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Dury Raymonde, Parlement Européen, Commission Institutionnelle - 5 gennaio 1995
PE 1996: la PESC

DOCUMENT DE TRAVAIL SUR LE PROCESSUS DANS LE DOMAINE DE LA PESC

Rédactrice: Mme Raymonde DURY (PSE, B)

SOMMAIRE: Mme Dury commence son analyse de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) en partant du fait que l'accroissement des responsabilités internationales de l'Union rend de plus en plus urgent la réalisation d'une PESC réelle. Pour atteindre cet objectif il est, selon elle, nécessaire de:

- définir clairement les objectifs de cette politique (défendre la paix et la stabilité internationale, promouvoir la démocratie, l'Etat de Droit et les droits de l'Homme, une sécurité maximum avec un niveau d'armements le plus bas possible, l'indépendance de l'Union, etc).

- donner à l'Union une structure et des procédures aptes à assurer une action rapide et efficace (ce qui entraine une fusion des trois piliers de l'Union et de donner aux institutions de l'UE les memes pouvoirs en matières de PESC que dans les autres domaines);

- faire en sorte que les décisions du Conseil dans le secteur de la PESC soient prises de plus en plus à la majorité et que la Commission voit son role d'initiative et de supervision renforcé;

- faire en sorte que le role d'information, de consultation et de controle du PE soit renforcé et réorganisé, qu'un espace réel d'initiative lui soit donné, spécialement en ce qui concerne les procédures de négociation avec des pays-tiers. (PE, Bruxelles, le 5 janvier 1995)

LA PESC: UN BILAN DECEVANT

Comme le Parlement européen le craignait au lendemain de la signature du Traité de Maastricht (résolution Martin du 7 avril 1992), l'application des dispositions du TUE relatives à la politique étrangère et de sécurité commune se révèle insuffisant par rapport aux ambitions proclamées par le Traité lui-même. Le Tue n'a pas beaucoup innové par rapport aux dispositions en vigueur depuis l'Acte unique: la pratique de la PESC ne diffère guère de celle de la CPE et ne répond pas aux défis engendrés par les chocs historiques de 1989 et 1991.

La création de la PESC constitue certes un élément positif, dans la mesure où pour la première fois est identifiée une politique étrangère et de sécurité commune dotée d'objectifs et de procédures définies, sur base d'une volonté d'agir ensemble pour la promotion de valeurs et d'intérêts essentiels au travers d'actions communes toujours plus amples. Néanmoins, la capacité de l'Union à agir sur le plan international par le truchement de cette nouvelle politique a été fortement limitée par la structure à trois piliers, qui en affaiblit la cohérence, mais aussi par les modes de fonctionnement du pilier PESC, où l'unanimité est d'application. La structure à trois piliers a en outre entraîné une confusion manifeste entre les pouvoirs qui reviennent aux institutions au titre de la PESC ou du Traité CE, alors que nombre d'actions relèvent à la fois des deux un piliers.

L'incohérence de la politique extérieure de l'Union constitue la principale conséquence de cette structure institutionnelle baroque. Il est anormal que la PESC se trouve séparée dans le fonctionnement quotidien de l'Union de compétences telles que la politique commerciale et de sanctions, les relations économiques extérieures ou la coopération au développement. Le TUE n'a prévu aucune passerelle permettant progressivement de faire entrer dans le champ communautaire certaines matières relevant de la PESC. Pis, la possibilité existe de ramener dans le champ intergouvernemental des matières qui relèvent légitimement du Traité CE, par exemple toutes les matières économiques de défense ou liées à la non-prolifération nucléaire. Il suffira d'invoquer la PESC voire l'UEO pour opérer un tel glissement. Les questions des sanctions envers Haïti et du financement de l'aide humanitaire à Mostar ont montré les difficultés d'application des articles 228 A et J 11 et le risque de contamination entre les deux piliers.

Outre l'efficacité et la confusion générée par la structure à trois piliers, le Parlement européen avait précédemment attiré l'attention sur d'autres carences de la PESC, en particulier la faiblesse du rôle dévolu à la Commission et au Parlement et l'impossibilité d'intervention de la Cour de Justice. De surcroît, l'existence de piliers séparés crée ne confusion dans le chef de nos partenaires internationaux dès lors que l'Union se voit représentée à l'extérieur par le Conseil pour ce qui concerne la PESC, et par la Commission pour ce qui relève de la Communauté.

Le déficit démocratique découle en particulier du rôle marginal réservé au Parlement européen qui est privé des outils de contrôle et d'impulsion appropriés, et ce également en raison de la nature même de la politique étrangère, activité à faible contenu législatif marquée en outre par un degré élevé de confidentialité. Il est vrai que les observations relatives au déficit démocratique s'appliquent mutatis mutandis aux parlements nationaux, qui se voient dans ce domaine confinés à une fonction tribunicienne et de réaction.

