PROJET DE DOCUMENT DE TRAVAIL SUR L'INTEGRATION VARIABLE: PRINCIPES ET CHAMP D'APPLICATION
Rapporteur: M. Dimitris Tsatsos
SOMMAIRE: Le rapporteur souligne tout d'abord la légitimité de la question de l'intégration variable qui ne fait, selon lui, que définir des arrangements et des pratiques dans les cas où des Etats-membres ne participent pas pleinement ou pas du tout à certains aspects de l'intégration européenne. Il distingue différents cas d'intégration variable et fait certaines propositions sur des changements à apporter au Traité. En premier lieu il considère qu'en ce qui concerne la procédure de révision du Traité, toute décision à la majorité est politiquement inconcevable parce que cela entamerait la crédibilité politique de l'Union. Il poursuit en arguant que toute révision du Traité ne peut enfreindre la philosophie politique de base d'unité exprimée dans le Traité de Rome et dans l'acquis communautaire. En plus la congruité avec les principes d'égalité, solidarité et cohésion devrait démontrer la nature transitoire de toute différenciation et l'absence de toute conséquence institutionnelle liée à leur introduction.
(PE, Bruxelles, le 10 janvier 1995)
Remarques liminaires
1. Sur la scène européenne, peu d'affaires ont fait plus de bruit et suscité plus d'incertitude, plus de craintes et plus de scepticisme que le débat sur "l'Europe à plusieurs vitesses". "Le retardataire ne doit pas entraver ceux qui veulent aller de l'avant": à l'époque coloniale, l'argument n'a même pas réussi à convaincre des colonies assoupies. Aujourd'hui, il prend tout son sens, représentant, comme on le montrera dans la suite, un renversement total des principes fondamentaux de l'intégration européenne.
2. De nombreux membres du Parlement, dont, malheureusement, des membres de mon groupe politique, se donnent l'élégance - ou, plutôt, croient pouvoir se donner l'élégance - d'affirmer hardiment qu'une question à ce point importante doit être envisagée en dehors de toute idéologie! Ou bien ces collègues se font une idée erronée de la notion d'idéologie, ou bien ils n'entendent présenter, en se prévalant d'une "objectivité libérée de toute idéologie", que leur propre idéologie (que leurs thèses expriment clairement). Il est évident que, en lui-même, le débat sur le thème "noyau européen/États satellites" comporte une dimension idéologique. Il faut simplement se demander qui reconnaît cette réalité et qui la recouvre du voile de "l'objectivité".
Une analyse exhaustive du thème à l'examen n'est pas possible dans le cadre du présent document de travail. On a donc tenté de sélectionner un certain nombre d'aspects fondamentaux. On a largement tenu compte des questions formulées par le rapporteur général, M. David Martin; le présent texte en reprend certaines.
3. Dans le présent document de travail, on s'efforcera de traiter de la problématique de l'intégration variable en répondant à un certain nombre de questions fondamentales:
Question 1: Que faut-il entendre par "intégration variable"?
(On me reprochera, je le sais, une approche que l'on jugera par trop théorique. Ce reproche serait sans fondement. L'impératif de transparence commande que des questions à ce point controversées soient clarifiées: il s'agit, en effet, de questions d'ordre politique, lourdes de conséquences sur le plan institutionnel. Que faut-il entendre par "Europe à intégration variable"? Quelles variantes peut-on concevoir? Que permet le traité? Que recouvre la notion en question? Autant de questions qui, loin de représenter un débat académique, demandent impérativement à être élucidées sous l'angle politique.)
Question 2: Dans quelle mesure le traité lui-même contient-il des dispositions expresses (ad hoc) autorisant, à titre dérogatoire, la mise en oeuvre de procédures d'intégration variable?
Question 3: Dans quelle mesure applique-t-on, dans le cadre de l'Union européenne, des pratiques qui, sans se référer à des dispositions expresses (ad hoc) du traité, représentent des éléments d'une Europe à plusieurs vitesses?
Question 4: Que trouve-t-on dans le traité, tel qu'il s'applique actuellement, en ce qui concerne l'appréciation institutionnelle et juridique des formes d'intégration variable qui y sont prévues? Autrement dit, quelles sont les conditions-cadres institutionnelles et les préalables qui rendraient l'intégration variable compatible avec le traité?
