L'EUROPE PRETE A UN DUO PROGRESSIF AVEC LE MERCOSUR
par Véronique Kiesel
SOMMAIRE: A l'occasion d'une réunion des ministres des affaires étrangères des quatre pays du Mercosur avec la Commission européenne, l'auteur montre les perspectives de développement du Mercosur (auquel la Bolivie et le Chili s'apprêtent à adhérer) et souligne les possibilités d'une coopération privilégiée avec l'UE, "plus proche" d'une certaine façon du sous-continent sud-américain que ne le sont les Etats-Unis. (Le Soir, 23 novembre 1994)
Jeudi, les ministres des Affaires étrangères argentin, brésilien, paraguayen et uruguayen seront reçus à Bruxelles, à l'invitation du président de la Commission de l'Union européenne, Jacques Delors. Au menu des discussions, l'intégration progressive de l'Europe et du Mercosur, avec pour but final la création d'une vaste zone de libre-échange trans-continentale. Dans un premier temps, un accord interrégional de coopération commerciale et économique pourrait être conclu.
Regroupant au sein d'un marché commun l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, le Mercosur, né en 1991, prendra sa vitesse de croisière le premier janvier 1995, puisqu'une véritable union douanière sera alors mise en place. Attirés par cette perspective, le Chili et la Bolivie ont exprimé récemment leur volonté de s'associer à cet ensemble.
Or, depuis sa fondation, le Mercosur a souhaité se rapprocher d'autres associations économiques régionales. Au départ, c'est plutôt vers l'Alena (Accord de Libre Echange Nord-Américain) que le Mercosur se sentait attiré, notamment dans la foulée de l'initiative pour les Amériques lancée il y a six ans par le président Bush. Mais c'est finalement avec l'Union européenne que le Mercosur entame son rapprochement.
AUSSI DES LIENS CULTURELS
"Et ce n'est que logique, explique l'ambassadeur de l'Argentine auprès de l'Union européenne, Diego Ramiro Guelar. L'Europe est le premier investisseur étranger du Mercosur, et également son premier partenaire commercial, puisque, en 1992, l'Europe absorbait 26,8 % de ses échanges contre 21,6 % au reste de l'Amérique latine et 21,5 % pour l'Amérique du Nord. Nous sommes donc plus proches de l'Europe que de l'Amérique du Nord, que ce soit en chiffres mais aussi en ce qui concerne la langue ou la culture."
"Le processus de rapprochement qui va se mettre en marche entre l'UE et le Mercosur est très intéressant, poursuit Diego Ramiro Guelar, car c'est la première fois que deux blocs économiques vont négocier des accords. Et quand il s'agit d'ensembles économiques figurant parmi les quatre plus importants au monde" - en PIB 1992, l'Alena vient en tête avec 6.765 milliards de dollars, suivi de l'UE (6.744), du Japon (3.507) et du Mercosur (642), ce dernier précédant la Russie (397) - "c'est encore plus significatif Le but de ces futures négociations, c'est de permettre aux deux partenaires de faire progresser leurs exportations. Le Mercosur n'attend pas particulièrement de fonds d'aide de l'Union européenne."
L'Amérique du Sud est en outre un marché prometteur : avec une croissance record de 5,2 % en 1992 pour le Mercosur (source
"Economic and social progress in Latin America", 1994 Report, Inter-American Development Bank), les besoins, tant en biens d'équipement qu'en consommation privée, sont en hausse permanente...
Un des points les plus délicats des futures négociations concernera probablement les échanges agricoles. Les pays d'Amérique latine protestent en effet régulièrement contre les subventions européennes à l'agriculture, qui pénalisent leur production. Mais les futurs partenaires semblent d'accord pour respecter six ans de trêve, le temps de mener à bien de réelles négociations qui devraient aboutir à une libéralisation dans ce domaine dans une quinzaine d'années.
Mais l'Union européenne a également des intérêts politiques dans un renforcement de ses liens avec le Mercosur, que ce soit pour consolider les systèmes démocratiques dans la région, pour se maintenir face à la concurrence nord-américaine, ou pour améliorer le partage de valeurs communes...