DOCUMENT DE TRAVAIL SUR LA FONCTION DE CONTROLE ADMINISTRATIF ET POLITIQUE
Élaboré par: Mme Annemie NEYTS-UYTTEBROECK
SOMMAIRE: Le but de ce document de travail est de mettre en évidence les changements institutionnels visant au renforcement du contrôle politique et administratif dans l'UE qui pourraiennt être introduits lors de la conférence intergouvernementale de 1996.
Le Conseil et le Conseil européen ne font l'objet actuellement d'aucune forme de contrôle politique direct. De la même façon la Commission ne peut faire l'objet que d'une forme ultime de contrôle de la part du Parlement européen, le vote de défiance, un moyen trop radical pour pouvoir être effectivement utilisé à l'égard des décisions quotidiennes. La création d'agences ou d'organes spécialisés au niveau européen aggrave encore cette situation. Le document de la députée libérale belge présente une série d'options, partant de la nécessité d'introduire dans le Traité un article sur la nature publique et ouverte des actes de l'Union et établissant ensuite un principe général d'ouverture. En ce qui concerne le Conseil il préconise de formaliser les rapports avec le Parlement sur le modèle de ceux existant entre celui-ci et le Conseil européen; eu égard au programme législatif, qui concerne aujourd'hui les seuls Parlement et Commission, il devrait être élargi au Conseil; l'investiture de la Commission devrait qua
nt à elle se transformer en une procédure d'"avis et d'accord" à tous les effets; la possibilité de censurer des commissaires et non plus la seule Commission dans son ensemble devrait être prise en considération. En outre les commissions d'enquête et les ombudsman devraient voir leurs pouvoirs renforcés. (PE, Bruxelles, le 19 décembre 1994)
I. Introduction
Le contrôle administratif et politique des activités de l'Union européenne est l'un des principaux instruments de vérification de l'efficacité et de l'équité des politiques communautaires existantes en vue d'assurer le bon fonctionnement de l'Union européenne et d'inspirer confiance à ses citoyens. La fonction de contrôle politique, notamment, est d'autant plus importante puisqu'elle garantit la responsabilité des organes politiques concernés et qu'elle fournit les mécanismes de freins et de contrepoids entre les différents organes politiques. Il appartiendra donc au Parlement européen de revenir sans cesse sur ce vaste sujet et de réorganiser son propre travail et ses structures en conséquences. L'objet du présent document est cependant plus limité, en cela qu'il examine les changements institutionnels susceptibles d'être apportés au cours de la Conférence intergouvernementale de 1996, visant le renforcement du contrôle politique et administratif au niveau de l'Union européenne. De plus, les problèmes sensi
bles relatifs au contrôle politique des domaines relevant des deuxième et troisième piliers ainsi qu'au contrôle budgétaire et à la fraude font l'objet d'autres documents de travail et ne sont pas abordés dans le présent document.
Autre remarque préliminaire: le présent document porte sur les problèmes de contrôle dans le contexte institutionnel actuel. Au fur et à mesure des négociations de la CIG, et si le contexte institutionnel évolue, les problèmes de contrôle évoqués ci-après pourraient se poser dans des termes différents (la situation deviendrait tout autre, par exemple, si le Conseil devenait une véritable deuxième chambre législative).
Le présent document de travail souligne tout d'abord les principaux problèmes posés par le contrôle politique et administratif au niveau de l'Union européenne puis examine certains des domaines dans lesquels des changements institutionnels peuvent contribuer à résoudre ces problèmes.
II. Les problèmes
1. Problèmes relatifs au contrôle politique
Parmi d'autres points d'importance moindre dans le cadre du présent document, on retiendra trois problèmes essentiels concernant le contrôle politique au niveau de l'Union européenne:
i) En tant qu'organes proprement dits de l'Union européenne, le Conseil européen et le Conseil ne sont soumis à aucune forme de contrôle politique direct. Leurs membres sont soumis au contrôle indirect de leurs parlements nationaux respectifs mais on pourrait invoquer le fait que cela compense difficilement l'absence totale de contrôle susceptible d'être exercé sur ces organes en tant qu'organes.
Le problème du contrôle exercé sur le Conseil européen, et plus particulièrement sur le Conseil, est rendu plus complexe par le fait que le Conseil exerce à la fois des compétences exécutives et des compétences législatives (comitologie, par exemple). Lorsqu'il agit en tant que branche du législatif, le Conseil ne devrait être soumis à aucune autre forme de contrôle que celui exercé sur un parlement. Mais ses débats devraient être diffusés, voire même carrément publics, comme c'est le cas pour ceux d'un parlement. La nature secrète et confidentielle des débats du Conseil, lorsque celui-ci agit en tant qu'organe législatif, est totalement inacceptable. Cependant, lorsqu'ils agissent en tant qu'organes de l'exécutif, le Conseil et le Conseil européen devraient être soumis à un contrôle politique; or ce contrôle, comme on l'a vu précédemment, n'existe pas.
