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Lamassoure Alain, Le Figaro - 29 novembre 1994
Lamassoure sur la réforme de 1996.

EUROPE: DE NOUVELLES IDEES FRANCAISES

par Alain Lamassoure

SOMMAIRE: Avant la réforme de 1996, Alain Lamassoure, le ministre français des Affaires européennes verse quelques pièces au dossier...

(Le Figaro, 29-11-1994)

Conçues il y a près de quarante ans pour gérer un simple accord commercial entre six Etats, les institutions communautaires ne sont plus adaptées pour faire fonctionner une Union économique et politique qui a vocation désormais à s'étendre à tous les Etats démocratiques du continent européen le souhaitant - une bonne trentaine. Cette "révolution du nombre" doit nous conduire à des transformations profondes lors de la révision des traités, prévue pour 1996. Je voudrais verser à ce dossier quelques réflexions personnelles, partielles et provisoires.

Une des causes du malaise européen tient à la sous-estimation de l'importance prise par la fonction législative de l'Union européenne:

Avec une vraie ou une fausse naïveté, les promoteurs du marché unique pensaient que, une fois adopté le cadre juridique, représenté par les trois cents directives de base, l'activité législative de la Communauté pourrait se borner à la mise à jour périodique de celui-ci. La réalité est différente. La simple "gestion" de ce grand espace de liberté a conduit pour la seule année 1993 à publier au Journal officiel des Communautés environ cent soixante décisions de portée législative - non compris les accords internationaux. Sans doute trop nombreuses et trop détaillées, ces lois sont, en outre, élaborées selon une procédure plus adaptée à la négociation des prix agricoles - la grande affaire de la CEE d'origine - qu'à la fonction législatrice : ce sont des ambassadeurs qui négocient, et des ministres qui délibèrent et votent dans le secret!

Le traité d'Union européenne de 1991 et la réforme constitutionnelle, réalisée en France à cette occasion, ont apporté un progrès incontestable. La traité a donné au Parlement européen un pouvoir de codécision sur une partie de la législation du marché intérieur. Et le nouvel article 88-4 de la Constitution fait désormais obligation au gouvernement français de saisir pour avis le Parlement national de tous les projets d'actes communautaires de portée législative : ainsi, en dix-huit mois, dix-huit débats publics ont eu lieu au Palais-Bourbon sur des projets de loi européens. Mais il faut aller plus loin dans la démocratisation des procédures communautaires.

La double fonction du Conseil

D'abord, en concentrant l'intervention de l'Union sur des compétences limitativement définies par le traité. Enoncée comme un simple principe par le traité de 1991, la subsidiarité doit conduire à réécrire, dans le traité de 1996, la liste des compétences communautaires de manière plus précise, plus homogène et plus restrictive. Exercice d'autant plus nécessaire que, volens nolens, l'explosion du nombre des Etats membres réduira les sujets d'intérêt commun.

Ensuite, en établissant une hiérarchie des normes juridiques, s'inspirant de celle qu'a établie en France la Constitution de 1958. Il faut distinguer les principes généraux, qui relèvent de l'autorité politique, la loi et les décisions d'application, qui doivent être confiées à l'autorité administrative ou technique, le règlement.

Enfin, en donnant à l'élaboration de ces lois européennes, moins nombreuses et plus solennelles, toutes les garanties que l'on attend d'une procédure législative démocratique : transparence des débats, simplicité des procédures de vote, responsabilité des législateurs. Ce qui devrait conduire à redéfinir le rôle et les relations du Conseil des ministres européen, du Parlement de Strasbourg et des Parlements nationaux.

Le Conseil des ministres européen remplit une double fonction, qui tient à l'originalité de la Communauté:

- une fonction exécutive : organe de coordination des exécutifs nationaux et de contrôle de l'exécutif communautaire qu'est la Commission;

- mais aussi une fonction législative : puisqu'il vote les lois européennes, en coopération avec le Parlement de Strasbourg.

Or ces deux fonctions n'ont ni la même portée ni les mêmes exigences. S'il peut paraître souhaitable de les voir exercées par un même organe, pour ne pas alourdir encore une architecture institutionnelle complexe, à tout le moins faudrait-il distinguer les procédures, voire les personnes, selon la fonction exercée.

Ainsi, lorsqu'il siège en formation législative, le Conseil devrait, comme une Chambre haute, accepter l'entière publicité des débats et des votes, et rendre son ordre du jour contraignant.

