PHILIPPE SEGUIN VEUT ASSOCIER LES PAYS DE L'EST A LA REFLEXION SUR L'AVENIR DES INSTITUTIONS EUROPEENNES.
par Pierre Servent
SOMMAIRE: A l'occasion d'une visite en Roumanie, Philippe Seguin, président de l'Assemblée nationale, a plaidé pour l'Europe des nations, la "grande Europe", une Europe qui doit accueillir les pays d'Europe centrale et pour une »diplomatie parlementaire qui serve de tribune des peuples . (Le Figaro, le 12 novembre 1994)
Que ce soit en privé, avec les responsables politiques roumains, en public, devant les parlementaires des deux Chambres réunis pour l'entendre, à l'université de Bucarest, à l'occasion de la remise du titre honoris causa, ou devant le public rassemblé à l'Institut culturel français pour le lancement, en roumain, de son livre 'Louis Napoléon le Grand', Philippe Séguin n'a eu qu'un slogan à la bouche: »La grande Europe, la grande Europe, la grande Europe! .
Si, durant cette visite officielle, les 7 et 8 novembre, il n'est pas allé jusqu'à sauter sur sa chaise »comme un cabri pour vanter les mérites d'une »grande Europe sans exclusive économique, d'une Europe fondée sur les nations et véritablement démocratique, il a pu donner parfois le sentiment d'exporter en Roumanie un débat qui s'annonce essentiel dans la campagne présidentielle française mais qui, vu de Bucarest, présente peut-être des angles moins politiques et plus économiques.
Certes, le président de la Chambre des députés, Adrian Nastase, - puissance invitante -, le premier ministre Nicolae Vacaroiu, le ministre des affaires étrangères, Teodor Melescanu, et le président Ion Iliescu, se sont félicités d'entendre Philippe Séguin leur dire son souhait de voir les pays d'Europe centrale et orientale, qui ont vocation à rejoindre plus tard l'Union européenne, être associés dès aujourd'hui à la réflexion engagée sur l'avenir institutionnel de l'UE. Comme tous les parlementaires qui l'ont longuement applaudi, ils ont aimé l'entendre dire : »Nous devons répondre aux défis de l'Histoire et bâtir ensemble la nouvelle grande Europe. Les rappels des liens du passé, du rôle joué par Napoléon III dans l'émergence de la nation roumaine et de la vivacité de la francophonie dans cet îlot latin dans un monde slave, ont également touché les coeurs.
Plaidoyer contre un rideau de fer économique
Pour autant, le réalisme a primé du côté roumain. Bucarest attend avec impatience que le statut de membre associé à l'UE soit définitivement ratifié pour devenir effectif au mois de janvier 1995. Et les premiers mots du président Iliescu, après ceux de bienvenue, ont été pour regretter que la France fasse preuve d'une certaine »inertie dans le domaine économique et qu'un »pays latin comme la Roumanie ne soit pas aussi bien traité que d'autres. »La France a ici un avantage sentimental mais les affaires sont les affaires , a rappelé le président roumain.
De la même façon, Adrian Nastase, tout en se félicitant de l'excellence de la coopération culturelle franco-roumaine, a estimé que les relations bilatérales politiques et économiques ne suivaient pas au même rythme. Quant à l'idée de Philippe Séguin de créer un »conseil de sécurité européen , elle a été bien reçue en général, mais, comme l'a souligné M. Nastase, il ne faudrait pas que ceux qui se trouveront éloignés des commandes réelles de ce futur conseil - c'est-à-dire les »petits pays européens -, en fassent les frais comme à l'ONU.
Enfin, outre son plaidoyer pour une Europe sans »rideau de fer économique , M. Séguin a profité de ce voyage pour défendre à nouveau les vertus d'une »diplomatie parlementaire qui serve de tribune des peuples tout en accompagnant et en complétant la diplomatie traditionnelle. Il a laissé entendre qu'au cours de la présidence française de l'Union européenne (au premier trimestre 1995), le Parlement français ne resterait sans doute pas inerte dans ce domaine...