Monsieur le Président, 52 millions de pauvres, 18 millions de chômeurs, 4 millions de sans-abri, tel est le bilan accablant qui peut être dressé au sein de l'Union européenne.
Alors que la pauvreté et l'exclusion prennent dans nos différents pays une dimension sans précédent, la présidence allemande décide de refuser la mise en oeuvre du quatrième programme contre la pauvreté. On ne saurait faire preuve de plus de cynisme et de mépris à l'égard des victimes de la pauvreté et de ceux et celles qui se dévouent sans compter pour lutter contre l'exclusion. Une telle décision est inacceptable, d'autant plus que les différentes instances européennes ont leur part de responsabilité dans l'extension de la pauvreté. Que de directives, de recommandations pour abaisser le coût du travail, comprimer les dépenses sociales, limiter la législation sociale! Le Conseil nous en a donné un exemple récent en enjoignant aux États membres de réduire leurs déficits, conformément aux critères de la monnaie unique, ce qui va aboutir à la réduction des budgets sociaux au mépris de la souveraineté nationale.
La loi du marché, la compétitivité acharnée, le dogme du libéralisme amènent à faire pression sur les salaires, à développer la précarité, à réduire la protection sociale. La pauvreté et l'exclusion ne tombent pas du ciel, elles sont le résultat des politiques qui privilégient la loi de l'argent roi au détriment de considérations humaines. C'est ainsi qu'à un pôle de la société s'accumulent les difficultés pour un nombre croissant de personnes, tandis qu'à l'autre pôle s'accumulent les richesses. En France, par exemple, l'écart entre les 10 % de ménages les plus riches et les 10 % des plus pauvres est de 1 à 100. A la veille de l'an 2000, comment ne pas être révolté par une telle extension de la pauvreté et de l'exclusion, qui touchent en premier les femmes et les enfants, dans des pays développés comme le sont nos différentes nations? Comment ne pas ressentir un profond sentiment d'injustice face aux atteintes à la dignité et aux droits de l'homme engendrées par cette situation?
La suppression du quatrième programme de lutte contre la pauvreté ne pourrait qu'aviver ce sentiment d'injustice pour toute personne de coeur. Il s'agit vraiment d'une conception de la subsidiarité totalement unilatérale, et donc particulièrement injuste et injustifiée. Les initiatives communautaires n'ont certes pas la prétention d'apporter des solutions de fond au problème de la pauvreté, mais elles n'en constituent pas moins une aide, un soutien à des projets locaux, à des expériences intéressantes. Elles sont un encouragement pour tous ceux, toutes celles qui se mobilisent avec leurs associations pour lutter contre l'exclusion et qui ont notamment animé la journée mondiale contre la pauvreté, le 17 octobre dernier.
Retirer cette aide, ce serait accroître les difficultés rencontrées, nier l'utilité des diverses initiatives entreprises par les organisations intéressées. Ne renforçons pas l'image déjà si prégnante d'une Europe dure, inégalitaire, impitoyable pour les plus faibles. Il faut arrêter et mettre en oeuvre le quatrième programme contre la pauvreté en doublant les fonds qui lui sont affectés et comme le disait le regretté Père Warzinski, "Il ne faut pas soulager la misère, il faut la détruire". Il faut donc agir sur les causes et pas seulement sur les effets. C'est pourquoi d'autres orientations que celles qui prévalent aujourd'hui doivent être prises et encouragées pour favoriser l'emploi, l'emploi stable, et non la précarité, promouvoir l'investissement productif, le développement des services et non la spéculation, améliorer le pouvoir d'achat et développer la protection sociale et les politiques familiales au lieu de les réduire. C'est cela l'Europe de la coopération et de la solidarité, celle pour laquelle n
ous militons.
(Applaudissements)