) . Les revues Les Temps modernes (41), La Règle du jeu, Esprit (42), Le Messager européen consacrent de longs développements au conflit mais sur des lignes contradictoires: la revue de Claude Lanzmann, par exemple, reprend à son compte les arguments »yougoslaves , cherche désespérément la voie d'une hypothétique »autre Serbie et rend hommage à la politique avisée du chef de l'État. En novembre, Libération publie un numéro hors série, Sarajevo. Par ailleurs, la nouvelle mobilisation d'un certain nombre d'intellectuels français est prévue pour le 21 novembre 1992, place du Panthéon. C'est la naissance du »comité Vukovar-Sarajevo qui avait déjà organisé la manifestation du 25 juin. Cette fois, des organisations syndicales comme la CFDT ou l'UNEF-ID s'y associent. Les signataires sont

nombreux et appartiennent à divers horizons (43). Le slogan choisi est le suivant: »1991: Vukovar. 1992: Sarajevo. 1993:... ? et le mot d'ordre: »Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Une phrase s'adresse à la Communauté européenne en l'incitant à agir pour faire cesser la guerre, »sans exclure le recours à la force si nécessaire . Malgré le silence de la plupart des médias (44), la manifestation attirera environ quatre mille personnes, avec, en tête de cortège, la présence de Paul Ricoeur. Jacques Julliard conclura, place Montparnasse, par un discours d'une grande fermeté qui dénonce »la barbarie .

Les interventions se multiplient dans cette période". Michel Rocard signe un »Point de vue à la une du Monde (46). Parallèlement, défendant la Bosnie avec vigueur, un petit noyau de personnes, autour de Bernard-Henri Lévy, organise le 21 décembre un meeting à la Mutualité. Charles Millon, Jean-François Deniau, Brice Lalonde, Julien Dray, Claude Malhuret... sont présents. Ce meeting est l'occasion pour Bernard-Henri Lévy d'annoncer qu'il projette d'acheter des armes pour les apporter aux combattants de Sarajevo. C'est lui qui persuadera quelques jours plus tard Alija Izetbegovic de se rendre à Paris.

»Pouvons-nous faire plus ?

(François Mitterrand, 1er janvier 1993)

A partir de cette période, la guerre en Bosnie est au coeur de l'actualité française. Le Nouvel Observateur lui consacre un supplément, Sarajevo ? Je ne savais pas (24-30 décembre). Des comités se créent de toutes parts et il ne se passe pas un jour sans que les quotidiens parisiens et régionaux publient des appels d'intellectuels, de médecins (47), de femmes (48) pour dénoncer la barbarie, les crimes et les viols.

Les étudiants aussi se mobilisent. Des meetings et des manifestations ont lieu (49). Amnesty fait campagne dans la presse française pour récolter des dons (50). Des livres sont publiés (51). Les affiches de Médecins du monde qui envahissent les panneaux publicitaires - et sont aussitôt griffonnées par les Serbes de Paris (52) - ont sans doute intensifié cette mobilisation, bien que certains regrettent l'amalgame: pour ceux-ci le scandale ce n'est plus l'agression serbe, mais la comparaison Hitler-Milosevic (53).

Le 30 janvier, Tadeusz Mazowiecki est accueilli à Paris. Il commente ses rapports et interroge divers intellectuels français pour savoir s'il doit démissionner. Plusieurs syndicats (CFDT, CFTC, FEN, UNEF-ID, FCPE ...) et le comité Vukovar-Sarajevo ont choisi d'organiser leur troisième manifestation le samedi 23 janvier, place de la République, une nouvelle fois autour du slogan »Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas . La manifestation est un relatif échec. La mobilisation s'essouffle. Le plan de paix de Genève vient d'être signé par les trois représentants des États en conflit. On évoque de plus en plus les conflits entre Musulmans et Croates et cette guerre »triangulaire dont Mostar devient le symbole rend plus difficile encore pour l'opinion publique la compréhension du conflit.

Ainsi, de la tragédie bosniaque, il ne sera pas question à la grande manifestation »contre le racisme et pour l'égalité des droits du 6 février 1993. Tout ce que la France compte d'associations antiracistes et de défense des droits de l'homme se retrouve pour dénoncer »le scandale du verdict de la boulangère de Reims , la renaissance des idées fascistes en France, les événements de Rostock (54)... L'ex-Yougoslavie et ses »camps ne valent (dans les tracts comme dans le manifeste commun) pas une pensée, pas une phrase, pas même un seul mot. Pis encore, c'est pour ne pas concurrencer cette manifestation du 6 février que des organisations comme SOS-Racisme ou la Ligue des droits de l'homme ont refusé de participer à celle du 23 janvier. La défaite est amère pour tous ceux qui dénoncent la » purification ethnique en ex-Yougoslavie (55)...

Il est intéressant de noter ici le silence des associations françaises de défense des droits de l'homme et de lutte contre le racisme (56), silence qui ne cesse de nous étonner, surtout après les rapports de Tadeusz Mazowiecki - qui représente une autorité morale incontestable. Aux yeux des organisations antiracistes qui se veulent pourtant vigilantes et cosmopolites, les crimes dans l'ex-Yougoslavie ne semblent pas relever du racisme, ou de leur compétence. Si l'on suit la chronologie de la guerre, à l'exception de la Ligue des droits de l'homme (appel du 24 août 1992, voir supra), aucune des organisations antiracistes ou de défense des droits de l'homme (57) ne s'est exprimée officiellement sur le conflit avant l'appel du 6 janvier 1993 ! La LICRA (58), SOS-Racisme et le MRAP se sont associés aux manifestations du 6 janvier puis du 6 mars 1993 (avec l'Alliance des femmes pour la démocratie). Hormis ces engagements tardifs, on s'étonnera que la mobilisation n'ait pas eu lieu contre la purification ethnique

en Bosnie et, à tout le moins, ne se soit pas constituée, au minimum, autour de la défense du nom de Macédoine ou contre la politique d'apartheid (purification ethnique rampante) menée par les Serbes au Kosovo. C'est peut-être à ce renoncement des organisations antiracistes que l'on mesure le mieux »notre défaite .

