SOMMAIRE: RESOLUTION sur les conséquences de l'arrêt de la Cour de Justice du 17 octobre 1989 relatif à l'égalité de traitement entre hommes et femmes
Le Parlement européen,
- vu l'article 119, du traité CEE,
- vu la directive 75/117 CEE du 10 février 1975 sur l'égalité des rémunérations entre travailleurs féminins et masculins,
- vu la directive 76/207 CEE du 9 février 1976 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionelle et les conditions de travail,
- vu la directive 79/7 CEE du 19 décembre 1978 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale,
- vu la directive 86/378/CEE du 24 juillet 1986 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité du traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale,
- vu la proposition de directive du 23 octobre 1987 complétant la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes légaux et professionnels de sécurité sociale (COM(87)494,
- vu son avis du 15 décembre 1988 sur la charge de la preuve dans le domaine de l'égalité des rémunérations et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes JO C no 12 du 16.1.1989, p. 180,
- vu ses résolutions et notamment celle du 10 mars 1988 sur le non-respect des directives en matière d'égalité de traitement entre hommes et femmes (problème des discriminations indirectes) JO C no 94 du 11.4.1988, p. 149 et sur les femmes et l'emploi JO C no 94 du 11.4.1988, p. 144,
- vu l'arrêt de la Cour de Justice en date du 17 octobre 1989 dans l'affaire 109/88 sur l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de rémunération,
- vu la résolution déposée par Mme Crawley conformément à l'article 63 du règlement sur les conséquences juridiques et pratiques de cet arrêt (B3-473/90),
- vu le rapport de la commission juridique et des droits des citoyens et l'avis de la commission des droits de la femme, ainsi que de la commission des affaires sociales, de l'emploi et du milieu de travail (A3-0238/91),
A. considérant qu'il est établi et largement reconnu que le principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, institué par l'article 119 du Traité de Rome, de même que les directives d'application de ce principe adoptées par le Conseil, ne sont pas véritablement respectées sur l'ensemble de la Communauté et que subsistent encore des écarts importants et injustifiés entre les niveaux moyens de rémunération des travailleurs féminins et ceux des travailleurs masculins;
B. considérant que, dans la très grande majorité des cas, les discriminations sont au préjudice des femmes;
C. considérant que non seulement le niveau de vie, mais également les possibilités de promotion, de reconnaissance sociale et de liberté personnelle sont largement dépendantes aujourd'hui de l'équité des rémunérations individuelles, et que la persistance de discriminations sexuelles en ce domaine est préjudiciable à la promotion des femmes dans la Communauté;
D. considérant que la situation actuelle d'inégalité et la trop lente évolution positive qui s'est effectuée en ce domaine depuis la signature du Traité de Rome, sont moralement inacceptables par une Communauté qui se doit d'être exemplaire d'un égal respect de toute personne humaine, sans discrimination de sexe, aussi bien pour elle-même que pour la diffusion de ses idéaux dans le reste du monde;
E. considérant que l'arrêt de la Cour de Justice, tout en confortant la jurisprudence relative au principe de non-discrimination sexuelle, ne pouvait que rester dans le cadre limité des instruments juridiques dont la Communauté s'est dotée à ce jour;
F. considérant que ces instruments juridiques doivent être renforcés, notamment par l'adoption de la proposition de directive approuvée par le Parlement européen en sa séance du 15 décembre 1988, et relative au renversement de la charge de la preuve dans le domaine de l'égalité de traitement entre hommes et femmes;
G. considérant que ce renversement de la charge de la preuve, pour inhabituel qu'il soit par rapport aux principes généraux du droit de nos sociétés, ne constitue pas une "discrimination positive", mais se justifie par le fait que le salarié, placé, de par son statut, sous la subordination de l'employeur, ne dispose généralement pas des moyens d'information propres à lui permettre d'établir les preuves d'une éventuelle discrimination, et qu'en conséquence, le respect de la justice exige de prendre en compte ce handicap de situation;
H. considérant qu'à la suite de l'arrêt de la Cour de Justice, il importe de clarifier dans cette même directive une définition des "discriminations indirectes", parce que celles-ci sont les plus fréquentes, les plus spécieuses et partant, les plus perverses;