Question 5: A quelles conditions peut-on envisager une révision du traité destinée à élargir le champ d'application de l'intégration variable?
RÉPONSES
A. Que faut-il entendre par "intégration variable"?
4. Loin d'être fixé, le sens de cette expression diffère selon l'interlocuteur qui l'utilise. Je propose que, dans un souci de meilleure compréhension, ce sens soit fixé dans la terminologie du Parlement.
5. Dans les considérations qui suivent, on s'efforcera de limiter l'emploi de l'expression en question aux situations, pratiques et régimes qui ressortissent encore aux principes fondamentaux de l'Union européenne, et cela dans le souci de réagir contre une tendance favorable à un "noyau européen à quatre, avec onze satellites". La question est donc la suivante: Quand le thème "intégration variable" est-il légitime, et quand sert-il à masquer une volonté de dissolution de l'Union européenne?
6. L'expression "intégration variable" désigne des régimes ou pratiques dans le cadre desquels certains États membres ne participent pas, ou pas complètement, aux efforts d'intégration réalisés dans certains domaines. Il convient de faire les distinctions suivantes:
a) Lorsque la participation d'un État membre est réduite ou nulle, c'est ou bien qu'il en décide librement ainsi (il refuse de participer) ou bien qu'il ne dispose pas de tous les moyens requis (il ne peut pas participer). Théoriquement, il s'agit là de deux cas d'intégration variable, même si chacun d'eux donne forcément lieu à une appréciation et à des conclusions totalement différentes.
b) Abstraction faite de cette distinction entre États qui ne peuvent pas participer et États qui ne veulent pas participer, on peut aussi distinguer entre, d'une part, les cas d'intégration variable qui sont expressément prévus dans le traité et, d'autre part, les cas dans lesquels des pratiques d'intégration variable se sont développées sans référence aux dispositions du traité.
c) Enfin, il convient de distinguer entre, d'une part, les formes d'intégration variable qui se sont développées sur la base du traité en vigueur (Europe des cercles concentriques, Europe à géométrie variable, Europe à plusieurs vitesses, etc.) et, d'autre part, les formes que certains États membres jugent nécessaires, mais qu'ils subordonnent à une révision du traité (par exemple, noyau dur).
7. Dans le débat, le Parlement européen ne doit pas perdre de vue ces différentes conceptions.
B. Dans quelle mesure le traité contient-il des dispositions autorisant, à titre dérogatoire, la mise en oeuvre d'une procédure d'intégration variable?
8. S'agissant des traités, un exemple typique de vitesse d'intégration variable nous est fourni par les délais de transition différents que les traités d'adhésion accordent aux nouveaux États membres pour adapter leur ordre juridique au droit communautaire. Ces délais sont parfois considérables (ils peuvent aller jusqu'à dix ans), mais jamais illimités. Les vitesses différentes ainsi autorisées à titre provisoire n'ont jamais été considérées comme constituant un problème sérieux.
9. Depuis toujours, le traité a prévu des régimes spéciaux applicables en cas de circonstances politiques exceptionnelles. Exemple type: le protocole relatif au commerce intérieur allemand. Annexé au traité CEE, il prévoit, sans le soumettre à aucune limite de temps, un régime spécial conçu pour tenir compte de la division de l'Allemagne, laquelle division se répercutait plus particulièrement sur les échanges intracommunautaires de marchandises. Les difficiles questions que l'application de ce protocole aurait soulevées à la suite de l'achèvement du marché intérieur n'ont heureusement pas dû être résolues, car, avec la réunification de l'Allemagne, les conditions de son application ont cessé d'être.
10. Considérons aussi les dispositions du traité relatives à l'Union économique et monétaire. D'une part, elles permettent, sur la base d'un consensus de tous les États membres, une intégration à vitesse variable et, en particulier, une dérogation illimitée applicable aussi longtemps qu'un État membre ne satisfait pas aux critères de passage à la troisième phase; d'autre part, elles jettent - dans les protocoles concernant le Royaume-Uni et le Danemark - les bases d'une géométrie variable dans le domaine de la politique monétaire: le Royaume-Uni n'est pas tenu de passer à la troisième phase aussi longtemps qu'il ne notifie pas au Conseil son intention de le faire; quant au Danemark, il a déjà notifié son intention de ne pas participer à la troisième phase.