On pourrait trouver de nombreuses explications à ces silences pesants. L'influence du parti communiste est manifeste pour la plupart d'entre elles: on ne peut condamner les »socialistes de Belgrade (59). Le cliché »oustachi croate est une autre explication, mais qui ne dit rien du silence sur la guerre en Bosnie. Des organisations qui ont pour nom »SOS-Racisme ou »MRAP peuvent-elles sans perdre une part de leur crédibilité rester indifférentes au sort, en Europe, de centaines de milliers de Musulmans ? Nous conclurons ici avec Jacques Julliard (60): »Ah, les braves gens ! Et comme on voit bien que dans la France d'aujourd'hui, celle des "droits de l'homme", les seuls véritables crimes sont ceux que l'Histoire a consacrés, les seules indignations légitimes sont celles qui portent sur le passé Entendons-nous. Je ne demande nullement que l'on oublie le passé au profit du présent (...). Je demande que la belle intransigeance que nous manifestons face aux manquements de nos pères, que notre sévérité nécessair

e devant leurs silences nous incitent à la même rigueur à l'égard de nous-mêmes. Car enfin, nous, ce n'est pas sur Vichy que nous serons jugés, mais sur Vukovar, sur Sarajevo...

»La France n'a pas été et ne sera pas antiserbe

(François Mitterrand, 9 février 1993) (61)

Le 17 février, Le Monde publie une lettre de Dobrica Cosic à Edgar Morin. Elle fait suite à un texte du sociologue français qui dénonçait l'attitude du président de la »nouvelle Yougoslavie (62) . Quelques jours plus tard, Dobrica Cosic, dans une interview à Paris-Match (25 février), aspire à une Europe »où il n'y aurait pas de Finkielkraut, de Bernard-Henri Lévy, de Kouchner, de journalistes allemands, de CNN... . Il accuse également Vaclav Havel d'être un »militant cosmopolite ... Lorsque le président de la Serbie et du Monténégro fait ces confidences en forme de projet de »purification intellectuelle de Paris et de Prague, les librairies françaises diffusent déjà deux ouvrages qui sont un premier bilan de la »politique de Dobrica Cosic: le Livre noir de l'ex-Yougoslavie (63) et Le nettoyage ethnique: documents historiques sur une idéologie serbe (64) par Marc Gjidara, Mirko Grmek et Neven Simac... Le 11 mars, le président Milosevic est accueilli officiellement à Paris, à l'invitation du président Mitter

rand, tandis que les combats entre Croates et Musulmans s'intensifient.

Après les élections législatives de mars 1993, les membres du nouveau gouvernement qui s'étaient, peu de temps avant, montrés si courageux sur la question bosniaque (Simone Veil, François Léotard, Alain Lamassoure ... ) deviennent bien silencieux ou même franchement compréhensifs à l'égard des Serbes (Alain Juppé, Pierre Lellouche ... ).

L'»affaire Vuk Draskovic survient alors. Arrêté avec sa femme le 2 juin par la police de Belgrade, le leader de l'opposition serbe recevra des milliers de messages de soutien. Une pétition pour » sauver Vuk Draskovic est publiée à Paris à l'initiative d'André Glusksmann. Elle recueillera de nombreuses signatures, parmi lesquelles des personnalités qui ne s'étaient jamais manifestées auparavant et qui s'engagent pour la première fois lorsqu'une action est à mener vis-à-vis de la Serbie. Vuk Draskovic sera finalement libéré le 9 juillet.

La question qui prend peu à peu le dessus dans les débats français n'est plus de dénoncer la guerre de conquête, qu'elle soit menée par les Serbes ou par les Croates, mais de regretter la reconnaissance de la Slovénie et de la Croatie comme suprême erreur de la diplomatie occidentale. C'est ce que défend naturellement le président de l'association de solidarité France-Serbie, Gérard Baudson, rompu au discours de la propagande de Belgrade (65). Cela est plus étonnant chez M. Roland Dumas, qui n'étant plus au pouvoir, dévoile le fond de sa pensée lorsqu'il affirme le 19 juin au Forum de Crans-Montana (Suisse) que »les responsabilités de l'Allemagne et du Vatican dans l'accélération de la crise étaient »évidemment écrasantes (66) . Comme l'écrivait l'éditorialiste du Monde: »Si l'Histoire, un jour, rend son verdict, le double langage, l'incohérence, l'hypocrisie figureront en bonne place parmi les chefs d'accusation. En seront comptables entre autres tous ceux qui, aujourd'hui, tentent de rejeter toute la resp

onsabilité sur l'Allemagne (67)...

Les appels pour la Bosnie sont encore nombreux (68), comme la mobilisation dans les milieux théâtraux français, conduite par le Théâtre national de Bretagne et le théâtre du Radeau du Mans (69), dans les milieux étudiants (70), quand survient, le vendredi 18 juin, l'annonce de l'»avis de décès de la Bosnie. Les réactions aux décisions prises à Washington seront naturellement sévères. Celle de Jacques Julliard peut résumer l'état d'esprit général, à la veille des vacances d'été: »Aujourd'hui, un million de Serbes de Bosnie ont fait reculer le monde civilisé. C'est une farce, orchestrée par les avis des experts et des militaires. Pas la moindre faille en tout cas de Mitterrand à Balladur, de Roland Dumas à Alain Juppé. Ce n'est plus de la cohabitation, c'est de la communion (...). La fin de la Bosnie, c'est une date (71).

Sarajevo, capitale culturelle de l'ex-Europe

De l'été 1993 à l'été 1994, le conflit en ex-Yougoslavie va prendre une ampleur croissante, jusqu'à jouer un rôle central dans la campagne des élections européennes à travers la question de la levée de l'embargo sur les armes. Sous la direction de Véronique Nahoum-Grappe, paraît le livre collectif Vukovar-Sarajevo qui devient rapidement un ouvrage de référence. Au moins trois cents collectifs, associations et coordinations sont créés en France (72). De la pièce En attendant Godot mise en scène par Susan Sontag au Festival d'hiver d'Ibrahim Spahic qui marque le rôle de la culture comme art de survivre à Sarajevo, des échecs répétés, notamment à Gorazde, de Yasushi Akashi (représentant du secrétaire général de l'ONU dans l'ex-Yougoslavie) à la destruction de quatre avions serbes par des F-16 américains (28 février 1994), le conflit en Bosnie devient omniprésent. Au cours de cette période où les militants de la cause bosniaque prennent l'habitude de se retrouver régulièrement aux meetings organisés par Bemard-H

enri Lévy à la Mutualité, Alain Juppé se spécialise dans la critique des intellectuels, stratèges de salon, et Gérard Longuet peut interroger les téléspectateurs de »7 sur 7 : »Est-ce que cela vous empêche de dormir, la Bosnie ? Alors que les militants de la Bosnie continuent à réclamer la mise en place du tribunal international, s'inquiètent de la colonisation rampante au Kosovo ou demandent le retour des réfugiés (thèmes qui, répétés en 1994, étaient déjà présents en décembre 1991 ), trois événements, parmi un grand nombre d'appels et de manifestations, peuvent résumer l'importance accrue du conflit - le projet »Sarajevo capitale culturelle , le colloque d'Acte, enfin la liste »L'Europe commence à Sarajevo aux élections européennes.

