AU LENDEMAIN DU "OUI" SUEDOIS A L'EUROPE,
BRUXELLES ESPERE UN "EFFET DOMINO".
par Pierre Bocev
SOMMAIRE: En Norvège, une majorité s'opposerait encore à l'UE, mais le vote suédois pourrait faire bouger les choses en .. Suisse.
(Le Figaro, 15-11-1994)
L'Europe, malgré ses zizanies et ses blocages, garde un pouvoir d'attraction. Les Suédois viennent de le confirmer, dimanche, fût-ce avec une petite majorité de 279 935 voix sur près de 6,5 millions d'électeurs. Le "modèle européen" existe, s'est félicité Alain Lamassoure, le ministre français des Affaires européennes. Le chef de la diplomatie allemande, Klaus Kinkel, a qualifié la décision suédoise de la "plus importante" de ce pays au cours de ce siècle.
52,2 % des Suédois ont dit "ja" à l'Europe et 46,9 % "nej". L'ampleur du soutien à l'Europe s'érode au fil des référendums : 66,4 % de "oui" en Autriche en juin, 56,9 % le mois dernier en Finlande. Reste désormais l'inconnue d'Oslo.
Les Norvégiens sont appelés à se prononcer le 28 novembre, et les perspectives d'une adhésion demeurent moroses à en croire les derniers sondages : 48 % d'opinions défavorables contre 29 % seulement d'intentions d'accession.
"Je demande aux Norvégiens de réfléchir", a lancé Jacques Delors, que le oui suédois satisfait à double titre, en tant que président de la Commission et comme homme politique dont on attend toujours la publication des intentions élyséennes. Le premier ministre norvégien, Gro Harlem Brundlandt, a placé ses espoirs dans un »nouvel élan venu de Stockholm.
Mais vingt-deux ans après le rejet de la CEE par les Norvégiens, par 53,4 % des suffrages, les chances d'un retournement paraissent d'autant plus minces qu'il y a une nette minorité de blocage au Storting: le Parlement d'Oslo devra ratifier un éventuel vote positif par trois quarts des voix des députés.
Le vote suédois devrait en revanche sonner le glas des atermoiements que manifestent les anti-européens à Helsinki. L'approbation du Parlement finlandais devrait ne plus faire de doute. A terme, les choses pourraient même bouger à Berne où, à la surprise générale, un sondage commandité par le Crédit suisse a fait apparaître, jeudi dernier, 57 % d'opinions favorables à l'Europe, contre 36 % il y a un an. Pour le gouvernement fédéral helvétique, la Suède a créé une "nouvelle situation géopolitique ", et le quotidien Tagesanzeiger de Zurich exprime les deux choix possibles de la Suisse : "L'adhésion à long terme ou un cavalier seul durable."
L'idée de Delors
L'Aele, Association européenne de libre-échange imaginée à l'origine par Londres pour court-circuiter la CEE, et l'Espace économique européen (EEE), structure d'accueil au "marché unique" créée par Bruxelles pour les non-adhérents, ne comprennent plus aujourd'hui que l'Islande, la Liechtenstein et, pour l'instant, la Norvège. Pour le quotidien zurichois, les deux ensembles vont "mourir de leur belle mort".
Sans doute, mais peut-être moins vite que prévu. Car Jacques Delors a lancé l'idée, "toute personnelle" prend-il la peine de préciser, d'ouvrir l'EEE aux pays d'Europe centrale et orientale désireux de rejoindre l'Union.
L'EEE, estime le président de la Commission, "devrait permettre à ces pays de s'adapter progressivement aux conditions de la vie en commun dans l'Union européenne". Reste à savoir si cette initiative passera le cap du prochain »sommet européen, en décembre à Essen... La Suède renforcera, comme la Finlande et l'Autriche, le camp de ceux qui pousseront à un élargissement vers l'est de l'UE.
Pierre BOCEV