Le Parlement européen,
- vu les articles 3, 5, 7, 8 A, 100 et 235 du traité instituant la CEE,
- vu le préambule de l'Acte unique européen, par lequel les Etats membres se déclarent déterminés "à améliorer la situation économique et sociale par l'approfondissement des politiques communes et par la poursuite d'objectifs nouveaux et à assurer un meilleur fonctionnement des Communautés, en permettant aux institutions d'exercer leurs pouvoirs dans les conditions les plus conformes à l'intérêt communautaire",
- vu sa résolution du 16 novembre 1977 sur l'attribution de droits spéciaux aux citoyens de la Communauté européenne en application de la décision de la conférence au sommet de Paris du mois de décembre 1974 JO no C 299 du 12.12.1977, p. 26,
- vu sa résolution du 12 mars 1987 sur le problème du droit d'asile JO no C 99 du 13. 4.1987, p. 167,
- vu sa résolution du 15 mars 1989 sur le programme de travail de la Commission pour 1989 JO no C 96 du 17. 4.1989, p. 57,
- vu sa résolution du 23 novembre 1989 sur la signature du protocole additionnel à l'Accord de Schengen JO no C 323 du 27.12.1989, p. 98,
- vu sa résolution du 15 mars 1990 sur la libre circulation des personnes dans le marché intérieur JO no C 96 du 17. 4.1990, p. 274,
- vu sa résolution du 14 juin 1990 sur l'Accord de Schengen et la Convention sur le droit d'asile et le statut de réfugié du groupe ad hoc "Immigration" JO no C 175 du 16. 7.1990, p. 170,
- vu ses débats en séance plénière des 20 et 21 février 1991 Compte rendu in extenso des séances du 20.2.1991, p. 184, et du 21.2.1991, p. 304,
- vu sa résolution du 22 février 1991 sur l'harmonisation des politiques d'accès aux territoires des Etats membres de la Communauté européenne en vue de la libre circulation des personnes (article 8 A du traité CEE) et l'élaboration d'une convention intergouvernementale entre les douze Etats membres de la Communauté européenne JO no C 72 du 18.03.1991, p. 213,
- vu sa résolution du 14 juin 1991 sur la citoyenneté de l'Union européennePV de cette date, partie II, point 18,
- vu la décision arrêtée par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Paris en décembre 1974 au sujet des droits spéciaux qu'il convient d'accorder aux citoyens de la Communauté européenne,
- vu le rapport du Comité ad hoc pour l'Europe des citoyens (rapport Adonnino),
- vu le Livre blanc sur l'achèvement du marché intérieur COM(85) 310, dans lequel sont envisagées des propositions de directive en matière de libre circulation,
- vu la communication de la Commission sur l'abolition des contrôles des personnes aux frontières intracommunautaires COM(88) 640
- vu la déclaration que les ministres chargés de l'immigration, réunis à Paris le 15 décembre 1989, ont publiée sur la lutte contre l'immigration irrégulière et la nécessité de politiques appropriées en matière d'immigration,
- vu la Convention déterminant l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un Etat membre de la Communauté (ci-après dénommée "Convention sur l'asile"), signée le 15 juin 1990, et la Convention d'application de l'Accord de Schengen (ci-après dénommée "Convention d'application"), signée le 19 juin 1990,
- vu la proposition de résolution déposée par M. Habsburg et autres sur le respect de la libre circulation des citoyens de la Communauté entre les Etats membres (B3-0055/90),
- vu l'article 121 de son règlement,
- vu le rapport de la commission juridique et des droits des citoyens et l'avis de la commission politique (A3-0199/91),
considérant que l'article 3 point c) du traité instituant la Communauté économique européenne énonce déjà le principe de "l'abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux",
considérant que l'article 7 du traité CEE interdit, dans le domaine d'application de celui-ci, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, toute discrimination exercée en raison de la nationalité,
considérant, d'une part, l'importance qu'attachent à l'ouverture des frontières intracommunautaires au 1er janvier 1993 tous les ressortissants de la Communauté et, d'autre part, le fait qu'aucune querelle de compétence ne pourrait justifier aux yeux de l'opinion publique un quelconque retard de l'ouverture de ces frontières à la date prévue,