11. Tel qu'annexé au traité sur l'Union européenne, le protocole sur la politique sociale prévoit la possibilité de faire recours aux procédures et aux mécanismes institutionnels du traité afin de mettre en oeuvre l'accord sur la politique sociale que les États membres, à l'exception du Royaume-Uni, ont arrêté entre eux. On a affaire ici à un cas de géométrie variable qui s'inscrit, en partie, dans le cadre des traités (procédures et mécanismes institutionnels) et, en partie, en dehors de ce cadre (l'accord proprement dit).
C. Dans quelle mesure existe-t-il, dans le cadre de l'Union européenne, des pratiques qui, sans correspondre à une application des dispositions du traité, constituent des éléments d'une Europe à plusieurs vitesses?
Des procédures de caractère pragmatique ont permis des vitesses d'intégration différentes tant dans le cadre de la mise en oeuvre des traités instituant les Communautés européennes que parallèlement ou complémentairement à ces traités.
12. Compte tenu de problèmes particuliers, certaines directives communautaires accordent à certains États membres des délais de mise en oeuvre prolongés: ces cas de vitesse variable sont très fréquents et ne posent aucun problème. Les délais en question sont parfois fort longs, mais on retiendra que, jusqu'à présent, une échéance a toujours été fixée à compter de laquelle le droit communautaire est également contraignant pour tous les États membres.
13. Depuis le début du processus de l'intégration européenne, il a été admis que, dans certains domaines, certains États membres coopèrent plus étroitement entre eux ou pratiquent des modes d'intégration plus poussée, aussi longtemps que les politiques et procédures communautaires ne s'en trouvent pas atteintes. Exemples: l'Union monétaire belgo-luxembourgeoise ou la coopération entre les États du Benelux.
14. Quant à l'Union de l'Europe occidentale, il s'agissait là d'une forme d'intégration qui, en un premier temps, se situait totalement en dehors du cadre du processus d'intégration communautaire tel que fixé par le traité. Désormais, aux termes de l'article J.4, paragraphe 2, du traité sur l'Union européenne, l'Union de l'Europe occidentale "fait partie intégrante du développement de l'Union européenne". Cependant, tous les États membres de l'Union ne sont pas membres de l'UEO ni ne doivent le devenir. Le principe d'une intégration différenciée dans le domaine de la politique de défense sur le modèle d'une géométrie variable a été confirmé par la décision prise, le 12 décembre 1992 à Edimbourg, par les chefs d'État et de gouvernement réunis au sein du Conseil européen: le Danemark ne participera pas aux actions en matière de défense, mais il n'empêchera pas le développement d'une coopération plus étroite entre les États membres dans ce domaine. Autre exemple: la convention européenne sur la compétence judic
iaire, qui a été conclue en dehors du cadre des traités communautaires, mais qui confère des compétences juridictionnelles à la Cour de justice des Communautés européennes.
15. La convention de Schengen, concernant la suppression des contrôles aux frontières intérieures, se situe tout à fait en dehors du cadre juridique des traités communautaires. Le Parlement européen a même fait valoir que les mesures qu'elle prévoit auraient dû être prises sur la base de l'article 7 A du traité CE. En tout état de cause, la convention de Schengen est un instrument pragmatique conçu pour tenir compte du fait que, en un premier temps, seuls un petit nombre d'États membres étaient disposés à entreprendre sérieusement la suppression des contrôles frontaliers et qu'il était pour le moins douteux que, pour certaines mesures d'accompagnement de la convention, les traités communautaires eussent fourni la base juridique requise. En tout cas, la convention de Schengen a été conçue, d'entrée de jeu, de manière telle qu'elle soit compatible avec les objectifs du traité CE et que tous les États membres qui le souhaitent puissent y adhérer. Mentionnons encore la convention européenne sur le droit des brev
ets qui, par le contenu, est assurément liée à la création du marché commun, mais qui, du point de vue juridique, est indépendante des traités communautaires et crée même une structure institutionnelle spécifique (l'Office européen des brevets).
