- Madame le Président, mes chers collègues, la situation du Rwanda, manifestement, n'est plus à décrire, tout le monde la connaît, mais je crois qu'il est quand même important d'attirer l'attention sur deux ou trois éléments. Actuellement, le danger est effectivement dans les camps. C'est vrai qu'aujourd'hui les assassins sont parmi nous. Nous le savions, ce n'est pas la première fois que la communauté internationale se retrouve avec des assassins sous sa protection. Nous avions déjà connu cela en Thaïlande où les Khmers rouges vivaient sur le dos de l'habitant en quelque sorte, au milieu de populations qu'ils avaient arrachées à leur propre pays. Cette fois-ci, cependant, ces assassins continuent d'assassiner. Ils se réarment, ils s'entraînent, ils ont envie de revanche, et là-dessus, il faut vraiment tout faire pour les empêcher de nuire.
Le deuxième élément sur lequel je voulais attirer votre attention, c'est l'incroyable lenteur de notre propre réaction. Souvenons-nous que c'est en avril que le président Abiarimana a été assassiné et c'est à ce moment-là qu'on a ouvert l'abattoir où 500 000 personnes, hommes, femmes et enfants, ont trouvé la mort et que deux millions de personnes ont été jetées sur les routes. Sur l'importance de l'agression que les populations rwandaises ont subie,peut-être un petit détail va-t-il donner une idée. A Boutaré, petite ville au sud du pays qui comportait une université possédant 71 professeurs et titulaires de chaires, dans les huit heures qui ont suivi l'assassinat, ou l'attentat contre le président Abiarimana, 68 de ces professeurs ont été assassinés. C'est dire que la gravité de la situation ne tient pas tant à la volonté de destruction qui s'est manifestée qu'à la durée pendant laquelle le Rwanda va avoir à payer cette addition. Cette volonté de détruire les enseignants va, pour une génération au moins
, obliger le pays à payer l'addition.
L'impatience, on peut le dire, est donc grande. Peut-être sur le strict plan des préséances, des attributions, y a-t-il eu quelques erreurs dans la présentation de cette question orale. Ceci étant, sans vouloir la justifier, tout au moins peut-elle être un tout petit peu expliquée. Il faut que la résolution proposée soit votée, avec probablement tous les amendements qui ont été présentés, notamment au niveau des considérants. Bien sûr, des observateurs locaux, sur place, au Rwanda, sont nécessaires, mais aussi à côté, au Zaïre, au Burundi. Et dans les difficultés que nous allons rencontrer face à ces milices qui se réarment, peut-être faut-il aussi penser à la force permanente, dans l'esprit de celle que le secrétaire des Nations unies, M. Boutros-Boutros Ghali a décrite dans son agenda pour la paix, cette force permanente qui serait au service des Nations unies.
Ensuite, c'est vrai, le retour à la vie, le retour à la reconstruction, va être notre tâche principale, mais, avant même d'en arriver là, il faut faire cesser les manoeuvres qui empêchent les populations de rentrer chez elles, soit par intimidation, soit par assassinat. Je pense qu'il en va là, pour une très grande part, de notre responsabilité.
Enfin, et en dernier lieu, naturellement, il est impensable de tirer un trait sur les assassins. Il va bien falloir qu'ils soient jugés. Ce tribunal international que chacun appelle de ses voeux, chacun sait aussi les extrêmes difficultés que sa mise en place connaîtra. Comment pourra-t-on aider un pays dont l'institution judiciaire tout entière a été complètement décimée? Là encore, tout un travail complexe de réflexion et de mise en application de notre propre volonté doit être élaboré. C'est à cela que nous sommes tous conviés.