considérant que le Livre blanc de la Commission annonçait, s'agissant de la libre circulation, des propositions au sujet des drogues (présentation prévue pour 1987), de l'abolition des contrôles aux frontières intérieures, de la coordination des dispositions régissant le séjour, l'entrée et l'accès à l'emploi des ressortissants de pays non communautaires (1988), du droit d'asile (1988), du statut des réfugiés (1988), de la politique en matière de visas (1988) et de la politique d'extradition (1988),
constatant que des actions communautaires n'ont été arrêtées ou proposées dans aucun de ces domaines,
considérant que M. Bangemann, vice-président de la Commission, a présenté devant ses collègues, le 21 mars 1990, une communication dans laquelle il déclarait sachant que moins de trois ans nous séparent de la fin de 1992, la démarche générale de la Commission est d'ordre plus pragmatique que doctrinal. Aussi, chaque fois que des accords intergouvernementaux offrent de meilleures perspectives de progrès que des instruments juridiques communautaires, la Commission entend-elle accomplir des progrès plutôt que se livrer à d'interminables querelles de compétence. Cette politique pragmatique a conduit à modifier l'optique initialement exposée dans le Livre blanc de 1985 SEC(90) 437/3,
considérant que M. Bangemann a fait savoir, le 21 février 1991, qu'il s'emploierait, malgré toutes les difficultés rencontrées, à porter les règles de Schengen au niveau communautaire si certains pays n'adhéraient pas à l'Accord, et que la Commission comptait présenter une proposition sur les règles de fond relatives à l'immigration et à l'octroi du droit d'asile Compte rendu in extenso de la séance du 21 février 1991, p. 312,
rappelant que les compétences de la Communauté ne sont pas encore épuisées, étant donné que les actions annoncées dans le Libre blanc n'ont pas été proposées et adoptées, et que, dès lors, la Commission n'a toujours pas rempli l'obligation qui lui incombe de veiller aux intérêts de la Communauté,
considérant que la signature de l'Accord de Schengen, de la Convention d'application de celui-ci ainsi que de la Convention déterminant l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un Etat membre de la Communauté a eu lieu hors du contrôle démocratique du Parlement européen,
considérant que certaines parties des conventions sont déjà mises en oeuvre sans que les parlements nationaux les aient autorisées ou ratifiées, ce qui représente une carence supplémentaire en termes de démocratie,
considérant que de nombreux groupes de travail examinent, dans le cadre de la coopération intergouvernementale, des aspects spécifiques de la liberté de circulation des personnes et de la sécurité, tels le groupe de Schengen, TREVI I, TREVI II, TREVI III, TREVI 92, le groupe ad hoc "Immigration", le groupe des coordinateurs, SIS, CELAD, GAFI, etc.; constatant par ailleurs que toutes ces activités ont donc lieu en dehors du cadre des institutions européennes et que, en outre, le Parlement européen n'est ni assez régulièrement ni suffisamment tenu informé sur leur nature, ce qui lui laisse moins de possibilités encore d'opérer une évaluation sérieuse en la matière,
sachant que les membres nationaux de ces groupes éprouvent le sentiment que le nombre et les compétences de ces derniers sont devenus incontrôlables,
considérant que, aux termes de la déclaration se rapportant à l'article 8 A du traité CEE, la conférence souhaite traduire la ferme volonté politique de prendre avant le 1er janvier 1993 les décisions nécessaires à la réalisation du marché intérieur défini dans cette disposition et plus particulièrement les décisions nécessaires à l'exécution du programme de la Commission tel qu'il figure dans le Livre blanc sur le marché intérieur,
rappelant que la déclaration politique des gouvernements des Etats membres relative à la libre circulation des personnes, que ceux-ci ont adoptée lors de la signature de l'Acte unique, prévoit que les Etats membres coopèrent, mais "sans préjudice des compétences de la Communauté",
considérant qu'il n'a pas été possible de signer, en décembre 1990, un accord sur le fonctionnement des frontières extérieures,
constatant que huit Etats membres sont à ce jour parties au groupe de Schengen et aux décisions émanant de celui-ci,