16. L'arrimage progressif des pays d'Europe centrale et orientale à l'Union dans le cadre d'accords de partenariat, d'accords d'association ou d'accords européens est parfois mentionné dans le contexte de l'intégration variable ou décrit au moyen du modèle des cercles concentriques. Ce processus politique, s'il crée des points de contact avec le système institutionnel de l'Union (par exemple, rencontres informelles), n'a aucun effet direct sur le fonctionnement de ce système et ne soulève donc aucune difficulté particulière par rapport à la problématique dont traite le présent document de travail.
D. Que trouve-t-on dans le traité en ce qui concerne l'appréciation institutionnelle et juridique des formes antérieures d'intégration variable? En d'autres termes, quelles sont les conditions-cadres institutionnelles et les préalables dans le cadre desquels l'intégration variable peut être considérée comme conforme au traité?
17. Il ressort nettement du traité que l'intégration variable revêt un caractère transitoire. Une même vitesse pour tous, telle est la norme prévue par le traité. Observons la formulation des dispositions du traité CE relatives à la politique économique et monétaire: il y est question d'"États membres faisant l'objet d'une dérogation" et d'"États membres ne faisant pas l'objet d'une dérogation" (article 109 K). On voit l'importance fondamentale que présente le caractère transitoire précité: les dispositions qui prévoient ce caractère transitoire définissent même les procédures à suivre pour l'abroger. De plus, il est stipulé que, tous les deux ans, on examinera si les conditions prévues sont remplies. On ne peut donc manquer de voir quel est l'objectif du traité: contrôler, notamment en ce qui concerne les délais, l'évolution vers une participation égale de tous dans tous les domaines, ce qui confirme le principe de l'applicabilité provisoire des dispositions en question.
18. Dans le sens que lui donne le traité sur l'Union européenne lui-même, la notion d'intégration variable ne porte pas atteinte à l'objectif final de l'intégration européenne, lequel est et reste la participation de tous, à égalité de droits, à la construction de l'édifice institutionnel. La différenciation - une participation réduite ou la non-participation dans certains domaines (politiques) - est admissible aussi longtemps que subsiste l'incapacité objective ou le facteur qui, pour l'État membre concerné, impose cette différenciation.
19. Toutefois, le caractère transitoire de tels cas d'intégration variable découle aussi d'autres principes fondamentaux du traité et, en particulier, des principes de solidarité et de cohésion économique et sociale, tels qu'ils sont énoncés dans le préambule ainsi que dans le dispositif proprement dit du traité (article A, deuxième alinéa, et article B).
20. Sur le plan des principes comme dans la pratique, le caractère transitoire que le traité confère à toute différenciation est indissolublement lié à la condition suivante: la différenciation ne saurait ruiner l'unité institutionnelle ni l'équilibre institutionnel des membres. Exception faite des procédures de vote applicables au sein d'un Conseil composé de représentants des États membres, elle ne saurait donc se traduire au niveau institutionnel. Les procédures de différenciation requises doivent rester limitées au strict nécessaire et, bien entendu, revêtent aussi ce caractère transitoire.
E. A quelles conditions peut-on envisager une révision du traité destinée à élargir le champ d'application de l'intégration variable?
21. Cette question doit être subdivisée en deux sous-questions: primo, à quelles conditions le traité peut-il être révisé, en général et en particulier, dans le sens d'un élargissement des possibilités d'intégration variable (condition de procédure); et, secundo, dans la mesure où la voie (la procédure) est ouverte dans le respect du traité, il s'agit de savoir si les parties contractantes (en l'occurrence, les parties qui révisent le traité) sont totalement libres pour régir cette matière ou si elles doivent respecter certains principes contraignants. Dans ce dernier cas, il conviendrait d'énoncer et de motiver ces principes. Ils constitueraient le cadre requis pour la détermination de domaines d'intégration variable (question 3)
22. En ce qui concerne la première question (conditions de procédure): Bien que l'article N relatif à la révision du traité et aux problèmes connexes fasse l'objet d'un document de travail spécifique, cette question présente une importance particulière par rapport au problème de l'intégration variable, de sorte qu'il convient de l'évoquer ici.
