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Hertzog Gilles, Liberation - 18 febbraio 1995
La Bosnie d'Izetbegovic: un pouvoir islamiste ?

QUELLE MENACE ISLAMISTE EN BOSNIE ?

par Gilles Hertzog *

SOMMAIRE: L'auteur estime qu'Izetbegovic et les siens, en concédant quelques gestes symboliques à un islamisme "soft", évitent bel et bien le danger intégriste. (Libération, 18/19-02-1995)

Régulièrement revient à la une la » montée de l'islamisme en Bosnie, et d'abord d'un islamisme d'État, instrumenté en sous-main par le pouvoir en place, voire, à l'occasion, affiché par les plus hautes autorités de Sarajevo.

C'étaient hier les propos du directeur du journal Ujiljan, DZ Latic, proche du SDA, le parti gouvernemental, prônant la fin des mariages "mixtes" entre musulmans et non-musulimans. C'est aujourd'hui la présence, montrée sans fard à la TV BiH, du président Izetbegovic entouré des combattants de la septième Brigade à Zenica, fronts ceints du bandeau vert de l'islam et en tonnant des "Allahou akbar!" exaltés.

Bref, alors que la société bosniaque s'arc-boute aux principes de tolérance et de mixité multiséculaires, comme en témoignent les 200.000 signatures de la Déclaration des citoyens de Sarajevo, le pouvoir d'État, imprégné d'une idéologie religieuse, tenterait, à la faveur de la guerre, d'induire en Bosnie une société islamique.

Double jeu, double langage? Présentant un visage libéral et laïque à ses interlocuteurs Occidentaux, le pouvoir SDA à Sarajevo imposerait chaque jour un peu plus ses vues et ses hommes, dans l'appareil d'État, l'administration et l'armée, marginalisant l'opposition démocratique, l'intelligentsia et les non-Musulmans, serbes et croates, restés fidèles au » pacte bosniaque .

Pourtant cette comptabilité brute des signes épars d'islamisation, si elle fait incontestablement symptôme, ne permet pas de conclure à la fin du rêve bosniaque et pêche par défaut d'analyse.

Passons sur ce » miracle après trois ans de massacres et de guerre, de la résistance aux sirènes islamistes et à la division ethnique, d'un peuple sacrifié, » plan de paix après » plan de paix , par les démocraties, et qui ne verse pas dans le fanatisme anti-occidental. Qu'en est-il de la la politique d'État et de l'islam en Bosnie?

Alia izetbegovic, auteur, jadis, de la Déclaration islamique, son parti, le SDA, l'entourage du pouvoir se réclament de l'islam, à la façon de feu la Démocratie chrétienne italienne. La foi se borne officiellement à la sphère privée. De fait, l'État bosniaque est infiniment moins »musulman que l'État polonais n'est catholique. Quid alors des manifestations publiques d'allégeance à l'islam? Dérapage? Lapsus révélateur? Non, il s'agit d'abord de politique. Qui sont les principaux soutiens de la Bosnie-Herzégovine en guerre? L'Europe s'étant bornée au placébo humanitaire, ce sont, par force, les pays musulmans, Turquie, Arabie Saoudite, Malaisie et Brunei en tête. Alors que maints musulmans considèrent avec perplexité ces Européens adeptes d'Allah, tels responsables bosniaques, le Président, attestent ici et là, à destination des opinions musulmanes et des États donateurs, du caractère majoritairement musulman de la Bosnie-Herzégovine. Mais pour autant, la somme des gestes

» engagés à l'attention des pays islamiques confine jusqu'ici au » service minimal .

Par ailleurs, aussi désagréable que sonne pour des consciences laïques la présence d'Izetbegovic à Zenica, il faut ramener l'incident à sa juste mesure. Quand François Mitterrand tient meeting pour sa réélection au Bourget ou visite les siens au congrès de Liévin, les drapeaux rouges refleurissent, l'on chante l'Internationale. Puis, le chef du parti ayant bercé les siens de rêves et de mots, le même Président reprend dans l'heure sa politique bien tempérée. Pas davantage, Zenica n'est pas Sarajevo.

Enfin et surtout, Izetbegovic et les siens, en concédant quelques gestes symboliques à un islamisme "soft", évitent bel et bien le danger islamiste. Monopolisant l'espace symbolique et politique où s'engouffre habituellement l'intégrisme, ils ont évité l'apparition d'un extrémisme politico-religieux. Musulman, à ce jour, ne s'est avisé d'appeler au "djihad" contre les casques bleus ou les Serbes. Le politique contrôle étroitement le religieux, quitte, parfois, à s'exprimer à sa place. L'inverse eût été cent fois pire. La leçon de ce qui est arrivé à Arafat, de retour en Palestine, a été amplement méditée à Sarajevo. Car le danger, avouent eux-mêmes les responsables, est extrême: un pays humilié, abandonné à la barbarie par l'Europe; une armée frustrée de ses sacrifices; un million et demi de réfugiés qui en cas de »paix , c'est-à-dire de partition au profit des serbes, ne retrouveront jamais leurs foyers et constituent, d'ores et déjà, le terreau rêvé d'un islamisme de revanche. Ne nous trompons pas d'islami

stes en Bosnie. Les "vrais", encore à venir, seraient redoutables de désespoir et de haine.

Le danger est d'autant plus grand que la Bosnie-Herzégovine est une démocratie (en guerre, avec concentration obligée du pouvoir, mais une démocratie tout de même). Quels sont les pays musulmans menacés par l'intégrisme? Ceux connaissant un embryon de vie démocratique: la Turquie, l'Égypte, la Palestine d'Arafat, l'Algérie, où le FIS manqua accéder au pouvoir par les urnes. Quels sont, à l'inverse, les pays musulmans les mieux prémunis contre la contagion islamiste? Les dictatures » éradicatrices de Saddam Hussein et d'Assad, ou les oligarchies financières saoudienne, koweitienne et autres, défendant bec et ongles leurs privilèges. En Bosnie comme ailleurs, la démocratie fragilise le pouvoir et la société civile face aux ferments intégristes.

Redoutant qu'un jour, au coeur de l'Europe, la Bosnie, sous le poids de la défaite, ne "bascule" et qu'Izetbegovic connaisse le sort d'Arafat, les Américains, eux, ne s'y sont pas trompés et encouragent cet islam » d'en haut . Et c'est sous leur sauvegarde que le président bosniaque se rend en pèlerinage à La Mecque.

A l'heure d'Alger et de Gaza, la vigilance, à Sarajevo, aussi, est de mise. Certains phénomènes avant-coureurs sont là. Sarajevo, sous l'afflux des réfugiés ruraux, change insensiblement d'esprit. A la façon dont les communistes serbes se sont reconvertis en ultranationalistes, certains voient en l'islamisme une machine de guerre menant demain à des positions de pouvoir. La flamme intégriste, là aussi, peut embraser en une fraction de temps une société laïque. Mais ne confondons pas pyromanes et pompiers quand, l'incendie menaçant, ceux-ci allument des contre-feux.

* rédacteur en chef de "La Règle du jeu"

 
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