Monsieur le Président, chers collègues, qu'il s'agisse de la presse écrite ou de l'audiovisuel, les phénomènes de concentration dépassent très largement les frontières nationales. Ce sont de véritables empires européens, voire internationaux, auxquels nous sommes confrontés.
Il est essentiel, pour nous, de réagir, en l'occurrence rester attentifs, sans pour autant devenir interventionnistes à tout prix. La société de l'information est en marche. Elle est au coeur de la révolution post-industrielle à laquelle nous assistons, et qui a déjà bouleversé notre mode de vie. Il est impératif de participer à cette révolution, si nous ne voulons pas que l'Europe glisse dans le sous-développement.
Si la télévision et le cinéma se portent bien aux États-Unis, c'est parce que ces deux industries ont toujours travaillé dans une optique de synergie. C'est précisément dans cette optique de synergie et de promotion des industries culturelles que nous, libéraux, entendons mener notre politique de la communication. Il est vrai que la liberté des médias constitue le fondement indispensable de toute communauté libérale. J'ajouterai cependant, que le pluralisme d'opinion est tout aussi indispensable que la liberté des médias.
La Communauté ne peut donc intervenir que si la concentration des médias s'avère néfaste pour le pluralisme de l'information à l'échelle européenne. Concurrence et le pluralisme sont interdépendants. La concurrence, la concurrence saine des médias n'est-elle pas le meilleur garant de la liberté de communication et de la qualité de l'information?
S'il fallait mesurer le degré de liberté d'un État, c'est probablement le degré de pluralisme de sa presse, l'audiovisuel y compris, qui serait l'élément de référence. L'intervention communautaire devrait s'étendre à l'ensemble des médias, l'audiovisuel inclus, tout en laissant aux États une marge de manoeuvre qui leur permette de faire face aux exigences particulières du paysage audiovisuel national.
La libéralisation récente de l'audiovisuel et la restructuration nécessaire de la presse ont débouché sur des formes de concentration des médias dont l'ampleur est inquiétante. La valeur globale des fusions et acquisitions dans le secteur des médias européens a pratiquement doublé en l'espace de deux ans. On peut concevoir que, devant l'internationalisation du domaine et la mise en place du marché intérieur européen, l'industrie des médias soit contrainte de se réorganiser. Cette réorganisation ne peut, toutefois, se faire au détriment de la qualité de l'information et de notre spécificité culturelle. Toute législation en matière de concentration des médias devra, nécessairement, prendre en considération, aussi bien la dimension économique du secteur de l'information, queson impact culturel.
Qu'il soit bien clair, cependant, que notre action n'a sa raison d'être que dans la mesure où les concentrations affectent le pluralisme des médias et portent atteinte à la liberté d'expression des journalistes. Dans une société démocratique, c'est à l'État qu'il incombe de veiller au respect des libertés. Pourtant, des solutions nationales sont difficilement envisageables et, au niveau européen, les règlementations en matière de concentration ne sont pas réellement applicables aux médias.
Depuis 1980, le Parlement européen a, à plusieurs reprises, formulé des recommandations spécifiques faisant valoir que la diversité culturelle, la liberté d'information et le pluralisme d'opinion étaient une nécessité première en cas de renforcement de l'Union européenne.
En guise de conclusion, Monsieur le Président, je voudrais résumer mon intervention par cette citation d'Albert Camus: "La presse, lorsqu'elle est libre, peut être bonne ou mauvaise; mais, assurément, sans la liberté, elle ne peut être que mauvaise. Pour la presse, comme pour l'homme, la liberté c'est la chance d'être meilleur. La servitude, c'est la certitude du pire."