Monsieur le Président, comme on pouvait s'y attendre, la présidence du Conseil vient de se démarquer des déclarations de la CDU comme de celles, inspirées du même esprit, mais qui venaient d'une source plus officielle encore, celles du gouvernement français. Pourtant, cet incident n'est pas sans conséquences. Il faut en tirer quelques leçons pour l'avenir de l'Europe.
La première leçon, c'est qu'il semble maintenant couramment admis, comme une évidence, que même limité à douze, même sans parler de l'élargissement, le traité de Maastricht ne pourra pas fonctionner tel qu'il était prévu. En effet, l'idée même de géométrie variable ou d'Europe à deux, à trois ou à quatre vitesses, est contraire au principe de Maastricht, celui d'une avancée égalitaire et simultanée de tous les membres.
La seconde leçon, c'est qu'à partir du moment où l'on accepte la perspective de la géométrie variable, on entre dans une logique du libre choix, et dans cette logique-là, on ne peut évidemment pas décider à l'avance de manière autoritaire, quel État participera à tel ou tel cercle de coopération. Chaque État doit être libre de choisir le, ou les cercles, de coopération auxquels il entend participer.
Troisième leçon: contrairement aux apparences, le fédéralisme n'est pas plus facile à cinq qu'à douze, bien au contraire. Les premières réactions que nous avons recueillies aux propositions de la CDU montrent qu'il serait plus difficile. En effet, les marges de manoeuvre des différents pays dans ce système-là, seraient plus limitées. Dans un système à cinq, les combinaisons possibles sont plus réduites, les blocs sont plus massifs, les relations sont plus rigides. Pour cela, on ne voit pas comment ce fédéralisme à cinq pourrait être accepté.
Dernière leçon: les maux dont souffre l'Europe sont tellement profonds que le document de la CDU, comme les déclarations du gouvernement français, se sont placés d'emblée sur le terrain des réformes les plus radicales. Mais si l'on veut mener des réformes radicales, on ne pourra pas faire autrement, cette fois, que de consulter directement les peuples. Et ceux-ci, c'est probable, ne voudront pas d'un fédéralisme européen, ne voudront pas d'un système où coexisterait un super-Maastricht pour les uns et un sous-Maastricht pour les autres. Il faudra bien revenir alors à un système plus souple, plus confédéral: celui de l'Europe des nations. C'est une donnée dont il vaudrait mieux tenir compte tout de suite pour éviter à l'Europe, à l'avenir, des déboires encore plus grands.