Lancé au festival d'Avignon 1993 à partir d'une visite d'Ibrahim Spahic, le projet qui visait à faire de Sarajevo la capitale culturelle de l'Europe a suscité un très large mouvement d'opinion. Autour de cette idée forte, les communautés théâtrales et plus largement artistiques Se sont retrouvées. De nombreuses antennes locales ont été créées et la plupart des théâtres français ont participé à l'opération. Cette mobilisation hors du commun n'a pas empêché le ministre français Jacques Toubon de qualifier le projet de »fausse-bonne idée , ni le ministres de la Culture de refuser de choisir Sarajevo (73). Au-delà de cet échec pour les militants de la Bosnie, l'association »Sarajevo capitale culturelle , présidée par Bernard Faivre d'Arcier, a poursuivi son action par de nombreuses manifestations ou expositions qui ont joué un rôle important dans la mobilisation française.

Les 5, 6 et 7 mai 1994, Arte organise un colloque à la Sorbonne sous le haut patronage de François Mitterrand, »L'Europe: et si on commençait par la culture? Sorte de colloque »Les tribus ou l'Europe II , la cause bosniaque y est largement évoquée, avec la même continuité d'un colloque à l'autre. Ce qu'il y a pourtant de navrant dans ce surplace intellectuel c'est de revoir les mêmes personnes se reposer les mêmes questions depuis deux années et placer leurs gémissantes désillusions sous les bons auspices du président de la République.

Le 15 mai, juste après la sortie de son film militant Bosnia, Bernard-Henri Lévy annonce sur France 2 qu'une liste »Sarajevo pourrait être formée pour les élections européennes. Après une réunion publique le 17 mai, l'idée de liste se précise. Elle sera conduite par Léon Schwartzenberg (74). Accueillie diversement (75) créditée de 12 % puis de 7 % puis de 4 %, cette liste finit dans la guerre de clans lorsque Bernard-Henri Lévy annonce qu'elle n'ira pas au vote (30 mai) puis lorsque Léon Schwartzenberg décide de poursuivre seul le combat. L'initiative aura au moins eu le mérite d'obliger le gouvernement à justifier sa politique en Bosnie et de pousser l'opposition, à commencer par Michel Rocard, à en faire un thème central de sa campagne.

Ce qu'il y a toutefois d'étonnant dans cette liste, c'est son manichéisme maladif qui veut que les hommes politiques soient coupables sans pour cela reconnaître que »notre défaite est autant due à tous ceux qui, y compris parmi les intellectuels, se sont également trompés par aveuglement ou dilettantisme sur le sens de la crise yougoslave. Il est peu de dire que tous ceux qui figuraient sur la liste Sarajevo avaient des analyses contradictoires sur le conflit. La liste est ainsi apparue comme un acte composite, courageux et sincère pour la plupart des militants de base et les personnalités engagées depuis longtemps, de pure logique médiatique pour certains, de vengeance politicienne personnelle pour Léon Schwartzenberg. La liste Sarajevo n'en a pas moins contribué d'une manière lourde de conséquences à la démobilisation en France. A la veille de l'été 1994, le militantisme en faveur de la Bosnie finit dans la pantalonnade.

Esquisse d'analyse des réactions de l'»élite intellectuelle et morale à la guerre.

La guerre en ex-Yougoslavie aura engendré en France de nouveaux clivages ou, à tout le moins, accentué des clivages antérieurs. Parce qu'elle est le premier conflit européen essentiel de l'après-guerre froide, elle a pu apparaître comme un test. Aussi, les logiques qui ont animé les représentants de l'élite »intellectuelle et morale sont-elles fondamentales. Certes, les clivages se construisent autant sur des questions de personnes ou d'appartenance à une famille de pensée que sur des logiques idéologiques précises. Des questions de générations ont pu jouer un rôle, des logiques plus personnelles également.

La guerre en ex-Yougoslavie débute dans l'euphorie de la chute du communisme, après les moments intenses de 1989 et dans l'inquiétude de la période de transition et de redéfinition des années 19901991. La guerre du Golfe est encore proche, le putsch de Moscou a lieu quelques semaines après les débuts de la guerre en Croatie. Au moment où il faut penser à la fois la fin de la guerre froide et l'approfondissement de la construction européenne, les organisations internationales héritées des relations Est-Ouest cherchent à se réorganiser et la nouvelle stratégie de défense est en chantier. La guerre en ex-Yougoslavie qui suit de »trop près les mutations de 1989 bouscule les événements, les scénarios de prospective et surprend les diplomates occidentaux dans l'impréparation et l'incapacité de s'adapter. Le vide idéologique de la pensée française du début des années quatre-vingt dix n'améliore rien.

Une des réactions naturelles, tant des diplomates, des responsables politiques que des intellectuels sera la recherche de pôles de stabilisation dans la région. Le maintien de la Yougoslavie en est un.

Tous y voient un des principes sur lesquels il ne faut pas transiger, ce qui entraîne une lutte contre le morcellement des Balkans et un refus de l'éclatement ethnique.

Pourtant, très vite, la guerre de conquête menée par les Serbes ne peut plus être perçue comme une simple guerre ethnique. Ici survient la principale ambiguïté du conflit: les rapports entre l'ethnique, la nation et l'État. La question de l'universalisme, les phénomènes identitaires, le cosmopolitisme sont autant de points cruciaux. Que signifie la »nation dans ce nouvel espace yougoslave ? Que signifie-t-elle si on l'observe depuis la France où la nation a une histoire, celle de la lente émergence d'une unité politique dont on aime à dire que nous sommes le modèle.

Une partie des intellectuels français »de gauche qui ont mal vécu la fin de la guerre froide (et parmi lesquels un certain nombre s'étaient mobilisés contre la guerre du Golfe) seront surtout sensibles au souvenir de la résistance antifasciste des Serbes et sont encore pétris d'une certaine admiration pour la Yougoslavie de l'autogestion et de Tito (76). Les erreurs d'appréciation de ce premier groupe de personnalités françaises dans la gestion de la guerre en ex-Yougoslavie trouvent pour une large part leur explication dans ces problèmes mal résolus, ces pièges non évités. Le résultat est pourtant, entre 1991 et fin 1992, sinon le soutien actif, du moins l'appui moral implicite à un régime totalitaire. Le leader ultranationaliste des Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic, pourra affirmer, en toute bonne foi, le 4 janvier 1993: »La France n'est pas contre nous (77).

On peut rattacher à cette première catégorie un certain nombre de spécialistes de l'Europe centrale et orientale qui gardaient une certaine nostalgie vis-à-vis de l'entité yougoslave et les tiers-mondistes qui ont soutenu la Serbie, pensant que cette guerre était un problème Nord-Sud ou ont partagé l'avis de Boutros-Boutros Ghali opposant une guerre de riches (dans l'ex-Yougoslavie) à une guerre de pauvres (en Somalie) (78).

