- A propos de cette résolution, il convient de revenir d'un mot sur la procédure qui a été beaucoup discutée. Notre groupe souhaite féliciter la commission du développement et de la coopération et, en l'occurrence, son président, pour avoir passé outre aux équilibres quasi diplomatiques entre les commissions de ce Parlement et nous avoir contraints à avancer plus vite que le rythme de nos mauvaises habitudes.
Sur le fond, notre groupe n'a pas souhaité s'associer au concert de louanges adressées à l'opération turquoise. C'était l'objet de notre amendement 20, mais là n'est pas l'essentiel.
Je voudrais aujourd'hui vous proposer de déplacer notre attention, nos moyens d'information, nos actions et même notre compassion, qui sont aujourd'hui presque exclusivement concentrés à l'Est du Zaïre et focalisés sur la question des réfugiés. Je ne sous-estime pas l'importance de ce douloureux problème, mais il m'apparaît que la priorité doit être désormais accordée au Rwanda lui-même.
Là sont les sinistrés, les rescapés meurtris, les invalides par dizaines de milliers, les orphelins par centaines de milliers, dépourvus d'abri, de toit et, souvent, de nourriture, tous ceux dont on a tué les familles, extirpé les racines, gommé jusqu'à la mémoire, car on voulait nier jusqu'à leur existence. La priorité doit être désormais donnée aux victimes du génocide, que nous veillerons à ne pas confondre avec les coupables de cette tragédie. Il est urgent d'engager un programme de reconstruction immédiate des équipements publics et du minimum privé - habitations notamment - au Rwanda même, en accord avec le gouvernement de Kigali. Il est urgent aussi d'orienter l'action des ONG vers l'intérieur du pays et non vers les camps, où ne demeureront bientôt que les auteurs de massacres, les soldats zaïrois pillards de l'aide alimentaire et les militaires débandés des anciennes F.A.R., lesquels préparent une improbable revanche avec l'aide presque ouverte de certaines puissances occidentales.
Il faut aider le gouvernement rwandais et, d'abord, donner à toute l'Europe l'exemple de sa reconnaissance immédiate et sans conditions. Rappelons à ce propos que, pendant des années, certains pays européens ont aidé la dictature ancienne à préparer le massacre du printemps dernier. Si on ne l'a pas voulu, on y a au moins objectivement contribué. Et aujourd'hui les mêmes viennent faire des recommandations morales et juridiques aux autorités de Kigali. Nous disons très clairement: pas trop d'exigences pour l'avenir quand on a montré tant de complaisance par le passé. Certes, la transition la plus démocratique est souhaitable. Certes, les garanties d'équité dans les inévitables procès doivent être recherchées. Il reste que le Rwanda vit une période d'exception et que le terrible traumatisme qu'a connu ce pays n'a été ni voulu ni organisé par les dirigeants actuels, mais par ceux que nos exigences du moment tendent à protéger. Imagine-t-on, après la tragédie cambodgienne, l'ensemble des démocraties occi
dentales mobilisées pour offrir des garanties à Pol Pot ou à Kieu Samphan? Indécent, tout simplement.
C'est sous le bénéfice de ces observations que le groupe de l'Alliance radicale européenne vote la résolution qui nous est soumise.