- Madame le Président, la résolution présentée a le mérite d'insister sur la cause fondamentale des malheurs actuels du Rwanda, à savoir le génocide perpétré par les milices et l'armée qui soutenaient l'ancien régime au pouvoir dans ce pays à l'encontre des Tutsis, et le massacre de nombreux Hutus modérés ou démocrates. Elle passe pudiquement sous silence la responsabilité de plusieurs gouvernements européens en raison du soutien qu'ils ont apporté à la politique du précédent président du Rwanda, M. Abiarimana.

Certes, bien tardivement, la France, qui n'était pas au départ le pays le mieux indiqué pour ce faire, a-t-elle, par son action, assumé presque seule le rôle de l'Union européenne. Il est regrettable que le départ des troupes françaises n'ait pas été l'occasion de les remplacer par la présence active de l'Union européenne qui, en tant que telle, on nous l'a dit tout à l'heure, a peut-être dépensé beaucoup d'argent, mais est aujourd'hui pratiquement absente du débat, ce qui n'est à porter ni à son crédit ni à celui du Conseil.

Pour l'avenir, la résolution, que nous voterons et pour laquelle nous proposons des amendements, souligne la nécessité pour l'Union, et j'ajouterai pour ses États membres, d'établir le plus rapidement possible des relations diplomatiques normales avec le nouveau pouvoir en place à Kigali. Car, sans la reconnaissance de ce gouvernement, et sans coopérer avec lui, comment pourrait-on assurer le retour des réfugiés, mener une action humanitaire efficace, contribuer à la réconciliation nationale et influer sur lui pour qu'il tienne compte d'un nécessaire pluralisme politique et ethnique dans ce pays déchiré? Comment pourrait-on surtout, sans cela, contribuer activement, ce qui est notre principal devoir, à la reconstruction du Rwanda, un pays sinistré où tout est à refaire, à commencer par l'administration, les services élémentaires à la population, la justice et la police?

La résolution fait, par ailleurs, d'utiles observations sur les mérites de certains et les erreurs commises par beaucoup d'autres ces derniers mois. Elle fait aussi d'intéressantes suggestions pour prévenir à l'avenir semblables catastrophes humanitaires, qui sont, certes, le produit des événements, du sous-développement et des épidémies, mais avant tout, ne l'oublions jamais, le fruit amer de la perversité et de la folie des hommes, des erreurs politiques et de l'indifférence coupable manifestée lorsqu'il était encore temps de les éviter. Si la leçon du Rwanda n'est pas d'abord politique, elle sera perdue.