I. considérant que la lutte efficace contre les discriminations de caractère sexuel en matière de traitement, nécessite d'adjoindre au renforcement des instruments juridiques communautaires, un ensemble cohérent d'initiatives positives et propres à changer les mentalités et surmonter ainsi les préjugés, les idées-reçues, les attitudes ou les habitudes qui restent entachées d'un passé qui fut longtemps inégalitaire au dépens des femmes;
1. souhaite, étant donné que l'arrêt contribue à définir l'inversion partielle de la charge de la preuve comme se limitant à l'égalité de traitement, que ce principe soit étendu à tous les volets du rapport de travail;
2. insiste auprès du Conseil pour qu'il prenne en compte l'arrêt de la Cour de Justice du 17 octobre 1989, en adoptant sans plus tarder la proposition de directive relative au renversement de la charge de la preuve en matière d'égalité de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins, que le Parlement européen a approuvée le 15 décembre 1988 et qui est de nature à remédier aux difficultés spécifiques d'application du principe d'égalité institué par l'article 119 du Traité de Rome;
3. estime qu'il convient d'adopter très rapidement une définition des discriminations indirectes telle que celle contenue dans la proposition de directive susmentionnée parce que ces discriminations sont souvent à la source des injustices en matière d'égalité de traitement entre hommes et femmes et qu'elles ont largement fondé l'arrêt de la Cour;
4. estime que la définition, dans l'arrêt, des critères légitimes de différenciation salariale est par trop axée sur l'analyse des caractéristiques du travail effectivement effectué et sous-évalue les causes des discriminations directes et indirectes qui pénalisent les femmes;
5. estime qu'il convient dès lors d'approfondir et d'élargir la définition de l'égalité de traitement et d'action positive, par ailleurs évoqués à diverses reprises dans le troisième programme d'action;
6. recommande à la Commission, complémentairement à ces initatives de caractère législatif, qui sont nécessaires mais non suffisantes, d'infléchir le troisième programme d'action pour l'égalité des chances (1991-1995) de telle sorte que soient renforcées les actions propres à réduire les discriminations au préjudice des femmes, non seulement sur le plan des rémunérations et de la formation professionnelle, mais également sur celui des autres domaines, tels que l'embauche, qui conditionnent durablement les chances d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes;
7. demande en outre, à la suite notamment de l'arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes relatif à l'interdiction du travail de nuit pour les femmes, d'une part à la Commission des Communautés européennes, d'autre part à sa propre commission des droits de la femme d'approfondir une réflexion sur les effets induits des mesures sociales instituées spécifiquement pour les femmes de telle sorte que soient mieux connus et évités les risques d'effets négatifs de mesures qui, en dépit des intentions, pourraient être la cause de discriminations non justifiées et se retourner insidieusement contre la promotion professionnelle et sociale des femmes, notamment à l'étape de l'embauche;
8. souligne combien il est urgent de mieux connaître le travail effectué par les femmes et les différences de traitement en prévoyant des observateurs et des méthodes d'étude statistique appropriées;
9. est d'avis que les négociations entre les parties peuvent assurément mettre en valeur les potentialités contenues dans l'arrêt;
10. invite les gouvernements des Etats-membres et les partenaires sociaux à prendre en compte les conséquences de l'arrêt de la Cour de Justice, notamment par des accords conventionnels au niveau même des entreprises ou des branches professionnelles, et à promouvoir toutes initiatives propres à faire évoluer positivement les mentalités et les comportements pour lutter efficacement contre les discriminations de caractère sexuel au préjudice de la promotion des femmes;
11. invite, dans le même esprit, la Commission et les Etats membres à développer des campagnes de sensibilisation de l'opinion publique rompant avec les préjugés qui continuent de peser injustement sur les comportements sociaux à l'égard des femmes, notamment en ce qui concerne la compétence professionnelle, l'aptitude à participer à égalité avec les hommes à l'activité économique, l'adaptabilité aux contraintes de l'activité professionnelle;
12. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission et au Conseil.