Monsieur le Président, l'Europe, telle que nous la connaissons, telle que nous la vivons ici, est bien imparfaite et, pourtant, c'est déjà une aventure extraordinaire par rapport aux violences qu'a créées ce continent dans l'Histoire. Mais nous ne sommes pas au bout de cette énorme aventure et l'Europe a un peu les mêmes caractéristiques qu'une bicyclette. Elle ne tient debout que quand elle avance. Elle meurt de l'immobilisme.

C'est par rapport à cela que je suis importuné par certains aspects de notre débat d'aujourd'hui. Je le trouve plein d'hypocrisie. Nous avons déjà la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, le Conseil de l'Europe, notre Union européenne avec ses deux options de sortie pour le Royaume-Uni et le Danemark, nous avons l'Union de l'Europe occidentale, le Système monétaire européen - qui n'est pas complet - et même l'accord de Schengen. Comment qualifier cela autrement qu'en constatant qu'il y a plusieurs vitesses.

Or, nous sommes devant bien des problèmes de poursuite de la construction européenne. Le principal, à mon sens, c'est le besoin que nous avons de la monnaie unique pour assurer demain la force de l'Europe et son poids dans l'équilibre du monde, notamment, son poids par rapport au dollar et au yen. C'est une évidence que nous n'avancerons pas tous à la fois, que nous ne le pouvons pas, même si nous le voulons tous, ce qui, d'ailleurs, n'est pas non plus le cas. Alors, il faut bien que certains commencent et, du coup, me vient l'envie de saisir cette Assemblée d'une réflexion sur le vocabulaire. Il y a cette diversité des vitesses. Comment les appelons-nous? Nous parlons tantôt de "noyau dur", tantôt de "géométrie variable", tantôt même de "plusieurs vitesses". Toutes ces expressions laissent penser qu'on accepte la pérennité de ces situations. Et c'est cela qui n'est pas acceptable.

Les initiatives européennes doivent pouvoir être suivies par les collègues. Je vous proposerai de parler d'une Europe à "moteur variable", l'idée de moteur variable supposant qu'il peut y avoir plusieurs États variables, mais pas toujours les mêmes dans le temps, et que tous les autres ont vocation à rattraper. Si nous acceptons de clarifier notre vocabulaire, nous diminuerons déjà notre taux d'hypocrisie et faciliterons les débats importants qui doivent venir.