Les parlements nationaux ne pouvant contrôler les activités des ministres dans le domaine de la PESC, c'est au Parlement européen qu'il convient d'octroyer une telle fonction.

En outre, si l'on reconnaît que l'élaboration d'une politique étrangère de l'Union constitue un exercice sui generis, fondé sur des intérêts essentiels en commun, sur l'émergence d'une citoyenneté européenne et d'une personnalité juridique et politique européenne sur la scène internationale, et non sur la simple addition de diplomaties et d'intérêts nationaux, le Parlement européen élu est le plus à même de répondre à un tel objectif.

Force est de constater que quatorze mois de fonctionnement de la PESC font ressortir des résultats très modestes. L'opinion publique est à juste titre davantage frappée par l'impuissance de l'Union de trouver une solution à prévenir ou résoudre des crises très graves, comme la guerre en ex-Yougoslavie ou les massacres du Rwanda, que par l'adoption de discrètes actions communes telles que l'observation du bon déroulement des élections en Russie. En effet, le recours stricte à la règle de l'unanimité empêche toute possibilité de développement de l'action de l'Union, qui demeure très souvent paralysée par le veto de l'un ou l'autre pays. Il en résulte que les seules actions communes adoptées ne concernent que des aspects marginaux de l'actualité internationale, alors que chaque fois qu'un sujet brûlant suscite l'intérêt de l'Union, des Etats membres et de ses citoyens, celle-ci n'est pas en mesure d'agir en raison des divergences à l'intérieur du Conseil. Il est un fait que trop d'Etats membres conçoivent la PE

SC comme une dimension, voire un instrument de leur politique étrangère et non comme la clef de voûte de celle-ci. Il leur est très difficile de s'abstraire de telles considérations nationales. Pourtant, l'évolution complexe du contexte international milite davantage en faveur d'une approche à caractère supranational, ce qui confirme l'incapacité d'une PESC conçue en termes intergouvernementaux à fournir des réponses appropriées à cette évolution.

Le concept même d'action commune a d'ailleurs été largement vidé de sa substance par cette approche restrictive. La Commission n'a pas suffisamment utilisé son droit d'initiative pour contrecarrer cette tendance. Une vision plus audacieuse eût nécessité la définition par le Conseil de chaque action commune comme un plan d'ensemble relatif au domaine concerné, impliquant dans chaque cas un cadre politique général, une progression par étapes et une procédure d'évaluation. L'application aurait été confiée aux institutions de la PESC et à celles de la Communauté pour ce qui les concerne chacune. C'est au contraire une approche très étriquée qui a été retenue, caractérisée par l'impressionnisme, le saucissonnage des problèmes, l'addition d'initiatives essentiellement nationales peu imaginatives. Seule la Conférence sur le Pacte de Stabilité aurait pu prétendre à une vision moins ponctuelle, mais la volonté de la confiner à une approche purement diplomatique, sans intégration significative du pilier communautaire,

sans prise en charge de la prévention des risques les plus aigus de conflits, risque de la transformer en exercice d'auto-affirmation, voire d'autosatisfaction, plus que d'action efficiente à long terme.

Quant aux procédures prévues par le TUE, elle furent appliquées avec difficulté. Aucune demande de consultation officielle n'est parvenue au Parlement. Quant à la transmission de l'information, elle a été qualitativement et quantitativement modeste. On ne peut pas non plus parler d'un véritable suivi des recommandations du Parlement. Les dispositions de l'article J7 ont donc été appliquées de manière imparfaite.

S'il est vrai que la consultation en matière de politique étrangère ne peut pas s'apparenter à la consultation législative, elle doit toutefois être préventive, car il s'agit là de la seule manière de permettre au Parlement de remplir le rôle qui est le sien. La consultation du Parlement apporterait une vision plus large, à plus long terme, relayant les débats de l'opinion européenne. Le Parlement est certes soucieux de préserver la confidentialité et la rapidité d'action qui sous-tend souvent à l'adoption de certaines mesures.

De surcroît, le recours aux dispositions du Traité CE (art. 113, 115, 228 et 228 A) ne lui laisse pas une marge de manoeuvre suffisante, la consultation demeurant très souvent facultative sur des sujets de très grande importance pour l'activité de l'Union (par ex. adoption de sanctions économiques à l'encontre d'un Etat tiers). On peut donc conclure que le déficit démocratique existant dans l'Acte unique demeure une caractéristique du nouveau Traité.

