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Boutros-Ghali Boutros, Amalric Jacques, Sabatier Patrick, Libération - 12 gennaio 1995
Boutros-Ghali sur le rôle de l'ONU.

INTERVIEW DE BOUTROS BOUTROS-GHALI, SECRETAIRE GENERAL DES NATIONS UNIES.

Propos recueillis par Jacques Amalric et Patrick Sabatier

SOMMAIRE: Les Nations unies célébreront cette année leurs 50 ans. Boutros Boutros-Ghali, 72 ans, en est le secrétaire général depuis 1991. Ancien journaliste puis ministre des Affaires étrangères d'Egypte, il défend le bilan d'une organisation contestée et accusée d'impuissance ou d'inefficacité. (Libération, le 12 janvier 1995)

- Cinquante ans après San Francisco, les Nations unies paraissent traverser une crise grave de crédibilité. Pourquoi?

- Une réponse facile est de dire que les Nations unies dépendent de la volonté des Etats membres. C'est à eux de décider, et ils n'ont pas pris de décision. La responsabilité est en fait partagée entre les Etats membres d'une part et l'ONU. La communauté internationale était parvenue à trouver des formules pour gérer la guerre froide. Nous nous trouvons dans une situation nouvelle, l'après-guerre froide, dont nous ne connaissons pas encore tous les éléments. La communauté internationale n'a pas encore décidé ce qu'elle veut faire des Nations unies.

J'ajouterais que la guerre du Golfe a donné une trop grande crédibilité aux Nations unies. Il s'en est suivi une crise de crédibilité quand on s'est rendu compte qu'elles ne peuvent pas régler tous les problèmes. Le nouvel ordre international dont avait parlé Bush, la paix, n'ont pas été au rendez-vous. La période est même plus difficile que celle de la guerre froide et les Nations unies ne sont pas capables de résoudre tous les problèmes.

Cela dit, l'ONU a quand même réussi à en surmonter énormément: en quatre ou cinq ans, les opérations du maintien de la paix sont passées de 2 ou 3 à 17 ou 18, leur budget de 300 millions de dollars à 3.800 millions. Et nous avons réussi au Salvador, au Mozambique, au Cambodge

- Mais l'ONU paraît incapable d'agir, en Tchétchénie par exemple...

- Indépendamment des sentiments qu'on peut avoir devant cette tragédie, nous agissons dans le cadre d'une charte et il ne nous est pas permis d'intervenir dans les affaires intérieures d'un Etat sauf si l'Etat le demande.

- Craignez-vous l'hostilité de la nouvelle majorité parlementaire américaine envers l'ONU?

- La nouvelle majorité du Congrès est isolationniste. Notre devoir est de nous mettre en contact avec les membres du Congrès, de discuter avec eux pour essayer de leur expliquer qu'il leur coûte moins cher d'intervenir dans des opérations de maintien de la paix à travers le système onusien que seuls. Et de leur rappeler l'intérêt matériel pour les Etats-Unis d'avoir les Nations unies sur leur sol. Les Etats-Unis sont la plus grande puissance, mais vous avez 184 autres pays qui tiennent, eux, à l'ONU. Sur les 17 opérations de maintien de la paix en cours, il y en a une dizaine auxquelles les Américains n'ont pas participé: au Mozambique, en Angola, au Cambodge, et même dans un pays aussi important pour eux que le Salvador.

Au pire, s'ils se désintéressaient des Nations unies, l'organisation pourrait continuer avec l'appui de la communauté internationale. A moins qu'ils ne décident de créer une autre organisation. Mais, pour le moment, il n'y a qu'un seul forum international: l'ONU. Tout le monde a intérêt à renforcer cette organisation. Tout le monde est amené à l'utiliser. Les Etats-Unis eux-mêmes n'ont pu intervenir en Irak qu'après accord du Conseil de sécurité. De même pour Haïti. L'ONU représente une force politique et morale qu'il ne faut pas sous-estimer...

- Et s'ils refusent de payer?

- Ils payent toujours. Avec un an de retard, mais ils payent. On ne peut pas mettre en faillite les Nations unies. Il s'agit d'un budget de 5 milliards de dollars, à peine 1% du budget de la défense américaine. Le problème financier a l'air d'être énorme, mais les sommes sont minimes.

