Monsieur le Président, le vote des amendements qui vient de se dérouler montre que le Parlement n'a pas corrigé les conséquences néfastes qui ont découlé de l'article 8B du traité sur l'Union européenne, mais était-ce possible? A vrai dire, il les a même aggravées dans certains domaines, et cela dans un climat manquant quelques fois de sérénité.
Dans son état actuel, cette proposition de directive comporte donc toujours des incohérences graves. Des incohérences de principe, d'abord, qui tiennent à l'idée même de séparation de vote, en vertu de laquelle les uns votent dans leur pays d'origine, les autres dans le pays de résidence. La citoyenneté nationale vole, de ce fait, en éclats, et, avec elle, la cohérence juridique des ordres nationaux.
Il y a, aussi, incohérence technique. En effet, pour que le système fonctionne correctement, il faudrait un contrôle européen, unique et centralisé, des doubles votes et des déchéances de droits civiques. Ce contrôle général ne peut, toutefois, être instauré, faute d'État européen pour le soutenir. Il faut s'en féliciter, la mise en fiche des citoyens européens qu'il implique étant, sans nul doute, contraire aux libertés publiques.
Enfin, il y a incohérence juridique. Au lieu de laisser aux États membres la liberté de choix dont ils disposaient dans le régime antérieur, on veut leur appliquer, comme dans ce cas de la monnaie unique, un moule uniforme. La comparaison avec la monnaie unique n'est pas fortuite. Dans les deux cas de figure, on voit à l'oeuvre un esprit unificateur, constructiviste, opposé à la liberté des peuples et, de ce fait, incompatible avec les intérêts de l'Europe.
C'est toute la philosophie de Maastricht, le principe d'une avancée égalitaire à douze dans le sens fédéraliste, que l'on voit transparaître ici. C'est précisément cette philosophie qui bloque l'Europe aujourd'hui. Elle devra bien éclater un jour, sous la forme d'une Europe à "géométrie variable", ou sous une autre, à la suite de l'élargissement.
C'est pourquoi le groupe de l'Europe des Nations refuse de voter cette directive.