considérant que la signature de la Convention d'application de l'Accord de Schengen ainsi que de la Convention sur l'asile montre que les actions susmentionnées, exposées dans le Livre blanc, peuvent être mises en oeuvre dès lors que la volonté politique existe pour ce faire,
rappelant la lettre que le chancelier Kohl et le président Mitterrand ont adressée au président en exercice du Conseil (document publié dans le journal "Le Monde" daté des dimanche 9 et lundi 10 décembre 1990), où il est proposé que certaines questions actuellement traitées dans un cadre intergouvernemental entrent dans le champ d'action de l'"Union", comme l'immigration, la politique des visas, le droit d'asile, la lutte contre les stupéfiants et la prévention de leur consommation, ainsi que la lutte contre la criminalité internationale organisée,
considérant que le Conseil européen réuni à Rome en décembre 1990 a relevé que la réalisation de la liberté de circulation des personnes souffrait d'un retard,
constatant que le Conseil européen réuni en décembre 1990 à Rome a exprimé le souhait que soient explorées les possibilités d'une extension des compétences de la Communauté dans le domaine de la liberté de circulation,
constatant que le Conseil d'Etat du Royaume des Pays-Bas a, le 8 avril 1991, émis de sérieuses réserves quant à certaines parties de la Convention d'application de l'Accord de Schengen du 19 juin 1990 et suggéré en conséquence au Cabinet de ne pas transmettre la proposition de loi à la deuxième chambre du Parlement néerlandais,
constatant que la Convention d'application de l'Accord de Schengen est de plus en plus considérée comme un test, comme une expérience de laboratoire, et qu'il est donc permis, lors de l'élaboration des propositions communautaires, de tenir compte des nombreuses critiques qui sont émises quant aux lacunes et à l'imperfection de certaines dispositions de cette Convention d'application,
W. considérant qu'un nombre substantiel de personnes résidant dans la Communauté européenne y jouissent du droit de résidence sans en être les citoyens et estimant que ces résidents, dont certains vivent depuis plusieurs années dans la Communauté, y payent des impôts et y jouent un rôle précieux, ne sauraient être exposés défavorablement aux effets des propositions relatives à la libre circulation des personnes,
1. tient à ce que la Commission soumette avant le 1er décembre 1991 des propositions quant aux mesures qui sont nécessaires pour la réalisation avant la fin de 1992 de la liberté de circulation des personnes inscrite dans le traité et quant aux mesures dites compensatoires et invite celle-ci à prendre en compte les observations contenues au chapitre III de l'exposé des motifs ci-joint;
2. considère, du fait notamment du caractère impératif des dispositions de l'article 8A du traité CEE, que la liberté de circulation des personnes relève, au même titre que les autres libertés qui y sont inscrites, de la compétence de la Communauté;
3. rappelle ce que stipulent, sous ce rapport, le Livre blanc de la Commission sur l'achèvement du marché intérieur et la déclaration des Etats membres relative à l'article 8 A du traité, qui figure dans l'acte final contenant l'Acte unique européen;
4. considère que les décisions normatives sur la liberté de circulation des personnes ne peuvent se soustraire au contrôle juridictionnel de la Cour de justice des Communautés ni s'élaborer sans la participation du Parlement européen;
5. demande à la Commission de prendre la responsabilité d'élaborer d'urgence des propositions appropriées visant des objectifs précis afin de permettre l'ouverture des frontières intracommunautaires sans aucun retard au 1er janvier 1993, notamment dans les domaines où la coopération intergouvernementale n'aurait pas donné les résultats escomptés;
6. tient à ce que la Commission cesse de participer aux groupes de travail constitués dans le cadre de la coopération politique tant que les progrès indispensables n'auront pas été accomplis sur le plan communautaire;
7. souligne avec force que, si la Commission ne satisfait pas à ses obligations, des conséquences devront en être tirées;