- Etes-vous favorable à une réforme de la composition du Conseil de sécurité pour inclure le Japon et l'Allemagne?

- Si, à travers le Conseil de sécurité, ils peuvent jouer un rôle plus grand au sein de l'ONU, je suis le premier à y être favorable.

- Quels sont les critères de participation au Conseil de sécurité?

- J'ai un point de vue très personnel, qui ne correspond pas du tout au texte de la charte: la volonté politique de s'intéresser aux affaires internationales. C'est tout.

- Est-ce que cette réforme du Conseil de sécurité n'ouvrira pas une boîte de Pandore?

- Il est certain que si vous admettez l'Allemagne et le Japon, pourquoi ne pas accepter l'Inde, l'Indonésie? Et pourquoi pas le Brésil, l'Argentine, le Mexique, d'autres Etats européens. C'est aux diplomates de résoudre ces problèmes. Ils ne seront pas résolus en 1995...

- Vous êtes favorable à l'idée de membres permanents, mais sans droit de veto?

- Le rôle du veto a été très exagéré. Il n'a jamais été pratiqué depuis la fin de la guerre froide, à une seule exception, pour une affaire de procédure. L'important, ce n'est pas la résolution adoptée, c'est l'application de cette résolution. Si vous n'avez pas l'accord de la grande puissance ou des grandes puissances qui ont les moyens d'appliquer cette résolution, elle devient tout à fait inutile, veto ou pas...

- Pour éviter le veto, on en arrive à des mandats du Conseil qui sont ambigus, très difficilement applicables comme en Bosnie.

- En Bosnie, les mandats étaient clairs au début. C'est quand on a voulu les transformer qu'il y a eu des difficultés. Nous avons été chargés en Yougoslavie d'un mandat de maintien de la paix, et non de faire la guerre. En second lieu, on ne nous a pas donné les moyens d'appliquer ces mandats. Et ce, à cause de l'incapacité des Etats membres à se mettre d'accord sur ce qu'il faut faire en Yougoslavie, ou à cause de leur manque de volonté à mettre le paquet pour résoudre cette crise.

- La résolution 836, prise au titre du chapitre 7, qui autorise le recours à la force, faisait de Gorazde une »zone de sécurité : les Serbes n'en ont tenu aucun compte et l'ONU n'a pas réagi.

- J'ai envoyé un rapport au membres du Conseil de sécurité, il y a un mois, pour leur expliquer le problème que nous avons avec ces zones de sécurité. Ils n'ont pas répondu, jusqu'à présent. Parce qu'ils sont divisés. J'ai conclu, dans mon rapport, que les Nations unies n'ont pas les moyens de faire la guerre. Si on leur demande d'utiliser la force, elles n'en ont pas les moyens.

- L'opération en Somalie touche à sa fin. Des centaines de millions de dollars, des centaines de vies humaines, y compris celles de Casques bleus, ont été perdues, semble-t-il, pour rien...

- On y a sauvé au moins 700.000 enfants. Nous avons fait des vaccinations, ouvert des écoles, sauvé des gens de la faim. Nous sommes arrivés à rétablir la paix dans 90% du territoire. Le conflit se limite à présent à Mogadiscio.

- Mais on peut imaginer qu'une fois l'ONU partie, on aura de nouveau le chaos et la famine...

- Nous allons rester, continuer l'aide humanitaire, et offrir notre aide diplomatique, comme nous l'avons fait pour l'Angola.

- L'ONU n'a pas su non plus empêcher l'autogénocide du Rwanda. Elle était présente là-bas, et a laissé se dérouler ce massacre.

- Ne me faites pas dire des choses graves. Mais c'est quand même le résultat d'une certaine indifférence à l'égard d'un certain continent. J'ai cogné à la porte de 35 chefs d'Etat africains pour obtenir une participation de leurs troupes, ils n'ont pas bougé. Il a fallu la publication des photos dans la presse pour pouvoir enfin mobiliser l'opinion publique. Il y a une fatigue de la part des Etats. Ils ont cru qu'une fois la guerre froide gagnée, on pourrait se reposer. Ils découvrent au contraire que la guerre froide avait empêché ou occulté une trentaine de petites guerres auxquelles nous sommes confrontés aujourd'hui. Il est difficile d'obtenir l'appui des nations pour une intervention, je vous jure qu'avec 400 paras, on aurait pu arrêter ce génocide.