Enfin, le poids d'une vision républicaine et centralisatrice, incapable de penser la question des minorités, est sans doute le point commun qui relie dans leurs jugements quelques-uns des intellectuels ou hommes politiques de droite comme de gauche hostiles à Maastricht mais partisans du maintien de la Yougoslavie.

Face à cette gauche dite progressiste, l'intelligentsia antitotalitaire s'est retrouvée dans la condamnation de l'agression serbe et s'est divisée sur la question nationale (79). Il y avait d'un côté ceux qui dénonçaient l'expansionnisme serbe au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes; de l'autre ceux qui dénonçaient le nationalisme quel qu'il soit au nom des droits de l'homme et de l'idéal multiculturel. Les premiers ont protesté contre l'invasion de la Slovénie (80), les seconds se sont mobilisés lorsque la Bosnie a été touchée par la guerre: Sarajevo devait être défendue, plus encore que Vukovar ou Dubrovnik, car elle était le modèle de la capitale multiethnique où réussissent à coexister une mosquée avec une église catholique, une église orthodoxe et une synagogue, et tout cela à deux cents mètres de distance. Certains intellectuels marquants, comme Pierre Hassner, ont refusé de prendre parti dans ce grand débat et se sont engagés, avant tout, contre tout recours à la violence totale pour résoud

re les problèmes politiques.

»Notre défaite est le résultat de logiques qu'il faut mettre en lumière. Comment comprendre l'attitude de tous ceux qui ont à la fois cautionné la guerre contre l'Irak et lutté contre le seul bombardement des positions serbes autour de Sarajevo (81) ? Comment interpréter tous les silences des héros de la »pensée 68 ou des personnalités engagées contre la guerre d'Algérie ? Quels sont les »clignotants qui ont fait défaut ? Pourquoi la propagande totalitaire serbe a-t-elle eu un tel écho en France ? Comment le renoncement a-t-il pu l'emporter ? Comment le silence ici a laissé la barbarie perdurer là-bas ? Et si de nouvelles organisations sont apparues en France (comité Vukovar-Sarajevo, comité Kosovo, Comité Normale Sup contre la purification ethnique, Association Sarajevo (82), Sarajevo capitale culturelle de l'Europe n'est-ce pas d'abord pour combler ce vide ?

La mobilisation de quelques intellectuels, qui montre leur forte polarisation sur les conflits internationaux (parfois au détriment des débats internes, sociaux ou culturels), ne doit pas faire illusion: ils n'étaient en fait qu'une poignée. Leurs aînés, par leurs silences ou leurs observations hâtives et désinvoltes, ont participé à la confusion générale. Les intellectuels sont les seuls à ne jamais devoir rendre de comptes. Ils sont des » irresponsables ,au sens le plus pur du terme. Toutefois, nous pouvons penser que cette guerre annonce, en France, de nouvelles lignes de partage. Des fractures essentielles sont apparues. Des clivages majeurs. Piètre consolation, pourrait-on dire, après une telle barbarie.

(*) Né en 1967, Frédéric Martel est membre fondateur du comité Vukovar-Sarajevo à la revue Esprit. Chargé de mission pour les pays de l'ex-Yougoslavie au Département des affaires internationales du ministère de la Culture depuis 1992 et étant en désaccord avec la politique de coopération avec la Bosnie suivie par ce ministère, il a démissionné de ce poste en mai 1994. (Même s'il assume seul la responsabilité de ce texte, l'auteur tient à remercier pour leur relecture et leurs nombreuses corrections des différentes versions de cet article: Jacques Julliard, Pierre Hassner, Pierre Encrevé, Pascal Bruckner, Patrice Champion, Mirko Grmek, Joël Roman, Olivier Mongin, Gwenaëlle Calvès, Stéphane Foin, Julien Bousac, Jean-Luc Eyguesier, Renaud Le Gunehec.)

Notes

1. Selon la formule de Jean Daniel.

2. La guerre en ex-Yougoslavie a fait naître des clivages inattendus dans la classe politique française. Les hommes politiques engagés dès le début de la guerre ont été Bernard Stasi, Jean-Marie Daillet, Jean-François Deniau, Jacques Baumel, Alain Lamassoure puis Valéry Giscard-d'Estaing et Michel Rocard. Dès le début, Michel Vauzelle, alors président de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, avait eu une analyse juste mais il fut aussitôt contraint au silence (La Croix, 1er novembre 1991). Sur les réactions politiques françaises, voir Patrice Canivez, »La France face à la guerre dans l'ex-Yougoslavie , Esprit, mars-avril 1993, p. 49-63.

3. L'intelligence avec laquelle le président Milosevic s'est joué des mécanismes de rapports de pouvoir entre les organisations internationales (CEE, OTAN, UEO, CSCE, ONU ...) doit être analysée. La France, qui a une influence certaine dans la plupart de ces organisations, a d'ailleurs été un pion essentiel de sa stratégie. Sur ce sujet, l'article de Pierre Hassner dans l'ouvrage collectif d'Esprit, Vukovar-Sarajevo, est incontournable. Voir aussi Philippe MoreauDefarges, »Les organisations internationales et la crise yougoslave , ainsi que Michael Brenner, »Les États-Unis et la crise yougoslave , articles publiés dans Politique étrangère, n· 2, été 1992; Nicolas Baverez, »Yougoslavie: 1992 ou 1936 , Commentaire, hiver 1992-1993; »Les déclarations des Douze sur la reconnaissance des nouveaux États , Revue générale de droit international public, n· 96, 1992; ainsi que »Liban-Yougoslavie: de la dernière guerre civile d'un monde finissant au premier conflit d'un monde qui commence , Revue d'études palestinienne

s, hiver 1992, n· 42.

4. Parmi les défenseurs de la Serbie, voir les articles de Gérard Baudson au Quotidien de Paris et de Kosta Cristic au Point; ou, concernant ceux qui ont défendu le maintien de la Yougoslavie, voir les articles de Jean-François Kahn (par exemple celui du 13 août 1992), les chroniques de Bernard Guetta sur France-Inter, les éditoriaux d'Alexandre Adler...

5. Parmi les rares points de vue de militaires favorables à une intervention militaire, voir Antoine Sanguinetti, »Un dossier militaire qui frise l'"intox" , Le Monde diplomatique, janvier 1993; le général Étienne Copel, »il serait facile d'arrêter les combats , Le Figaro, 10 août 1992; le général Henri Eyraud, »L'hypocrisie de l'embargo , L'Express, 16 juillet 1992.

