Madame le Président, mes chers collègues, l'Europe à plusieurs vitesses existe: nous l'avons rencontrée à Maastricht. Nous l'avions même rencontrée bien avant, quand nous élaborions, à l'époque de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, un régime transitoire pour la pêche, lequel va d'ailleurs parvenir à son terme. C'était, déjà, l'Europe à plusieurs vitesses.
Lorsque nous instituions la cohésion, c'était l'Europe à plusieurs vitesses, l'idée étant qu'il fallait aller plus vite au profit des pays qui souffraient d'un retard de développement. Lorsque nous proposons de faire la monnaie unique à quelques-uns - c'est dans le traité de Maastricht, à l'article 109 J4, - nous faisons l'Europe à plusieurs vitesses. Il n'y a donc rien de nouveau, rien de scandaleux, rien d'inadmissible dans tout cela.
En revanche, l'Europe à plusieurs vitesses se heurte à des limites. Il faut penser à des garde-fous. J'en vois trois.
Premièrement, il ne s'agit pas, sous prétexte de faire l'Europe à plusieurs vitesses, d'instaurer un petit système institutionnel au sein du grand, une sorte de traité dans le traité. Ceci ne serait envisageable que s'il y avait eu blocage complet de la conférence intergouvernementale de 1996. Nous n'en sommes pas là, et j'espère que nous n'y serons jamais.
Deuxièmement, nous l'avons dit, il ne faut pas que l'Europe à plusieurs vitesses devienne une Europe à la carte, une Europe à géométrie variable, c'est-à-dire la transformation d'un délai raisonnable en une dérogation permanente. Nous ne le voulons pas. Maastricht a ouvert une brèche en la matière, et nous en payons les conséquences.
La Communauté forme un tout, la libéralisation, l'harmonisation, les politiques communes forment un tout, et c'est le lien entre ces trois éléments, qui fait la différence entre une zone de libre-échange améliorée et une Communauté digne de ce nom.
Enfin, troisième élément essentiel, il ne faut pas que l'Europe à plusieurs vitesses serve d'alibi à l'immobilisme et à l'inertie institutionnels d'ici à 1996. Il serait évidemment illusoire de substituer une telle attitude à une véritable réforme, et c'est le grand mérite du document de la CDU que d'avoir mis au premier rang de ses priorités, non - comme on l'a dit - le "noyau dur", mais bien la lutte contre une extension institutionnelle exagérée. Le document de la CDU visait à réveiller les États, pour que la conférence intergouvernementale aboutisse. Comment, mes chers collègues, ce but ne serait-il pas aussi le nôtre?