Il est donc essentiel, à des fins de contrôle, qu'une distinction nette soit faite entre le Conseil exerçant ses compétences législatives, et le Conseil exerçant ses autres compétences.
ii) La forme la plus achevée de contrôle politique exercé sur la Commission (une fois que celle-ci a été investie par le Parlement européen) est la censure de la Commmission en tant que collège par le Parlement européen, mais cette démarche est trop radicale pour qu'il puisse s'agir d'un réel instrument de contrôle usuel. Dans certains domaines spécifiques dans lesquels la Commission dispose d'un pouvoir considérable (comme la politique de la concurrence) les mécanismes de contrôle sont inadéquats.
iii) La création de nouvelles agences au niveau de l'Union européenne (décidée lors du Sommet d'Edimbourg), pour lesquelles aucun cadre commun n'a été prévu, affaiblit et complique davantage le contrôle politique. Cette situation ne ferait qu'empirer si un plus grand nombre de fonctions de la Commission étaient transférées à des agences "indépendantes" ou autres à moins que de nouvelles formes de contrôle ne soient introduites.
2. Problèmes relatifs au contrôle administratif
i) Le contrôle administratif des affaires communautaires est actuellement assuré à la fois par la Commission (fonctionnement général du marché intérieur et prévention de nouveaux obstacles, application de la politique de concurrence, utilisation des fonds structurels, fonctionnement des marchés publics, politique agricole commune, etc.) et par les administrations des États membres.
ii) Certaines tâches importantes de l'Union européenne ne sont absolument pas assurées par les autorités publiques mais par des organisations privées (à savoir la mise au point des normes européennes qui a été sous-traitée aux organismes de normalisations privés que sont le CEN, le CENELEC et l'ETSI).
III. Eventuels domaines d'action
Contrôle exercé sur le Conseil
Comme indiqué précédemment, il s'agit d'un problème délicat et complexe, auquel aucune solution satisfaisante ne pourra être apportée aussi longtemps que le Conseil agira en tant qu'organe législatif et exécutif. On imagine aisément qu'il faudra un certain temps pour faire disparaître cet amalgame caractéristique des fonctions, si toutefois on y parvient... Plusieurs possibilités d'amélioration de la situation actuelle peuvent cependant être étudiées.
i) La publicité des débats du Conseil est un préalable à tout débat bien informé sur les actions du Conseil. Lorsqu'il agit en sa capacité de législateur le Conseil doit rendre ses débats publics. Il convient que les États membres comprennent que le concept même d'une législation adoptée à huis clos est une insulte à la démocratie et une violation de la suprématie du droit. Ils ne devraient alors pas s'étonner du peu de soutien recueilli par une législation et des législateurs qui semblent fuir une telle publicité. La plupart des mesures nécessaires pour permettre une plus grande publicité ne nécessite pas de réforme du traité. Toutefois il pourrait s'avérer utile d'ajouter au Traité un nouvel article sur le caractère public de l'administration et du gouvernement de l'Union européenne, établissant ainsi un principe général de publicité et fixant explicitement quand et dans quelles circonstances il y a lieu de limiter l'application de ce principe?
ii) Rapports du Conseil/de la Présidence au Parlement: Actuellement ces rapports sont faits de façon informelle au début et à la fin de chaque Présidence. Cette situation pourrait-elle être formalisée d'une manière ou d'une autre (comme cela a déjà été fait pour les rapports du Conseil européen)?
iii) Le programme législatif annuel pourrait engager le Conseil ainsi que la Commission et le Parlement: faudrait-il ajouter un nouvel article au Traité requérant un accord sur ce programme, quels en seraient les avantages et les inconvénients?
Contrôle exercé par le Conseil
Un certain nombre d'articles du Traité confèrent au Conseil un contrôle divers sur d'autres institutions de l'Union européenne. Ce contrôle n'est compréhensible et acceptable que dans un cadre institutionnel où le Conseil est l'organe exécutif et le Parlement l'organe législatif.
i) Les articles du Traité prévoyant un certain contrôle du Parlement par le Conseil (Article 139, second paragraphe, et article 140, dernier paragraphe) devraient-ils être supprimés? Il est en effet difficilement acceptable qu'un organe législatif exerce un contrôle sur l'autre organe législatif, notamment dans les domaines faisant l'objet de la codécision. Devrait-il y avoir, à la place, une équivalence parfaite entre les pouvoirs exercés par une institution sur l'autre (par exemple, inclusion du Parlement dans l'article 147 du Traité)?
ii) Délégation des pouvoirs de mise en oeuvre conformément à l'article 145 du Traité ("Commitologie"):
Cette question sera sans doute abordée dans d'autres documents de travail. Elle est également extrêmement importante en matière de contrôle. Dans ce contexte, il existe trois grands problèmes. Premièrement se pose le problème de l'exercice du contrôle lorsque le Conseil se réserve les compétences d'exécution. Deuxièmement, dans les domaines auxquels s'applique la codécision, il arrive souvent que le Conseil monopolise la décision sur la mise en oeuvre de la législation initiale, excluant de fait le co-décideur. Troisièmement il existe un manque d'information systématique sur certaines mesures de mise en oeuvre spécifiques et sur les travaux des différents comités d'experts nationaux qui n'ont à répondre de leurs actes ni devant leurs parlements nationaux ni devant le Parlement européen. Les problèmes sont tels qu'une révision de l'article 145 paraît nécessaire.
iii) Le Parlement devrait-il être inclus dans un certain nombres d'articles du Traité conférant au Conseil un certain degré de contrôle sur la Commission (à savoir l'Article 153 sur les comités prévus par le traité et l'Article 154 sur les traitements, indemnités et pensions des membres de la commission et de la Cour de Justice)? D'autres modifications devraient-elles être apportées à ces articles.