6. Cette question a fait l'objet de très nombreux articles. Ceux de Rony Brauman sont toujours des analyses lucides.

7. Il serait précieux de réaliser une comparaison entre intellectuels français et allemands. Voir déjà Peter Schneider, »La Barbarie serbe et la nôtre , Libération, 18 juin 1993.

8. François Fejtö, »Les origines du grand-serbisme , International affairs (1988). Voir aussi, en 1989-1991, ses articles dans Ouest-France et les journaux italiens et espagnols dont El Païs. Voir, par la suite, du même, parmi de nombreux articles: »La Yougoslavie existe-t-elle encore ? , La Croix, 28 novembre 1991; »Lettre sur le délit de non-assistance aux peuples en danger , Le Quotidien de Paris, 10 janvier 1992; »Le règlement serbo-croate: un précédent important , Le Quotidien de Paris, 23 janvier 1992; »Yougoslavie: ce n'est pas fini , La Croix, 28 février 1992; »L'Europa alla prova del conflitto jugoslavo , Mondoperaio, décembre 1992; »Intellectuels "va-t-en-guerre", politiques pacifistes , Le Monde, 17 février 1993; ou encore, »Les sources idéologiques du nettoyage ethnique , Le Monde, 9 avril 1993.

9. Paul Garde, Le Provençal, 6 juillet 1991, et Le Nouveau Libéra!, n·33, octobre 1991. Peter Handke, »Le conte du neuvième pays: ma slovénie en Yougoslavie , Libération, 22 août 1991. Michel Foucher, Télérama, mars 1993, n·2251. Alain Finkielkraut: entretien au Monde, 9 juillet 1991; Le Monde, 4 octobre 1991; Le Nouvel Observateur, 12 décembre 1991; Le Figaro, 10 décembre 1991... articles qui seront repris en novembre 1992 dans Comment peut-on être croate ?, Gallimard.

10. Jacques Defert, directeur de l'Institut français de Zagreb, sera sanctionné à cause de cet appel pour non-respect de son »devoir de réserve par l'ambassadeur de France à Belgrade, Michel Châtelais dont Le Monde dira »qu'il a fait preuve d'un remarquable aveuglement dans la crise yougoslave (10 mars 1993). Signalons ici, pour relativiser le rôle négatif souvent imputé à notre représentation diplomatique en ex-Yougoslavie, que le directeur de l'Institut français de Belgrade, Patrice Champion, a accompli un travail de sensibilisation essentiel en accueillant nombre d'intellectuels qui s'engageront par la suite pour dénoncer ce conflit. Il en va de même du travail particulièrement efficace de l'attaché culturel, Luc Lévy, par ailleurs auteur de »La fédération yougoslave , Problèmes politiques et sociaux, n·645, décembre 1990.

11. Annie Le Brun, »Guernica s'appelle aujourd'hui Vukovar , 13 novembre 199 1, Libération (page »Rebonds ).

12. Le projet mis au point alors consiste à se faire parachuter sur Dubrovnik. Celui-ci ne sera pas mis en pratique au dernier moment.

13. Bruckner, »Punir l'armée serbe , L'Express, 14 décembre 1991 Glucksmann, »Un Pearl Harbor moral , Le Monde, 11 décembre 1991; Polac, »Aveugles démocrates , L'Événement du jeudi, 5 décembre 1991 et 19 décembre 1991; Wajsman, Le Figaro, 29 novembre 1991.

14. Le Monde, 6 décembre 1991. Quelques jours plus tôt était publié un texte de quarante-trois prix Nobel dont seulement trois Français: Jean-Marie Lehn, Pierre-Gilles de Gennes et Jean Dausset (Le Monde, 22 novembre 1991).

15. Le Monde, 21 novembre 1991. Ces » Trois propositions pour la Yougoslavie seront reprises dans un éditorial de La Règle du jeu, janvier 1992, ainsi que dans les journaux Danas (Zagreb) et Vreme (Belgrade).

16. S'agissant de la traduction du texte de Tudjman, les parties les plus critiquables ont été trafiquées (suppression des guillemets de citations par exemple) et seules une vingtaine de pages ont été diffusées en France (notamment par le Quai d'Orsay). L'attentat est apparu finalement comme ayant été organisé par un groupe serbe (procès à Belgrade). Quant au damier rouge et blanc, qui a sans nul doute excité les souvenirs de la minorité serbe et qui est une erreur impardonnable du régime de Zagreb, il n'en reste pas moins que ce blason médiéval est bien antérieur historiquement à l'État oustachi et qu'il ne comporte pas dans sa forme actuelle le »U qui en faisait l'emblème des oustachis. Enfin, Paraga a été jugé et condamné à Zagreb.

17. Entretien avec François Mitterrand, Frankfurter Allgemeine Zeitung, 29 novembre 1991. Le président français poursuit: »Je ne crois pas que la Serbie veuille faire la guerre pour s'emparer de la Croatie, mais pour obtenir un déplacement des frontières et une forme de contrôle direct ou indirect sur les minorités serbes.

18. Le Monde, 11 décembre 1991.

19. »Le virus de la fragmentation , Le Monde, 27 décembre 1991.

20. Voir, en avril 1989, l'article »Confrontation avec la vérité , du leader serbe Vuk Draskovic, en réponse à Ismaïl Kadaré. Voir la plupart des articles écrits entre juillet 1991 et avril 1992 rassemblés dans le numéro hors série Manière de voir, La tragédie Yougoslave, et notamment ceux de Catherine Samary. Catherine Samary est l'auteur d'un ouvrage et de textes sur le modèle d'autogestion yougoslave (dont Le marché contre l'autogestion: le modèle yougoslave, Brèche-Pec, Publisud, 1988). Voir aussi, de Catherine Samary, dans Le Monde diplomatique, »L'éclatement de la fédération est-il inévitable ? (mai 1991), »La dérive d'une Croatie "ethniquement pure" (août 1992) ou, dans d'autres publications, »De la guerre au titisme, et vice versa ! , Politis, n·1, hiver 1992; »Des mots pour le dire , Le Monde, 8 janvier 1993; ou encore, »Une intervention de qui , Diagonale Est-Ouest, janvier 1993... Enfin, on pourra lire avec intérêt »La Yougoslavie déchirée par les nationalismes exposé du cercle Léon-Trotski du

8 novembre 1991, édité par Lutte ouvrière.

21. La Lettre internationale, printemps 1992. Voir aussi du même l'article »L'Europe de l'obscénité , Le Monde, 22 octobre 1992, et ses commentaires dans La Lettre internationale, hiver 1992-1993.