En outre, chaque Etat membre devrait être autorisé à s'y faire représenter, non plus par un ministre, mais par un parlementaire national, ou, dans les Etats fédéraux, par un élu régional.

En revanche, en formation exécutive le Conseil doit garder sa composition ministérielle et ses méthodes de travail actuelles (réunions préparatoires de fonctionnaires, secret des délibérations).

Le Parlement européen devra aussi s'adapter à l'élargissement de l'Union.

D'abord, par le plafonnement du nombre de ses membres : en pratique, le nombre de six cent cinquante semble un maximum pour un travail utile (cinq cent soixantesept aujourd'hui). A cette occasion, il faudra veiller à ce que la composition reflète mieux l'équilibre démographique des peuples d'Europe.

Le modèle du directoire

En outre, dans chaque pays le régime électoral de désignation des membres du Parlement européen doit être pleinement démocratique: cela exige, par exemple, que la France renonce à son système actuel, qui conduit les électeurs à se prononcer sur des listes bloquées de quatre-vingt-sept noms!

Si ces conditions étaient réunies, rien ne devrait plus s'opposer à ce que le pouvoir de codécision du Parlement de Strasbourg s'applique à toute la législation communautaire interne. En revanche, pour toutes les relations extérieures, il est légitime que le Conseil, représentant les gouvernements, ait la prééminence.

Il va de soi que, si le Parlement européen devient une véritable assemblée législative, en vertu de ce que les juristes appellent une compétence d'attribution, il ne pourra plus intervenir dans les affaires intérieures des Etats membres, qui ne relèvent que des Parlements nationaux.

Venons-en enfin à l'exécutif de l'Union européenne.

La "révolution du nombre" apportera ici trois changements majeurs. Tout d'abord, pour des raisons d'efficacité, mais aussi de contrôle démocratique, la Communauté aura besoin à terme d'un organe exécutif unique et clairement identifié.

Pour sa part, le Conseil, porté à une trentaine de membres, tendra à devenir un conseil de surveillance de l'exécutif plus qu'un organe de gestion directe. Enfin, la composition (un ou deux commissaires par Etat) et le statut de la Commission ne seront plus adaptés à la nouvelle donne.

Deux modèles sont alors possibles:

- le modèle du directoire, non pas au sens de Thermidor, mais à l'image des grandes entreprises - fonctionnant par délégation du Conseil des ministres et sous sa surveillance. Le directoire suppose un petit nombre de membres, les Etats les plus peuplés ayant alors un membre permanent et les autres se succédant par rotation géographique; - le modèle plus personnalisé du secrétaire général (comme à l'ONU ou à l'Otan). Celui-ci étant choisi pour ses qualités propres, et non pour son pays d'origine. On relèvera d'ailleurs qu'actuellement les secrétaires généraux de l'Otan et de l'UEO, tout comme le futur président de la Commission, viennent de "petits" pays (respectivement la Belgique, le Portugal et le Luxembourg).

A titre transitoire, une addition de ces deux formules est d'ailleurs envisageable : la première pour la gestion de la politique communautaire intérieure, et le secrétaire général pour la politique étrangère et de sécurité.

Quelle que soit la variante choisie, l'organe exécutif doit être responsable à la fois devant le Parlement européen, comme aujourd'hui, et devant le Conseil européen : c'est une condition sine qua non pour que les gouvernements et les opinions publiques admettent qu'une telle autorité puisse parler en leur nom.

L'architecture ainsi décrite répond aux exigences d'un système qui ne serait ni fédéral ni confédéral mais communautaire.

Le Conseil est la clef de voûte : organe législatif, lieu de coordination des gouvernements, et contrôle de l'exécutif communautaire. Sa composition et ses méthodes de travail sont modifiées pour tenir compte de ces divers rôles.

La Communauté dispose d'un véritable exécutif identifié et responsable devant les gouvernements, comme devant le Parlement européen.

Les lois européennes sont votées par des élus, européens mais aussi nationaux. Les Parlements nationaux sont pleinement introduits dans l'action européenne par le contrôle a priori du gouvernement national (en France, à travers la consultation de l'article 88-4), par leurs délégués au Conseil en formation législative, et par la transposition des lois européennes en lois internes (dispositif déjà existant) - sans que leur intervention ralentisse la prise de décision communautaire. Et les Etats membres qui ont une structure fédérale peuvent aussi y associer leurs collectivités de base.

Alain LAMASSOURE

 
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