CHARLES MILLON: "IL EST IMPOSSIBLE D'AVOIR UN MESSAGE FLOU
OU AMBIGU SUR L'EUROPE".
propos recueillis par Pascale Robert-Diard
SOMMAIRE: Charles Millon, président du groupe UDF de l'Assemblée nationale, président du conseil régional Rhône-Alpes, a annoncé, mercredi 9 novembre, qu'il sera candidat à l'élection présidentielle si les » candidats naturels de l'UDF que sont, à ses yeux, Valéry Giscard d'Estaing, président de la confédération, et René Monory, président du Sénat, ne le sont pas. M. Millon appuie sa démarche sur la nécessité d'un débat à droite, particulièrement au sujet de l'Europe.
(Le Figaro, 10-11-1994)
» Vous venez d'annoncer sur RTL que si Valéry Giscard d'Estaing et René Monory ne se présentaient pas, vous porteriez vous-même les couleurs de l'UDF dans cette campagne présidentielle. Qu'est-ce qui a décidé votre engagement ?
- L'Europe est dans une phase cruciale. Elle a dix-huit mois pour réussir ou pour capoter. Il est impossible, sur cette question, d'avoir un message flou, ambigu ou insipide. Ce serait ouvrir un boulevard à Jacques Delors. Or les différences d'appréciation qui apparaissent actuellement dans la majorité démontrent à l'évidence qu'un candidat unique serait amené à tenir ce langage ambigu - on l'a vu pendant la campagne des élections européennes - et, à partir de ce moment-là, à laisser le thème européen à la gauche et à Jacques Delors. L'échéance présidentielle est capitale. C'est à cette occasion que se déterminera la nature de la construction européenne. Il conviendra que les candidats se positionnent clairement sur la réforme des institutions, l'union monétaire et la mise en oeuvre d'une politique de sécurité. S'il y a un candidat unique, il faudra qu'il concilie des contraires !
- Avez-vous le sentiment que le référendum annoncé par Jacques Chirac constitue une menace pour l'application du traité de Maastricht ?
- Je pense que ce référendum est inutile. Lors du référendum sur Maastricht, les Français ont choisi et décidé la mise en oeuvre de l'union monétaire. Il est possible d'envisager un débat à l'Assemblée nationale, pour faire le point sur les critères, de convergences, comme le Bundestag allemand envisage de le faire, mais il est impossible de remettre en question la déci-sion du peuple français. La CDU-CSU a fait des propositions. C'est un signal très fort lancé à la France ; il faudra qu'au cours de la campagne présidentielle nous donnions très clairement une réponse à cette proposition.
- François Léotard, qui appartient comme vous au Parti républicain, a indiqué hier que l'UDF n'avait pas de candidat et que le seul qui pouvait gagner était Edouard Balladur. En vous engageant dans la campagne, vous déniez donc au premier ministre le droit de porter les idées de l'UDF?
- Edouard Balladur fait partie du RPR. Il a participé à sa stratégie depuis 1983. Je ne vois pas pourquoi la famille UDF irait confier ses convictions à une personne extérieure. Mon objectif est simple : il y a deux grandes familles dans la majorité : le RPR et l'UDF. Elles ont des sensibilités différentes et des valeurs auxquelles elles se réfèrent.
Il m'apparaîtrait tout à fait incongru qu'une de ces deux familles, qui a porté des thèmes qui vont être au centre de la campagne électorale - l'Europe bien sûr, mais aussi la démocratie représentative et la décentralisation, l'impartialité et l'intégrité de l'Etat, et enfin, la cohésion sociale et l'emploi -, ne s'exprime pas de façon forte et autonome. Le premier tour permettra l'expression des diverses sensibilités. et un vrai débat s'engagera. Les Français pourront trancher, et au second tour, le plus convaincant sera présent pour défendre les couleurs de la majorité. Si, par malheur, la majorité n'organisait pas ce grand débat de fond, pour des raisons tactiques, elle l'abandonnerait soit à la gauche, et Jacques Delors l'a déjà montré avec la publication de son ouvrage, soit à des partis extrêmes qui, à travers des slogans, capteraient ce débat,
Propos recueillis par
Pascale ROBERT-DIARD