22. Il semblerait que ce que l'on a appelé la commission Badinter se résume en fait au seul Robert Badinter.

23. Voir Annie Kriegel, Le Figaro, 28 janvier 1992. On comparera cet article avec ceux du 1er septembre 1992, »Les fausses analogies (Le Figaro) où elle s'en prend à l'islam fondamentaliste du président Izetbegovic et réfute la comparaison entre intervention au Koweït et en Bosnie et celui du 12 janvier 1993 (Le Figaro) intitulé, »L'acte d'accusation contre les Serbes , où Annie Kriegel se livrera, alors que la purification ethnique serbe en Bosnie est largement arrivée à ses objectifs, à une réhabilitation des Serbes, se demandant »Qui a recensé les victimes ? , dénonçant »la frénésie des intellectuels et citant comme source de bonne foi les rapports de l'écrivain »considérable Dobrica Cosic.

24. Lignes de fond, revue de l'UDF, n· 2, 1992.

25. Libération, 4 mars 1993, le New York Times.

26. Ce postulat va devenir en quelque sorte au fil des mois: »Là où un Serbe vit, là est la Serbie , puis, dans sa version du Parlement serbe de Bosnie: »Là où la botte serbe est venue, là est la Serbie ...

27. Voir infra.

28. Le cinéaste Emir Kusturica de Sarajevo s'en prendra par exemple encore à la fin du mois d'avril au président Izetbegovic (Le Monde, 24 avril 1992), ce qui conduira les Bosniaques à le juger sévèrement et l'amènera finalement à reconnaître son erreur.

29. Bruckner, Le Monde, 28 mai 1992; Brauman, »L'Europe doit intervenir militairement , Le Quotidien de Paris, 30 mai 1992, et »La boucherie à notre porte , Le Nouvel Observateur, 4 juin 1992; Wajsman, Le Figaro, 12 juin 1992; Julliard, Le Nouvel Observateur, 30 avril 1992; Hassner, Libération, 27 mai 1992; Finkielkraut, Le Monde, 25 avril 1992.

30. Paul Garde répliquera à nouveau avec »Les défenseurs de l'indéfendable, réponse à mes contradicteurs serbes , Esprit, mai 1993. (Cet article n'est pas seulement l'expression de la défense de l'auteur mais une véritable analyse sur les méthodes de la propagande serbe, au premier rang de laquelle se trouvent les éditions L'Age d'homme.)

31. La revue Krisic d'Alain de Benoist a publié un entretien avec M. Dimitrijevic. Voir également l'ouvrage de propagande de Dimitri T. Analis, La crise yougoslave. Stratégies, diplomatie, médias, L'Age d'homme. On lira aussi avec un grand intérêt, sur les intellectuels français, la brochure Nous accusons du Dr Marko Markovic, éditée à Birmingham, 1992.

32. Voir, par exemple, Nicole Zand, Le Monde, 11 juin 1993.

33. Il y avait eu des manifestations des Croates de Paris ou des Bosniaques, mais celle-ci est organisée par les Français. Outre les précédents, les académiciens Jacques Friedel, André Frossard et Hélène Carrère d'Encausse, les historiens François Fejtö, Paul Garde et François Furet, Alexandre Minkowski, Paul Thibaud signent l'appel. Bernard Stasi, Huguette Bouchardeau, Jacques Julliard prennent la parole lors du meeting.

34. Pascal Bruckner, »Il faudra bien intervenir , Le Figaro, 10 août 1992 Jacques Julliard, »La guerre, s'il le faut ! , Le Nouvel Observateur, 12 août 1992; Marc Gjidara, Ivan Djuric, Faïk Dizdarevic, »Il faut intervenir militairement à Sarajevo , Le Nouvel Observateur, 25 juin-1er juillet 1992. Voir aussi le numéro spécial Yougoslavie du Nouvel Observateur: »Comment intervenir (13-19 août 1992).

35. Sur ce sujet on lira l'article de Véronique Nahoum-Grappe, »Le jeu des assassins , Le Monde 13 janvier 1993.

36. Voir Jacques Chirac (Le Monde, 12 août 1992), Laurent Fabius (Le Monde, 13 août 1992), Michel Rocard (Le Monde, 29 août 1992).

37. Extraits des & 40 du n·3, & 19 du n· 3 et n· 2. Les trois premiers rapports Mazowiecki ainsi que de nombreux autres textes sur les atteintes aux droits de l'homme en ex-Yougoslavie ont été rassemblés dans le Livre noir de l'exYougoslavie, Arléa (Le Nouvel Observateur/Reporters sans frontières, mars 1993).

38. Paul Garde, »La purification ethnique dans l'Histoire , La Croix, 18 août 1992; »Trois remarques sur la position française , Le Monde, 18 août 1992. Michel Polac, »Non-intervention , L'Événement du jeudi, 10 septembre 1992. Alain Finkielkraut, »L'exception française , Libération, 1er septembre 1992; »Si c'est un homme... , Le Monde, 13 septembre 1992. Pascal Bruckner, »Une infamie doublée d' une sottise , Le Figaro, 29 septembre 1992...

39. La dislocation yougoslave servira, étonnamment, d'argument autant aux partisans de Maastricht qu'à ses adversaires. Parmi les défenseurs de l'Europe, voir l'article d'Edgar Morin, »Association ou barbarie , Le Monde, 10 septembre 1992.

40. Voir par la suite les articles de Rupnik: »Le retour de l'Histoire en Europe centrale et »Europe centrale: le désenchantement ? , Politique internationale, n·55, printemps 1992.

41. Avec des articles d'Ivan Djuric, Emmanuel Wallon et Predrag Matvejevic. Voir également »L'explosion yougoslave , Les Temps modernes, février 1993. Voir aussi l'éditorial étonnant de juin 1993 signé »TM .

42. Voir notamment l'article de Yan de Kerorguen, »Une petite guerre mondiale a commencé , Esprit, octobre 1992; ou, auparavant, »Décourager la guerre , Esprit, janvier 1992.

43. Les organisateurs de la manifestation sont essentiellement Olivier Mongin, Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner, Pierre Hassner, Rony Brauman, Joël Roman et Guy Coq. Parmi les signataires figurent: Paul Ricoeur, le cardinal Decourtray, le professeur Luc Montagnier, Pierre Vidal-Naquet, Georges Canguilhem, Paul Veyne, Cornelius Castoriadis, François Fejtö, le pasteur André Dumas, Patrice Chéreau, Roman Polanski, Jean-Pierre Azéma, André Glucksmann, Jacques Rupnik, Mgr Rozier, Alexandre Minkowski, André Frossard, Jean Kahn... ainsi que les députés Bernard Stasi, Jean-François Deniau, Alain Lamassoure, Huguette Bouchardeau, Claude Evin, Jean-Christophe Cambadélis, Jacques Toubon, Alain Carignon... (Le texte de l'appel, la liste complète des signataires ainsi que le discours final prononcé place Montparnasse par Jacques Julliard ont été publiés dans Esprit, janvier 1993, p. 138-139 et p. 186.)

