LES COLLECTIVITES LOCALES DE L'UNION EUROPENNE SONT TOUJOURS EN QUETE DE RECONNAISSANCE
par Martine Valo
SOMMAIRE: Organe consultatif créé par le traité de Maastricht, le comité des régions vient de se réunir pour la première fois depuis le début de la présidence française de l'Union européenne. La nouvelle commissaire européenne chargée de la politique régionale, Monika Wulf-Mathies, a apporté son soutien à ce comité, qui demande la mise en oeuvre de la subsidiarité au profit des collectivités locales de l'Union. (Le Monde, 9 février 1995)
Le comité des régions boit du petit lait. Ce jeune organe consultatif européen, où se retrouvent les représentants des collectivités territoriales des pays membres de l'Union, est soucieux, plus que tout, d'affirmer son existence. Or, de ce point de vue, sa sixième session plénière, qui s'est tenue à Bruxelles les ler et 2 février, est une bonne cuvée: il compte désormais trente-trois nouveaux Membres, autrichiens, finlandais, suédois, ainsi qu'une alliée de taille, le nouveau commissaire chargé de la Politique régionale de l'Union européenne, Monika Wulf-Mathies, qui ne lui a pas ménagé son soutien.
Dans son enthousiasme, Jacques Blanc (UDF-PR), président du comité et du conseil régional du Languedoc-Roussillon, a cru pouvoir annoncer qu'il avait trouvé un autre supporteur éminent en la personne d'Edouard Balladur ! Le premier ministre a en effet accepté de se rendre, le 14 mars, dans son fief de Montpellier, où se réunit l'une des commissions du comité des régions: il sera beaucoup question de la fameuse subsidiarité en faveur des collectivités territoriales, donc indirectement de l'avenir de l'assemblée qui représente ces dernières. Même SI M. Balladur aura alors probablement en tête de plus proches échéances
Pourquoi décider à l'échelon central ce que l'on peut réaliser efficacement au niveau local ? Ainsi pourrait être résumé approximativement ce fameux principe de subsidiarité.
» Personnellement, je suis favorable à ce que cette notion soit mieux explicitée dans le futur traité de l'Union européenne, mais je ne suis pas sûre que les gouvernements partageront cet avis, a affirmé Mme Wulf-Mathies devant les membres du comité, des régions conquis. Avec un sourire ironique, elle leur a souhaité en substance » beaucoup de succès , et... beaucoup de patience. Malgré ces voeux en forme de mise en garde, les espoirs allaient bon train dans l'hémicycle. » J'envie les pays où il existe une vraie délégation des pouvoirs, c'est la garantie de plus de démocratie , s'est exclamé un délégué du pays de Galles, repris en écho par son homologue écossais. » Pour nous, le comité des régions est vital c'est la seule institution européenne où nous pouvons lancer notre appel, que Londres refuse d'entendre.
Devant tant de ferveur, Mme Wulf-Mathies a dû rappeler qu'il n'était pas du ressort de la Commission de contraindre le gouvernement britannique à engager une politique de décentralisation. » Si nos concitoyens pensaient que nous ne nous dirigerons pas vers une Europe des régions, ils auraient répondu négativement au référendum sur l'adhésion à l'Union , notait, pour sa part, la délégation autrichienne. Côté français, l'engagement de Jacques Blanc en faveur d'un principe qu'il considère comme la »carte d'identité du comité des régions, créé par le traité de Maastricht, est connu. Mais la réaction des responsables politiques parisiens est tout aussi tranchée : ce concept provoque chez eux une sorte d'allergie. Ainsi, les gouvernements français ont jusqu'à présent refusé de ra tifier la Charte européenne de l'autonomie locale, rédigée par le Conseil de l'Europe en 1985. Celle-ci affirme en préambule que » c'est au niveau local que le droit des citoyens de participer à la gestion des affaires publiques peut êt
re exercé le plus directement . Ce texte a été adopté par une vingtaine d'Etats.
» En aucun cas la subsidiarité ne doit (...) être le prétexte à établir des relations directes entre les collectivités locales et l'Union , écrivait sans ambiguïté Philippe Séguin dans les colonnes du Figaro, le 7 décembre 1994. Deux jours plus tôt, le bureau du comité des régions venait justement d'adopter une résolution demandant la révision du bref article que le traité de Maastricht consacre à cette question. La subsidiarité n'y est abordée que pour définir, de manière bien floue, les rapports entre la Commission et les Etats, et ceux-là uniquement. Le comité réclame en outre le droit d'introduire un recours devant la Cour de justice lorsque des décisions européennes empiéteront sur les compétences des autorités locales.
Au même moment, le Conseil des communes et régions d'Europe (CCRE), auquel adhèrent des milliers de collectivités locales de vingt-cinq pays, et l'Assemblée des régions d'Europe (ARE), qui regroupe 281 régions, conduisaient une démarche similaire. Ensemble, ils ont fait part de leurs doléances aux chefs d'Etat réunis pour le sommet européen d'Essen, qui les ont reçues avec une indifférence apparemment totale.
Les représentants des collectivités locales ne s'en montrent pas surpris: la réaction est la même à chacun de ces sommets. Mais ils ne se découragent pas. Les débats qui s'engagent au sujet de la réforme des institutions européennes de 1996 vont leur donner l'occasion de plaider leur cause.
Dans leur combat, qui s'annonce fort long, les élus locaux devraient pouvoir compter sur l'intérêt des Etats les plus fédéraux: l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique. Déjà les dirigeants des Länder siègent de droit aux conseils des ministres européens, lorsque les questions abordées sont de leur compétence. De nationalité allemande, Wolfgang Maier, secrétaire général de l'ARE, observe depuis Strasbourg, avec un certain optimisme, l'avancée de la décentralisation dans l'Hexagone. D'ailleurs, remarque-t-il, » Helmut Kohl est-il une personnalité politique faible, sous prétexte que son pays est organisé en Länder ? Les Etats fédéraux sont-ils moins puissants sur le plan économique ?
Et puis, face à son affaiblissement attendu après le départ de Jacques Delors, la Commission se cherche, elle aussi, des alliés. Les inquiétudes fiées au » déficit démocratique apparues lors des débats sur le traité de Maastricht lui ont montré, en outre, qu'elle avait besoin d'ambassadeurs hors de Bruxelles. M. WulfMathies a insisté sur les deux missions qu'elle entend confier aux membres du comité. D'abord » Permettre d'éviter les erreurs commises par des décideurs cou pables des réalités locales . Elle s'est, pour cela, engagée à faciliter leur travail d'élaboration d'avis consultatifs. Ensuite, elle » espère que l'action des élus pourra améliorer l'efficacité et surtout le conflit financier des programmes européens, bref remédier à un gâchis dont les populations européennes risqueraient de se lasser.
Au plus près des citoyens
La subsidiarité, ou principe de proximité, repose sur l'idée que les décisions doivent être prises au plus près des citoyens. Ce principe figure à l'article 3 B du traité de Maastricht: » Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. L'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité.
Martine VALO