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Liberation - 22 novembre 1994
Les accords de Schengen.

LA MISE EN PLACE DES ACCORDS DE

SCHENGEN A NOUVEAU REPOUSSEE

par J.Q.

SOMMAIRE: Réunis hier à Heidelberg, les neuf ministres du groupe Schengen (les Douze, moins la Grande-Bretagne, l'Irlande et le Danemark) ont renvoyé au 28 mars 1995 l'entrée en vigueur de la libre circulation des personnes au sein de l'Union européenne.

(Libération, 22-11-1994)

La France joue contre-la-montre. Alors que ses partenaires estiment que l'on aurait pu décider, dès hier, que la Convention signée le 19 juin 1990 s'appliquerait dès le 1er janvier prochain, Paris a une nouvelle fois tout fait pour obtenir un délai en invoquant les "difficultés techniques" que rencontrerait encore le Système informatique Schengen (SIS) *, ce fichier européen installé à Strasbourg. Face à la détermination du gouvernement français et plutôt que de risquer une crise, la présidence allemande du groupe a donc décidé de convoquer une nouvelle réunion ministérielle, le 22 décembre prochain à Bonn afin, indique le communiqué final, qu'une "date fixe (soit) arrêtée pour la mise en application irréversible de la convention de Schengen".

A l'issue de la réunion, le ministre délégué aux Affaires européennes, Alain Lamassoure, livrait néanmoins à quelques journalistes, le calendrier auquel Paris serait prêt à donner son aval: "En décembre, nous vérifierons que le SIS est opérationnel (...) Nous aurons alors besoin d'environ trois mois de phase expérimentale", ceci afin de s'assurer que les ordinateurs fonctionnent correctement une fois les données policières chargées (entre autres, les noms de 3.000 personnes recherchées, de plusieurs dizaines de milliers d'étrangers » indésirables sur le territoire commun ainsi que le listing de plusieurs millions d'armes à feu, de véhicules volés, de faux billets). Ce qui repousse l'échéance au mars prochain.

Le fonctionnement "à blanc" du SIS sera surveillé de près par un "comité de suivi" créé pour l'occasion. Puis, "au fur et à mesure que l'on constate son bon fonctionnement" les contrôles aux frontières internes devraient pouvoir être levés. Et c'est seulement au 1er juillet prochain, soit après les élections présidentielle et municipales, que l'on pourra voyager de Berlin à Madrid sans montrer ses papiers d'identité.

Du côté allemand, en revanche, on n'est pas tout à fait d'accord avec le calendrier tricolore. Pour un officiel allemand, la libre circulation entre les pays de Schengen doit être effective dès le 28 mars, une période expérimentale de trois mois étant amplement suffisante. Ce qui n'empéche pas, ce que prévoit d'ailleurs Schengen, d'instituer des "Contrôle policiers volants" au-delà de la frontière.

En outre, ce dont convient d'ailleurs Alain Lamassoure, la convention de Schengen ne prévoit nullement une mise en application progressive, libre circulation et entrée en fonction du SIS étant intimement liées. Autant dire que l'on soupçonne la France de vouloir encore une fois retarder Schengen et de chercher à se donner du temps afin de trouver une nouvelle objection. Comme le donnent à penser aux partenaires de Paris les récentes déclarations de Charles Pasqua ministre de l'Intérieur, sur l'afflux de drogue en provenance des Pays-Bas. Bref, lors de la réunion du 22 décembre prochain, on risque fort d'asssiter à une passe d'armes entre Paris et Bonn sur ce sujet. A moins que le terrain ait été déminé d'ici là, notamment lors du sommet franco-allemand des 29 et 30 novembre.

Cette mésentente franco-allemande - hier un officiel allemand estimait quel "la France est le seul pays à traîner des pieds" - n'est pas nouvelle. Dès avril 1993, la France avait fait savoir

qu'elle s'opposerait à l'entrée en vigueur de Schengen, "les conditions préalables à la libre circulation des personnes" n'étant pas réunies. Car Schengen ne prévoit pas une ouverture des frontières entre les pays signataires à n'importe quelles conditions. Afin de compenser l'abandon des contrôles, des "mesures compensatoires" sont en effet prévues: renforcement et harmonisation des contrôles aux frontières extérieures, coopération judiciaire et policière et, surtout, mise en place du SIS afin que les polices européennes puissent interpeller un délinquant ou un étranger "indésirable" où qu'il se trouve en consultant simplement leurs ordinateurs. C'est l'ensemble de ces mesures que Paris n'estimait pas respecté...

Si la plupart des diplomates conviennent que les objections françaises étaient loin d'être infondées en 1993, on estime désormais que plus rien ne s'oppose à l'application de Schengen et que le SIS, qui a reçu son habilitation le 14 novembre dernier, est désormais fiable. En dépit des moues dubitatives de l'entourage de Charles Pasqua.

J.Q.

 
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