8. invite le Conseil à assister la Commission dans l'élaboration des propositions nécessaires pour la mise en oeuvre de la liberté de circulation des personnes prévue dans le traité;
9. invite les organes de la Coopération politique européenne à confier à la Commission, même si les compétences de la Communauté ne sont pas suffisantes, le soin de coordonner les groupes de travail chargés des dossiers de la liberté de circulation des personnes, du franchissement des frontières extérieures et de la sécurité intérieure;
10. estime qu'il importe de déterminer les moyens grâce auxquels les forces de police pourraient disposer d'instruments opérationnels permettant une lutte et une poursuite efficaces contre les personnes dont les actes délictueux seraient rendus plus aisés par l'abolition des contrôles aux frontières;
11. juge nécessaire d'étudier la possibilité d'instituer une autorité communautaire chargée de la lutte contre les délits de dimension internationale, tels le recyclage de l'argent, le terrorisme, le commerce illégal des armes, l'espionnage ou le trafic de stupéfiants;
12. souhaite que soit adoptée une législation commune en matière de commerce des armes, d'immigration, de visas et de contrôles aux frontières extérieures, en sorte que les législations nationales, qui diffèrent les unes des autres, ne contribuent pas à gêner la libre circulation des personnes à l'intérieur de la Communauté;
13. invite la Commission et le Conseil à tenir le Parlement européen informé tous les trois mois, dans les grandes lignes comme dans le détail, de l'état d'avancement de toutes les propositions concernant la libre circulation des personnes et la sécurité dans la Communauté ainsi que des activités du groupe dit des coordinateurs, de telle sorte qu'il puisse émettre son avis à cet égard en temps utile;
14. prie la Conférence intergouvernementale, tout en demeurant convaincu que le problème de la liberté de circulation des personnes et de la sécurité intérieure ressortit déjà -selon le droit en vigueur- à la compétence de la Communauté, d'amender le libellé des traités en sorte qu'une compétence de la Communauté pour toutes les questions en rapport avec la liberté de circulation des personnes dans la Communauté et les frontières extérieures, ainsi qu'avec la sécurité intérieure, soit expressément énoncée;
15. estime qu'il est nécessaire et urgent de rédiger et d'approuver une Charte européenne des principes fondamentaux régissant la liberté de circulation des personnes, en sorte que tout acte pris, sous quelque forme que ce soit, par la Communauté et/ou les Etats membres en vue de réglementer ou restreindre ladite liberté soit conçu ou adapté à la lumière de ces principes;
16. invite la Commission à veiller à l'harmonisation des législations concernant la protection des données à l'échelon communautaire, de manière à donner aux citoyennes et citoyens de la Communauté la possibilité juridique d'introduire auprès de la Cour de justice des Communautés européennes une action contre les instances concernées;
17. estime qu'il est indispensable d'assurer un contrôle démocratique de toutes les dispositions relatives à la liberté de circulation des personnes et à la sécurité dans la Communauté;
18. demande aux parlements nationaux d'analyser en profondeur et de débattre de la Convention d'application et de faire pleinement usage de leur compétence législative autonome;
19. souligne que toute proposition relative à la liberté de circulation des personnes doit respecter les libertés civiles;
20. souligne que toute proposition que présentera la Commission quant à la mise en oeuvre d'une politique commune en matière d'asile devra respecter les droits de l'homme et se conformer aux obligations internationales;
21. tient à ce que les propositions relatives à la libre circulation des personnes soient conçues de telle manière que les ressortissants de pays tiers ayant une résidence légale dans la Communauté européenne ne fassent pas l'objet de discriminations;
22. invite la Commission à préconiser la nomination, en collaboration avec le Parlement européen, d'un représentant de la Communauté pour les questions ayant trait aux réfugiés et d'un représentant pour les questions se rapportant à la protection des données;
23. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des Etats membres.