D'une manière générale, la Commission a quant à elle eu tendance à agir plutôt en tant que secrétariat du Conseil qu'en tant qu'institution autonome, théoriquement "pleinement associée" à la PESC. Très souvent, en effet, elle a contribué à la finalisation du processus de décision au sein du Conseil à travers un travail de médiation ou l'établissement de documents de base à caractère stratégique. Jamais, toutefois, elle n'a fait usage de son droit d'initiative ni a cru opportun d'associer le Parlement à ses réflexions ou cherché son appui pour défendre sa position face au Conseil.

Quant à l'articulation avec l'UEO, les premiers résultats peuvent paraître conformes à l'esprit sinon à la lettre du TUE, mais il faut constater que certaines dispositions de celui-ci, notamment celles relatives à l'harmonisation des présidences, à la consultation de la Commission et à la coopération entre l'Assemblée de l'UEO et le Parlement, n'ont pas été appliquées de manière satisfaisante. Le Parlement européen, qui se voit complètement écarté du processus de prise de décision au sein de cette organisation, ne peut que déplorer une telle évolution. Il s'avère dès lors illusoire de concevoir l'UEO comme bras armé de l'Union sans renforcer la PESC en la communautarisant progressivement et sans assurer une intégration complète des activités de l'UEO au sein de l'Union. Imaginer la mise en oeuvre d'une politique de défense et d'une défense communes dont la gestion serait assurée par un pilier externe à l'Union est une opération qui, à moyen terme, est vouée à l'échec. (La crise bosniaque prouve qu'il ne suff

it pas de disposer d'un instrument expérimenté, en l'absence d'une PESC qui soit davantage qu'un plus petit dénominateur.)

PISTES DE REFLEXION EN VUE DE LA CONFERENCE INTERGOUVERNEMENTALE

Une stratégie de renforcement de la PESC en prévision de la Conférence intergouvernementale nécessite de préciser les finalités de la politique étrangère, de sécurité et de défense de l'Union et ensuite d'identifier les moyens pour intégrer cette dimension dans un nouveau Traité.

Au fur et à mesure que la construction européenne s'est développée vers des formes de plus en plus complexes d'organisation, le besoin de doter l'Union d'une véritable politique étrangère et de défense s'est fait jour. Les changements historiques des dernières années ainsi que la mondialisation de nombreuses dimensions des relations internationales ont renforcé cette nécessité. De même, les propositions de partenariat renforcé en provenance des autres Etats européens et du reste du monde appellent à une politique cohérente. L'Union se trouve en quelque sorte obligée d'assumer ses responsabilités en se dotant d'une politique étrangère lui permettant de s'exprimer sur la scène internationale. Ainsi, la politique étrangère devient une condition incontournable du fonctionnement de l'Union et de l'approfondissement des autres dimensions de la construction européenne, notamment de l'Union économique et monétaire.

Cette politique étrangère doit constituer la traduction d'un certain nombre de principes et de valeurs, déjà énumérés dans les articles B et J 1 du TUE, appelés à être repris et renforcés dans le nouveau Traité, reflétant davantage la volonté exprimée par les citoyens de l'Union quant à la responsabilité de celle-ci dans le renforcement de la paix, de la démocratie, de la coopération internationale et du progrès social et économique. Les objectifs généraux de la PESC doivent être formulés avec clarté: sauvegarde de la paix et de la stabilité internationale, promotion de la démocratie, de l'Etat de droit et des Droits de l'homme, développement de relations amicales avec les autres peuples et Etats, promotion d'une sécurité maximale avec le niveau d'armements le plus bas possible, impliquant le désarmement et le contrôle des exportations d'armes ainsi que la coopération économique et technique dans ce domaine, promotion du développement économique, social et culturel, défense mutuellement solidaire des intérêt

s fondamentaux, de l'indépendance de l'Union et de l'intégrité territoriale de ses Etats membres.

A l'évidence, les objectifs fixés requièrent une structure et des procédures qui assurent la cohérence, la rapidité et l'efficacité de l'action: ceci implique la fusion des trois piliers, sinon dès l'entrée en vigueur du nouveau Traite, du moins à terme. L'unicité des structures prévue par le TUE doit donc s'accompagner de procédures apparentées, tout en tenant compte de la spécificité de la politique étrangère et de sécurité. Les institutions devraient donc exercer les mêmes fonctions avec les mêmes pouvoirs qui sont prévus par le Traité CE.

Il s'agit donc d'assurer le contrôle politique, juridictionnel et budgétaire en matière de politique étrangère, y compris pour ce qui concerne la protection des Droits de l'homme dans le monde, la politique commerciale, l'aide au développement et toutes les dimensions extérieures des politiques de l'Union.

