- Madame le Président, ayant fait partie d'une délégation qui était au Rwanda à la fin du mois de juillet, sous la présidence de Lord Henry Plumb, je voudrais dire tout d'abord que j'approuve entièrement les propos qu'il a tenus dans son intervention. Il a fort bien su exprimer l'émotion profonde que nous avons ressentie au contact des souffrances et du désespoir des populations rwandaises. Compte tenu du caractère dramatique des événements qui se sont déroulés, et qui se déroulent encore malheureusement au Rwanda, il était normal, indispensable même que le nouveau Parlement européen, dès son installation, manifestât son intérêt pour ce pays. Je voudrais, au nom du groupe du parti populaire européen, remercier le président du Parlement d'avoir bien voulu autoriser l'envoi extrêmement rapidement, de cette mission.
L'objet de notre mission était sans doute d'exprimer les sentiments de solidarité des populations européennes envers les populations du Rwanda, de rechercher aussi, en liaison avec les nouveaux dirigeants de ce pays, ce que nous pouvions faire pour soulager les souffrances des Rwandais, pour rétablir la paix, pour aider à la reconstruction du pays, mais nous avons voulu aussi, par notre présence, marquer notre indignation pour le génocide perpétré sur le territoire rwandais. Car si tous, nous avons été émus par les images des camps de réfugiés que nous avons vues à la télévision, le choléra ne doit pas nous faire oublier le génocide.
Pour ceux qui pensent - et nous sommes très nombreux ici - que l'Europe n'est pas simplement un marché, qu'elle ne doit pas simplement devenir une puissance politique, mais qu'elle doit être essentiellement une communauté de valeurs, rien n'était plus urgent, rien n'était plus indispensable, pour le nouveau Parlement, que de dénoncer vigoureusement les graves atteintes aux droits et à la dignité de l'homme qui ont été commises au Rwanda. Si ces massacres ont revêtu les dimensions dramatiques que nous savons - près d'un million de personnes ont été massacrées - c'est sans doute parce que la communauté internationale n'a pas su agir à temps. Elle porte sans doute sa part de responsabilité.
Dans ce conflit comme dans d'autres, si l'Union européenne avait pu agir de façon préventive, on peut penser que le nombre des victimes aurait été moins élevé. Beaucoup de ceux qui dénoncent aujourd'hui l'impuissance de l'Europe sont mal placés pour le faire, car ce sont les mêmes qui, depuis des années, ont fait tout ce qu'ils ont pu pour que l'Europe soit impuissante, pour qu'elle n'ait pas la capacité d'agir. Ils ont voulu qu'on lui lie les mains, et ils lui reprochent aujourd'hui de ne pas s'en servir.
En tout cas, le drame du Rwanda, après celui de l'ex-Yougoslavie, doit nous faire une obligation, non seulement de mettre sur pied, dans les meilleurs délais, une politique commune dans le domaine des affaires étrangères et de la sécurité, mais aussi, comme cela a été dit par un certain nombre d'intervenants, de réfléchir ensemble aux moyens d'une diplomatie préventive qui, en liaison, bien entendu, avec l'Organisation des Nations unies, nous permettrait d'agir avant qu'il ne soit trop tard, et comme l'a dit le commissaire Marin, d'empêcher que le feu ne prenne pour ne pas être obligé de tout faire pour essayer de l'éteindre. Je pense que le Burundi pourrait être un terrain où cette diplomatie préventive, s'il en est encore temps, pourrait se manifester. En tout cas, l'Europe que nous voulons construire, que nous sommes en train de construire, n'aurait, me semble-t-il, aucun sens, aucune raison d'être, aucune légitimité, si elle restait indifférente, passive, impuissante, devant de tels drames.
En terminant, je voudrais dire un mot sur l'intervention française au Rwanda. titre personnel, je regrette que le jugement très favorable sur cette initiative, qui figurait dans la première version du projet de résolution, ait été retiré. On peut penser ce que l'on veut de la politique française au Rwanda au cours des années écoulées, mais nul ne peut contester, et nul, d'ailleurs, n'a contesté les effets bénéfiques de l'opération turquoise. Cette opération, je le rappelle, a été effectuée avec l'accord des Nations unies, a été appuyée par un certain nombre de pays africains, puisqu'un tiers de ses forces de était composé d'Africains. Elle a évité de nombreux massacres et permis de fixer un million et demi de personnes dans la zone humanitaire de sécurité, les détournant ainsi de l'exil. Je remercie Lord Plumb d'avoir rendu hommage à l'action des soldats français. Je m'associe également à l'hommage qu'il a bien voulu rendre à l'action des organisations humanitaires qui travaillent, nous avons pu nous
en rendre compte, dans des conditions terribles, que l'on ne peut pas imaginer.
Je forme enfin des voeux pour que l'Union européenne reconnaisse, comme cela est suggéré dans la résolution, le nouveau gouvernement rwandais, qu'elle agisse aussi pour que soit mis en place rapidement le tribunal international destiné à sanctionner les crimes de guerre. Mais au-delà du nécessaire châtiment de tous les criminels, de quelque camp qu'ils soient, il est indispensable que la communauté internationale, et en particulier l'Union européenne, fasse pression sur les nouveaux dirigeants rwandais pour que, dans l'esprit des accords d'Arusha, ils oeuvrent au rétablissement de la confiance, à la réconciliation nationale, faute de quoi le Rwanda s'enfoncera de plus en plus dans le chaos.
(Applaudissements)