44. Le Monde toutefois et Le Nouvel Observateur ont accepté de publier un petit article. Libération s'y refusera comme l'AFP, France-Infos et France-Inter parce qu'ils »n'annoncent pas les manifestations . En revanche, une autre manifestation improvisée par SOS-Racisme au sujet de la boulangère de Reims et n'ayant suscité qu'une faible mobilisation sera annoncée par la plupart des médias.

45. Pierre Hassner, Olivier Mongin (»Le pire c'est de ne rien faire ), Pascal Bruckner (»Si Sarajevo devait tomber... ), Le Monde du 16 décembre 1992.

46. »Donnons-nous les moyens , Le Monde, 25 décembre 1992.

47. MSF et MDM rassemblent les signatures de 235 médecins (appel publié le 21 janvier dans Libération).

48. Le 16 janvier dans Le Monde à l'appel de Blandine Barret-Kriegel, Michèle Barzach, Annie Ernaux... Le 19 janvier un meeting est organisé à la Sorbonne par l'Alliance des femmes pour la démocratie. Avec Antoinette Fouque, Germaine Tillon, Blandine Kriegel... Le journal Elle publie une pétition, »Les femmes contre l'oubli , qui recueille plusieurs centaines de signatures.

49. Brice Lalonde, Bernard-Henri Lévy, Taib Becto le mardi 26 janvier à la Sorbonne. Par ailleurs, le 8 janvier atm un rassemblement pour la paix à l'initiative de Bernard Lacombe (CGT), Denis Langlois (Politis), Appel des cent, PCF... Ils »refusent que l'intervention militaire étrangère soit la seule solution pour mettre fin à la guerre...

50. Conscient du caractère tardif de l'action d'Amnesty, son nouveau secrétaire général, Pierre Sané, a déclaré: »... nous sommes en train de procéder à un réexamen. Amnesty international est un pur produit de la guerre froide, donc d'un monde figé entre deux blocs antagonistes (...). Il nous faudra voir, dans l'examen de la crise yougoslave, s'il n'y aurait pas eu des opportunités de travailler avec la société civile (Libération, 22 avril 1993).

51. Voir M. Cmohrnja, Le drame yougoslave, éd. Apogée; R. Vukadinovic, La fin de la Yougoslavie et l'instabilité balkanique, Cahiers du CERI; Michel Roux, Les Albanais en Yougoslavie, éd. Maison des sciences de l'homme... Voir également (ouvrage légèrement antérieur), le n·67 d'Hérodote (4e trimestre 1992), La question serbe.

52. Aucun article sérieux n'a été rédigé sur l'organisation des »Serbes de Paris et sur leurs intentions. Un travail essentiel est à faire car, ceux-ci moins encore que leurs alliés de Belgrade, n'avaient de circonstances atténuantes puisqu'ils disposaient de toutes les informations nécessaires.

53. Voir Max Gallo, »La capitulation de la raison , Le Monde, 15 janvier 1993. Signalons qu'un des témoins les mieux placés, l'architecte et ancien maire de Belgrade Bogdan Bogdanovic, réagira à cette affiche (lors d'une rencontre à la revue Esprit le lundi 22 février 1993) en disant que la comparaison ne le gêne pas: »Il y a un fascisme de bois - le nôtre - et un fascisme de fer [... ). Milosevic est un nazi bordélique, folklorique. Michel Polac prendra également la défense de l'affiche dans L'Événement du jeudi du 14 janvier.

54. LDH, LICRA, MRAP, SOS-Racisme... ainsi que CGT, JEC, JCR, PCF, PS, SGEN-CFDT, SNES, SNESUP, UNEF, les Verts et plusieurs dizaines d'autres...

55. Le 23 février, sous la présidence de Federico Mayor, l'UNESCO organise un colloque, »Ex-Yougoslavie: penser l'avenir , où sont présents, parmi des invités essentiellement pro-yougoslaves, Boris Vukobrat et Vladimir Dimitrijevic. Tous deux assurent un soutien logistique ou idéologique de l'extrémisme serbe à l'étranger.

56. Nous avons adressé à deux reprises dans la perspective de cet article une lettre en 1993 à l'ensemble de ces organisations - et notamment à celles qui ontappelé à la manifestation du 6 février 1993. Cette lettre sollicitait de ces structures la communication d'une copie des prises de position, articles, ou tracts de manifestations ayant un rapport avec la guerre en ex-Yougoslavie. La LICRA, la LDH, les Verts, le SNES, la Cimade et l'AEC nous ont répondu. En revanche, SOS-Racisme, la LCR, le MRAP, le CAIF le FASTI, l'UNEF-SE, le CRIF n'ont pas donné de suite à nos deux lettres.

57. S'agissant des syndicats, la CFDT, le SGEN, la FEN se sont associés, on l'a vu, à la manifestation de novembre ou de janvier 1993. En revanche, le SNES (proche du PCF) s'y est refusé. Il s'est contenté de participer à la manifestation de la LDH en janvier 1993 et d'adresser le 7 janvier une petite lettre aux chefs de toutes les délégations aux négociations de Genève (lettre où le mot »serbe n'apparaît pas). Ces missives demandaient aux Musulmans comme aux Serbes de faire cesser les »inadmissibles exactions comme l'inacceptable »politique d'épuration ethnique...

58. En ce qui concerne la LICRA, si la crise yougoslave est rapidement évoquée dans le numéro de Droit de vivre de novembre 1992, c'est aux côtés de la Slovaquie, la Hongrie, la Pologne... et sous le titre global de La montée du racisme et de l'antisémitisme. Dans cette période-là, seul l'acquittement de la »boulangère de Reims et la gerbe déposée par François Mitterrand illustrent pour la LICRA la montée du racisme... Ainsi le n·566 de décembre 1992 - janvier 1993 de la revue de la LICRA (Droit de vivre) est consacré à la montée des périls en Europe. Pas un seul article n'évoque la situation en ex-Yougoslavie...

59. Les communistes, en militant pour la paix et la non-intervention militaire, ont clairement fait le jeu de Milosevic; voir, par exemple, »L'amalgame des va-t-en-guerre , L'Humanité, 7 janvier 1993, l'article de José Fort L'Humanité du 7 août 1992 et »Non à l'intervention militaire , L'Humanité, 8 août 1992 (déclaration de Francis Wurtz). Voir, par ailleurs, Lutte ouvrière du 5 juin 1992: »Il n'y a pas de solution bourgeoise et »Un an de surenchères sanglantes entre les cliques nationalistes ; leur pacifisme s'est combiné avec un soutien aux néo-communistes de Belgrade.

