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Delors Jacques, Carton Daniel, Jarreau Patrick, Le Monde - 15 novembre 1994
Delors sur l'avenir de l'UE

Interview de Jacques Delors

par Daniel Carton et Patrick Jarreau

SOMMAIRE: Pour Jacques Delors le passage à la monnaie unique n'est pas suffisant. Il est nécessaire qu'émerge également une forme de gouvernement économique. Quant au document de la CDU-CSU, Delors affirme que sa signification première est celle de confirmer "l'engagement européen allemand" mais aussi de rappeler aux Français qu'il est nécessaire qu'ils prennent position "dans cette période cruciale pour l'avenir des nations européennes." (Le Monde, Extraits, le 15 novembre 1994)

(...) - Ces derniers jours, deux propositions sont venues, l'une du groupe de travail du Plan dirigé par Alain Minc, préconisent d'accélérer le passage à la monnaie unique; l'autre de Jacques Chirac, disant: on ne pourra pas le faire avant 1999 et en tous cas, pas sans une nouvelle consultation des Français. Vous avez bien une préférence entre ces deux façons de voir l'avenir de la France en Europe ?

- En tant qu'homme soucieux du respect des traités internationaux, je dirai qu'il faut respecter nos engagements. Il y va de la crédibilité de la France. Mais le passage à la monnaie unique n'est pas un remède-miracle. Il ne pourra être accepté durablement par la population que s'il s'accompagne d'une coordination des politiques économiques. Autrement dit, face à une banque centrale indépendante, il faudra une forme de gouvernement économique, afin de maintenir l'équilibre entre les contraintes salutaires d'une monnaie stable et les exigences d'un développement économique et social harmonieux.

»Ce n'est pas pour rien que j'ai fait adopter, au niveau européen, des politiques structurelles pour venir en aide aux régions en retard ou en mutation structurelle, pour stimuler le développement rural, pour accorder la priorité à l'insertion professionelles des jeunes ou à la lutte contre le chômage de longue durée. Ces orientations devront être renforcées dans les années à venir, grâce à plus de cohérence et de convergence entre les politiques nationales, qui demeurent compétentes, au principal, pour ces actions de solidarité.

- L'élection présidentielle française sera-t-elle importante pour l'Europe ?

- Tous les Européens ont les yeux fixés sur nous. Parce que la France séduit et agace à la fois. Mais ils savent aussi que notre pays a toujours été à la tête du mouvement pour une Europe unie. Par conséquent, ils se sentiraient orphelins si la France ne prenait pas clairement position.

»Puis-je, à ce sujet, rappeler que le document de la CDU allemande - sans se pencher ici sur le fond - a deux significations: tout d'abord, il confirme l'engagement européen allemand; mais il est aussi, en quelque sorte, une lettre recommandée adressée aux Français, leur disant - »Et vous, qu'en pensez-vous ? Vous n'êtes pas obligés de penser comme nous, mais, nous vous en prions, prenez position dans cette période cruciale pour l'avenir des nations européennes.

- Et vous, que pensez-vous de la réponse ?

- C'est le silence radio, pour le moment ! Nos partenaires en concluent donc que la France hésite. Et ce silence peut devenir désastreux, même s'il n'est jamais trop tard pour bien faire. La construction européenne reste indispensable pour la France et, surtout, pour ceux qui ont les plus nobles ambitions pour notre pays. Si nous voulons rayonner, nous ne pourrons le faire que dans et à travers l'Europe, parce que nos propres marges de manoeuvre, comme celles de tout autre pays européen, sont trop réduites.

»Il n'y a pas d'alternative dans ce monde plein de risques et de menaces pour notre sécurité, pour notre bien-être, pour nos acquis sociaux. Si nous continuons dans la voie que j'ai contribué à tracer pour une union des nations européennes, nul doute que nous réussissions à faire rayonner la France et à renforcer notre capacité à faire progresser la société française.

- Le niveau de pertinence politique, aujourd'hui en France, c'est donc, à vos yeux, la construction européenne ?

- C'est la condition pour défendre nos intérêts et promouvoir nos idées sur le plan international. C'est une des conditions du progrès interne à la France, mais ce n'est pas la seule. En réalité, la construction de l'Europe est la seule grande aventure collective, tournée vers l'avenir, que l'on offre actuellement aux Français. Mais ce ne devrait pas être la seule. Il peut y en avoir d'autres aussi. La lutte contre le chômage et l'exclusion en est une magnifique, que l'on peut engager au niveau des négociations sociales, des villes, de l'éducation nationale, de la réforme fiscale, de l'adaptation de nos systèmes de sécurité sociale. Elle demandera, naturellement, que chacun fasse un effort.

»Alors qu'actuellement, à droite, on laisse entendre que tout cela est la conséquence d'avantages sociaux trop élevés, comme si pour devenir plus heureux, il fallait tendre vers le niveau de vie des pays les moins riches ! Et puis, à gauche, certains persistent à déclarer qu'il y aurait des politiques miracle, des trésors cachés. Fort heureusement, ils sont minoritaires, mais ils crient plus fort que les autres.

»C'est pourquoi, je le répète, il faut ouvrir le chantier de la réforme de la société par elle-même. Remettre la société en mouvement en faisant appel au sens de la responsabilité de chacun, telle est la seule voie pour un renouveau de la démocratie politique et sociale.

 
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