EUROPE : UNE DIPLOMATIE COMMUNE EN ECHEC
par Pierre Bocev
SOMMAIRE: Le président de la Commission de Bruxelles déplore l'absence de partage des responsabilité. Un rapport d'experts propose des remèdes potentiellement explosifs. (Le Figaro, 2-2-1995)
A peine investi de ses nouvelles fonctions de président de la Commission européenne, Jacques Santer a dû tirer un constat amer: la politique extérieure et de sécurité commune (Pesc) initiée à Maastricht n'existe pas. "Nous sommes incapables de définir convenablement nos intérêts communs, nous nous gobergeons de vieilles formules qui cachent le fond du problème; il existe un manque de volonté de travailler ensemble en tant qu'Union, de partager les responsabilités et le coût d'une action commune", a avoué le successeur de Jacques Delors au cours du séminaire international de Davos.
Plus nuancé, un rapport publié à Bruxelles, à la demande de la Commission, souligne que les efforts demeurent "fragmentés", qu'il y a "échec" et impréparation.
A quinze mois de la conférence intergouvernementale qui doit revoir en 1996 le traité de l'Union européenne, l'ébauche d'une diplomatie à l'échelle du continent est toujours dans les limbes.
En ex-Yougoslavie, l'Europe a depuis longtemps cédé le pas au Groupe de contact élargi aux Russes et aux Américains. Seule contre tous ses partenaires, la Grèce maintient son embargo contre la Macédoine. Et l'"opération Turquoise" au Rwanda a été une initiative française, nullement européenne.
Sans parler des relations avec la Russie, ni du danger islamiste en Algérie et dans le pourtour méditerranéen auquel l'UE vient tout juste de décider de consacrer un vague séminaire d'experts patronné par les ministres de l'intérieur des Quinze.
Mais les recommandations émises par les auteurs du rapport ne peuvent que susciter de sérieuses réticences:
- la nomination d'une personnalité européenne chargée de chapeauter la Pesc, et indépendante du président de la Commission européenne. C'est toucher à l'équilibre actuel, déjà complexe, entre les institutions européennes...
- la marche vers une défense collective pose le problème des relations entre l'UE, l'Union de l'Europe occidentale (UEO) et l'Otan, un terrain semé d'embûches, tout comme l'idée de mettre sur pied un budget propre à la Pesc;
- pour faire fonctionner cette structure, il faudrait abandonner la règle de l'unanimité dans les prises de décisions.
Autant d'obstacles explosifs mais inévitables si la Pesc doit
voir le jour.
Pierre Bocev