60. Le Nouvel Observateur, 12 août 1992.

61. Entretien au Monde, 9 février 1993. Le président a dit: »La France n'a pas été et ne sera pas antiserbe. Elle est et sera antitorture, anticamps de concentration, antiguerre d'expansion. C'est tout (...). La France n'engagera pas d'opérations militaires. Sur l'attitude du Président de la République et de la classe politique en général, voir Patrice Canivez, Questions de responsabilité, Colibri 1994.

62. Edgar Morin, »Le temps de la mort et du mal , Le Monde, 20 janvier 1993. La réponse de Cosic est publiée sans le moindre commentaire de réserve de la part de la rédaction du Monde et sous la signature de »Président de la République fédérale de Yougoslavie , ce qui est déjà un parti pris certain.

63. Voir note 37, p. 141.

64. Paru chez Fayard.

65. Il a publié L'Europe des fous ou la destruction de la Yougoslavie, éd. du Club privé des Communautés européennes, 1993. Voir l'entretien du Quotidien de Paris, 30 juillet 1993. Gérard Baudson, mais également l'écrivain serbe Komnen Becirovic, Robert Somekh et Anne Yelen ont envahi les colonnes du Quotidien de Paris avec des articles favorables à la Serbie (voir Le Quotidien de Paris, 24 mars, 29 mai, 27 juillet, 12 août, 29 août. 12 décembre 1992).

66. Le Monde. 22 juin 1993.

67. 19 juin 1993.

68. Appel "Etre présents à Sarajevo" en réponse aux intellectuels de Sarajevo (voir Le Nouvel Observateur, 27 mai 1993).

69. Le monde du théâtre va réclamer peu à peu que Sarajevo devienne la capitale culturelle européenne au cours des six mois de battement entre Anvers (1993) et Lisbonne (1994). Une »Nuit pour Sarajevo sera organisée fin juillet au festival d'Avignon dans la cour d'honneur du palais des Papes où seront lus une trentaine de messages de la capitale bosniaque.

70. Multiplication des initiatives d'"Étudiants pour Sarajevo" et du Comité contre la purification ethnique de Normale Sup. Publication par un groupe d'étudiants, autour de Boris Nadjman, de Bosnie, réagir !

71. Le Nouvel Observateur, 27 mai 1993.

72. Voir »Citoyens pour la Bosnie , Le Monde, 11 mai 1994.

73. Jacques Toubon dans Libération, le 28 octobre 1993. Il a dénoncé également les »caravanes d'artistes... parades d'intellectuels en gilet pareballes .

74. Elle comprendra notamment l'amiral Sanguinetti, Paul Garde, Alain Joxe, Bemard Faivre d'Arcier, Alain Touraine, Daniel Rondeau, Pascal Bruckner, Bemard-Henri Lévy, André Glucksmann...

75. Voir Régis Debray, »Les frères ennemis (Le Monde, 25 mai) et les réponses de B.-H. Lévy (Le Monde, 27 mai) et Alain Touraine (Libération, 26 mai). Voir aussi Olivier Duhamel, »Arrêter le n'importe quoi et Alain Minc, »Ni Aron, ni Malraux, ni Zola (Le Monde, 1er juin).

76. Sur ce point, l'ouvrage d'Annie Le Brun, Les assassins et leurs miroirs. Réflexion à propos de la catastrophe Yougoslave, Jean-Jacques Pauvert/ Terrain Vague, avril 1993, apporte des arguments de poids.

77. »Le découpage de la Bosnie se négocie à Genève , Libération, 4 janvier 1993, p. 2.

78. Dans le conflit yougoslave, le secrétaire générale de l'ONU a accumulé les déclarations maladroites et fait preuve d'une constante indulgence pour les Serbes, tout en relativisant constamment le conflit yougoslave par rapport aux autres foyers. Ainsi, dans Le Nouvel Observateur du 8-14 avril 1993, il pouvait encore affirmer: »Moi, par pente naturelle... j'ai tendance à globaliser. Je pense à ce qui se passe en Arménie où ont eu lieu, dans l'indifférence générale, de terribles massacres. Ou au Soudan [... ]. Boutros-Boutros Ghali précise qu'il ne cesse pas de répéter: »Messieurs, la Yougoslavie, c'est important, mais il y a d'autres domaines méconnus et pourtant essentiels: l'environnement, les opérations de démocratisation dans le monde, la prise en charge de dix-sept millions de réfugiés...

79. Cette division se retrouve parmi les spécialistes originaires des pays concernés. Jacques Rupnik, François Fejtö, Marc Gjidara, Hans Stark, l'historien du sida Mirko Grmek, Neven Simac et Natacha Rajakovic, Ismaïl Kadaré ont plus ou moins défendu les indépendances slovène et croate tandis que d'autres furent plus modérés (Joseph Krulic ... ). Plus radicales encore, trois femmes exilées croates en France et en Allemagne sont entrées »en résistance contre la Croatie: Rada Ivekovic, Slavenka Drakulic et Dubrovka Ugresic (de cette dernière, voir »Sarajevo mon amour , La Règle du jeu, n·9, 1993, ou »Le coeur en pain d'épice , La Lettre internationale, printemps 1993). Quant à Ivan Djuric, l'exilé serbe le plus célèbre à Paris, il aura clairement dénoncé l'agression de Milosevic auquel il s'est opposé à Belgrade. Il reste assez proche dans ses analyses du point de vue bosniaque (voir notamment, dans un dossier de presse riche de plusieurs dizaines d'articles: »Les racines historiques du conflit serbo-croate ,

Études, octobre 1991; »Réalité historique et géostratégique de l'espace yougoslave , Les Temps modernes, octobre 1992; »L'Europe face à la Yougoslavie: être ou ne pas être , Libération, 26 août 1992 »Les racines de la haine , Le Nouvel Observateur, 13-19 août 1992, etc.).

80. Les positions de l'Église catholique en faveur de la Croatie peuvent être mentionnées ici comme celles de Mgr Decourtray, Mgr Rozier, Mgr Delaporte, Mgr Dubost, Mgr Duval, André Frossard, la Cimade ou encore l'ACAT. Par ailleurs, on peut se demander si l'on ne peut pas placer ici (au moins partiellement) l'engagement d'Esprit et de périodiques très en pointe dans ce combat comme Télérama et La Croix. Le pasteur Stewart s'est associé à la plupart des mobilisations.

81. Jean-Claude Casanova écrira: »Les professeurs de droit international qui pullulaient quand il s'agissait de défendre les droits du Koweft sont devenus silencieux... (L'Express, 16 juillet 1992).

82. L'Association Sarajevo a été créée le 31 août 1992. Elle est présidée par Francis Jeanson.

 
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