Contrôle exercé sur la Commission
i) Investiture de la Commission par le Parlement européen: Convient-il de développer ce contrôle en une procédure de "consultation et d'agrément" à part entière (établissant ainsi un cadre de contrôle dès le début du mandat d'une Commission)?
ii) Censure de la Commission: Le Parlement devrait-il avoir le droit de censurer les commissaires pris individuellement? Quelles en seraient les conséquences sur le caractère collectif de la Commission? Cela serait-il réaliste compte tenu des sensibilités nationales et politiques concernées, et quelle clause de sauvegarde faudrait-il prévoir? Une approche alternative (ou complémentaire) ne consisterait-elle pas à inclure le Parlement dans la procédure prévue à l'article 160 du traité, qui confère au Conseil ou à la Commission (mais pas au Parlement) le droit de demander à la Cour de Justice de démettre, dans certaines circonstances, tout membre de la Commission?
iii) Rapports annuels ou réguliers soumis par la Commission au Parlement: Actuellement il s'agit des rapports suivants:
- rapport général annuel;
- rapport annuel sur l'application du droit communautaire;
- rapport annuel sur la politique de concurrence;
- rapports semestriels sur la façon dont la Commission a répondu aux résolutions "d'initiative" du Parlement et à ses demandes d'action;
- rapports mensuels sur la façon dont la Commission a répondu aux amendements apportés par le Parlement aux propositions législatives;
- rapports mensuels sur la mise en oeuvre du budget;
- rapports mensuels dits rapports "de mise en garde rapide" sur les dépenses agricoles, dont le but est d'indiquer si ces dépenses restent dans les limites budgétaires fixées;
- rapport annuel sur le marché intérieur;
- rapport annuel sur la situation de l'agriculture dans la Communauté;
- rapport annuel sur l'évolution sociale dans la Communauté;
- rapport annuel sur les activités menées dans le domaine de la recherche et du développement technologique;
- rapport trisannuel sur l'application des dispositions du Traité relatives à la citoyenneté;
- rapport trisannuel sur les progrès réalisés sur la voie de la cohésion économique et sociale.
Certains de ces rapports sont prévus par le Traité alors que d'autres sont le résultat d'un accord passé entre la Commission et le Parlement. Compte tenu du fait qu'ils constituent de précieux instruments de contrôle, ne conviendrait-il pas de rendre certains d'entre eux plus formels ou d'en prévoir d'autres dans d'autres domaines de la politique commnautaire (ou cela engendrerait-il trop de bureaucratie et de travaux d'écriture pour la Communauté)?
Contrôle exercé sur d'autres agences
Pas moins de 14 nouvelles agences ont été créées à la suite de décisions récentes de l'Union européenne:
- Agence européenne pour l'environnement (Copenhague)
- Fondation européenne pour la formation (Turin)
- Office d'inspection vétérinaire et phytosanitaire (Irlande)
- Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (Lisbonne)
- Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (Londres)
- Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (Bilbao)
- Office de l'harmonisation dans le marché intérieur et les Chambres de recours (Alicante)
- Unité drogues Europol (La Haye)
- Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Thessalonique)
- Cour d'Appel commune en matière de brevet communautaire et Centre de traduction des organes de l'Union (Luxembourg)
- Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Dublin)
- Centre européen pour la validation de méthodes alternatives (aux essais sur les animaux) (Ispra)
- Institut d'études prospectives sur les technologies (Séville)
Compte tenu des disparités des modes de contrôle (à titre d'exemple, deux députés européens siègent au conseil d'administration de l'Agence européenne de l'environnement, alors que d'autres agences ne disposent d'aucun mécanisme de contrôle, etc.), un cadre de contrôle plus uniforme ne serait-il pas nécessaire? Ce cadre de contrôle (ou du moins le principe d'un cadre de contrôle) ne devrait-il pas être inscrit dans le traité?
Autres domaines dans lesquels le Parlement européen exerce un contrôle politique
i) Commissions d'enquête: le traité devrait-il renforcer et rendre plus explicites les dispositions relatives à leur fonctionnement?
ii) Médiateur (article 138(e) (p.m.)
Contrôle administratif
i) Des changements institutionnels sont-ils nécessaires pour s'assurer de l'exercice des contrôles administratifs? A quel niveau ces contrôles devraient-ils être réalisés?
ii) Comment améliorer les contrôles exercés sur les activités des organisations privées et semi-privées investies de tâches communautaires (à savoir les organismes de normalisation et les autres "bureaux" dans le domaine des échanges pédagogiques, par exemple) et à qui les confier?