- Ou en êtes-vous de votre projet de force permanente des Nations unies, ou de contingents nationaux mis à votre disposition?

- Les contingents, on les a obtenus des pays scandinaves, de la Jordanie. Une trentaine de pays ont accepté. Je dispose de 20.000 hommes qui sont entraînés, qui ont des équipements et savent exactement comment opérer dans les opérations du maintien de la paix. Le problème est qu'il faut à chaque fois que j'obtienne l'accord des Etats pour qu'ils mettent ces contingents à ma disposition. Ils ne l'ont pas fait pour le Rwanda, par exemple.

- Est-ce que vous seriez personnellement favorable à l'idée d'avoir une force propre des Nations unies, une Légion étrangère à Casques bleus?

- C'est une idée que les Etats n'acceptent pas. Et vous imaginez ce que coûterait de maintenir une force de cet ordre sur le pied de guerre.

- Vous semblez vous orienter vers une politique de »sous-traîtance des opérations de paix à certains pays, comme »Turquoise au Rwanda ou l'intervention américaine en Haïti?

- Je n'y suis pas favorable car cela affaiblit l'image des Nations unies. Mais j'ai une responsabilité morale. Si je n'arrive pas à obtenir une intervention collective de la part des Nations unies, je suis obligé de penser à la sous-traitance.

- En Bosnie, les Nations unies ont sous-traité à l'Otan. Ça ne marche pas du tout...

- Ce qui compte avant tout, ce sont les troupes qui sont sur le sol, qui apportent une aide aux réfugiés et qui oeuvrent à une solution pacifique par l'action diplomatique. L'Otan dans cette affaire est un organe très subsidiaire, qui est là pour nous aider pour des opérations ponctuelles, comme force de frappe. Quand on lui demande son aide, l'Otan peut dire oui ou non, mais ce n'est pas à elle de diriger l'opération. Les frappes aériennes sont des opérations très marginales. Elles ont une valeur plus dissuasive, plus psychologique qu'autre chose.

- La charte des Nations unies devrait-elle être révisée pour résoudre tous ces problèmes?

- Non. La Charte est assez souple pour permettre des réformes.

Lesquelles sont essentielles selon vous?

- Dans l'idéal, il faudrait une meilleure coordination entre les différentes agences à l'intérieur même des Nations unies. Ensuite une meilleure coordination entre les Nations unies et les autres agences spécialisées.

- Vous aviez dit à votre arrivée en 1991 qu'il fallait réduire les effectifs de l'ONU...

- J'ai déjà réduit de 30% les postes d'encadrement. Comment voulez vous que j'aille plus loin, puisque mes opérations ont été multipliées par dix avec le même nombre de fonctionnaires, d'ailleurs très limité: 30.000 employés, c'est moins que n'importe quelle petite administration d'un petit Etat américain.

- Quelles autres priorités vous donnez-vous?

- Changer la politique d'information des Nations unies. Si les Nations unies pouvaient avoir leur CNN, elles pourraient présenter une image plus juste de ce qu'elles font. Il faudrait aussi une réforme financière pour permettre aux Nations unies d'avoir une source de revenus qui ne dépende pas de la bonne volonté des Etats. Si je pouvais prendre 1 dollar sur chaque billet d'avion émis dans le monde, si je pouvais émettre certains timbres, j'aurais des revenus qui me seraient propres. Et si je pouvais emprunter aux banques...

- Quels échecs ou erreurs pensez-vous avoir commis au cours de vos trois années à la tête de l'ONU?

- Je pensais pouvoir faire les réformes plus rapidement. L'opposition des Etats est plus grande que je ne l'avais pensé. Les Etats, c'est Dr Jekyll et Mr Hyde. Ils disent: il faut faire ceci ou cela, mais ne touchez surtout pas à mes privilèges. Nous ne nous sommes pas suffisamment occupés d'expliquer à l'opinion publique internationale ce qu'est l'ONU, comment elle fonctionne et quels sont ses véritables problèmes.

- Vous représenterez-vous en 1996 au terme de votre mandat actuel?

- Je pense sérieusement à demander un second mandat. J'essaie d'être toujours très honnête avec moi-même. Après un certain âge, il faut voir si on pense pouvoir continuer à fonctionner. Il faut voir quelle sera la situation dans deux ans. Je verrais si ça vaut la peine de continuer.

 
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