Fixer de nouvelles formes d'intégration variable par voie de vote à la majorité est politiquement impensable. Que l'on songe à réviser le traité en contrevenant gravement à l'article N, voilà qui me dépasse! Mais passons! Point n'est besoin, dans un Parlement démocratique, d'expliquer les raisons qui plaident contre une grave violation du traité. Cependant, j'aimerais développer ici, à l'appui de la thèse que je viens d'exposer, une idée d'ordre politico-institutionnel: toute modification du traité par voie de vote à la majorité non seulement serait contraire au droit du traité, mais nuirait aussi à la crédibilité de l'Union européenne. En effet, la participation pleine et entière de tous les membres de l'Union à toutes les politiques et, allant de pair avec elle, une évolution uniforme ont été le mobile fondamental de la décision politique d'adhérer à la Communauté et de devenir membre de l'Union. Nulle dérogation à ce principe, dût-elle être provisoire et ne s'appliquer que dans certains domaines, ne saura
it être décidée sans le consentement de tous les membres de l'Union. Si ceux-ci, au moment de ratifier le traité, avaient su que cette disposition-là pourrait être modifiée par voie de vote à la majorité, peut-être n'auraient-ils pas ratifié le traité. En fin de compte, ces arguments d'ordre politique traduisent le principe de loyauté à l'égard de la Communauté, tel qu'il est inscrit à l'article 5 du traité CE. Ceux qui, évoquant le cas où l'unanimité ne pourrait être réunie, parlent d'impasse négligent, ou taisent, le fait qu'il n'y a pas impasse aussi longtemps que la version actuelle du traité reste d'application. Même si, à l'avenir, le traité devait prévoir de nouvelles possibilités d'intégration variable, les décisions prévoyant de recourir à ces possibilités ne devraient, pour les raisons d'ordre politique et institutionnel qui viennent d'être exposées, pouvoir être prises qu'à l'unanimité.
23. En ce qui concerne la deuxième question (préalables matériels): Dans l'hypothèse où, sur le plan de la procédure, la voie serait ouverte à la définition de nouvelles formes d'intégration variable, il faut se demander si, en tant qu'organes législatifs, les parties contractantes disposeraient d'un pouvoir d'appréciation absolu. La réponse est forcément: non.
a) Aujourd'hui, on ne considère plus - pour prendre une comparaison - que, au niveau de l'État, le pouvoir constituant soit totalement autonome. On a pris conscience que ce pouvoir, loin d'être entièrement indépendant d'autres principes, est limité par des acquis que garantissent l'histoire et le droit international, c'est-à-dire par l'acquis de la culture juridique européenne. En conséquence, dans son travail de révision, la conférence intergouvernementale de 1996 ne pourra méconnaître le principe politique fondamental de l'unité, tel qu'il est déjà formulé dans le traité de Rome et tel que l'ont confirmé l'Acte unique et le traité de Maastricht.
b) Il est incontestable que même un nouveau régime ne saurait en aucun cas anéantir ou dissoudre les acquis essentiels de l'unification européenne. D'où les conditions mises au futur travail de révision:
aa) il faudra respecter les principes d'égalité de droits, de solidarité et de cohésion, dont découle le caractère transitoire de tous les cas de différenciation, et cela conformément au principe fondateur de l'Union européenne;
bb) les régimes qui seraient décidés ne devront avoir aucune incidence d'ordre institutionnel sur le fonctionnement de l'Union.
c) Conclusion: Même dans le cas où, en 1996, il y aurait consensus sur une révision du traité dans le sens d'une institutionnalisation de l'intégration variable, cette révision ne saurait saper les réalisations essentielles de l'Union européenne, telles qu'elles se sont constituées au cours de l'histoire, ni remettre en question l'acquis communautaire.
24. Le Parlement européen, qui représente les peuples d'Europe et au sein duquel une opinion publique européenne en plein développement souhaiterait s'exprimer, doit, a fortiori en ce qui concerne la question à l'examen, restaurer la crédibilité ébranlée des institutions européennes. Et, comme il n'y a point de peuples moins importants que d'autres, le Parlement européen doit rétablir la crédibilité amoindrie des institutions européennes en dissipant les craintes qu'a suscitées, fût-ce chez un petit nombre de peuples européens, un débat public confus concernant "États centraux" et "États marginaux".