Ces objectifs doivent être formulés de manière à permettre l'extension progressive des domaines de compétence de l'Union, à mesure que l'intégration de l'Union le permet et que la situation internationale l'exige. En parallèle de la négociation de la Conférence intergouvernementale, un accord politique pourrait être envisagé pour une déclaration large du Conseil européen intégrant dans les domaines d'action commune des questions telles que le maintien de la paix, la contribution européenne aux institutions des Nations Unies, y compris le Conseil de Sécurité. Cette extension du champ des actions communes peut d'effectuer sur base d'orientations générales décidées par le Conseil européen.

La structure institutionnelle unique comme objectif à terme devrait être facilitée par une rationalisation des institutions d'élaboration et de suivi de la PESC, notamment une fusion du COPOL dans le COREPER (ou la création d'une COREPER C). L'abandon de la règle de l'unanimité au Conseil est en outre une condition de l'efficacité de la PESC; il s'agit donc d'augmenter le nombre de cas pour lesquels le Conseil statue à la majorité qualifiée ou surqualifiée. Le principe de l'abstention et de la non-participation de l'Etat qui s'abstient à la mise en oeuvre des décisions concernées doit être envisagés afin de répondre à des situations nationales spécifiques.

Les pouvoirs de la Commission en matière d'initiative et de contrôle doivent être renforcées et celle-ci doit exercer son rôle de gardienne des Traités. En matière de représentation extérieure, la Commission doit jouer un rôle croissant et extensif; à cette seule condition, un renforcement de la Présidence du Conseil est envisageable. La formule du quadrige (ou de plusieurs quadriges différents, selon les cas) pourrait être systématiquement utilisée pour la représentation dans les organisations internationales. Ceci implique une adhésion directe à ces organisations d'une Union dotée de la personnalité juridique. Au Conseil de Sécurité de l'ONU, le(s) siège(s) de membre(s) non permanent(s) devrai(en)t être occupé(s) par l'Union en lieu et place des Etats membres concernés.

La consultation du Parlement doit en outre être effective et porter non seulement sur les grandes options, mais aussi sur les positions communes et actions communes envisagées. La Commission et le Conseil devraient avoir l'obligation d'examiner les demandes du Parlement concernant l'adoption d'une action ou d'une position commune et de fournir des réponses quant aux suites envisagées.

Le contrôle politique revient au Parlement, qui doit disposer des outils nécessaires pour ce faire. Pour que le contrôle à posteriori soit doté d'une véritable efficacité, celui-ci doit être accompagné en amont d'un droit d'initiative qui signifie, entre autres, une coopération étroite, par exemple dans l'établissement des directives de négociation. Le contrôle politique implique la faculté effective de mettre terme à toute action entreprise par le Conseil qui ne reçoit pas l'appui du Parlement. Il s'agit de rappeler à cet égard les suggestions antérieures du Parlement relatives à l'approbation obligatoire par le Parlement pour toutes les décisions fondamentales en matière de PESC ainsi que pour la conclusion d'accords avec les pays tiers ou les organisations internationales, y compris les accords de désarmement et de sécurité. L'accord du Parlement européen sur le recours à l'usage de la force apparaît également comme une revendication légitime pour pallier le déficit démocratique.

L'intervention de la Cour dans l'application des procédures PESC est elle aussi un élément d'importance capitale. On ne saurait imaginer un système démocratique dans lequel il serait impossible de dénoncer le non-respect de certaines dispositions juridiques qui seraient à la base de l'adoption d'un acte. Compte tenu de l'importance de certains accords internationaux pour le développement de l'ordre juridique communautaire, il est indispensable de prévoir le contrôle de constitutionnalité avant, mais également après l'entrée en vigueur de ces accords, de même que la possibilité d'introduire un recours en manquement ou en annulation contre un acte du Conseil en matière de politique étrangère.

Le contrôle budgétaire implique la participation du Parlement, en tant que branche de l'autorité budgétaire, aux décisions sur les dépenses mais aussi au contrôle de l'exécution de ces dernières. Le financement de la PESC doit être couvert par le budget de l'Union, y compris par la création d'une réserve PESC pour le financement des actions non prévisibles.

Ce n'est qu'à la condition de cette communautarisation progressive de la PESC que l'intégration de l'UEO dans l'Union présente la moindre utilité. Cette intégration ne peut revêtir la forme d'un "4ème pilier", mais d'un élément de l'administration communautaire, disposant de conditions de travail et de confidentialité spécifiques au vu de ses compétences.

Pendant une période transitoire, une infrastructure séparée pourrait subsister, mais sans autre organe politique que les organes de l'Union, à savoir le Conseil, la Commission et le Parlement.

Dans le processus de préparation de la Conférence intergouvernementale, le Livre blanc sur la politique européenne de défense que prépare l'UEO ne pourra être adopté par le Conseil européen et le Conseil de l'Union qu'après avis du Parlement européen.

 
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