RAPPORT de la commission d'enquête sur la diffusion dans les pays de la Communauté de la criminalité organisée liée au trafic de la drogue
Rapporteur : M. Patrick COONEY
SOMMAIRE:
RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION D'ENQUETE
PREAMBULE
PREFACE DU RAPPORT
INTRODUCTION
ETENDUE DU PROBLEME AUQUEL LA COMMUNAUTE SE TROUVE CONFRONTEE
PRECURSEURS, PRODUITS CHIMIQUES ESSENTIELS ET SUBSTANCES
CHIMIQUES.
CONSOMMATION DE DROGUES ILLICITES
RESEAU DES SYNDICATS DU CRIME
- La Mafia
- La Camorra
- La 'Ndrangheta
- Les Yakusas
- Les Triades
- Les clans turcs
- Les autres clans ethniques
- Les groupes de motocyclistes organisés
- Les organisations polonaises
ROUTES COMMERCIALES DES DROGUES ILLICITES
- La route des Balkans
- L'Afrique
- L'Amérique centrale et l'Amérique du Sud
RECOMMANDATIONS DE LA MINORITE'
Recommandations de la minorité
Conformément à l'article 119 du règlement, les membres désignés ci-dessous ont présenté des recommandations de la minorité : M. Cooney, rapporteur ; MM. de Donnea, Fernandez Albor, Hadjigeorgiou, Mme Reding et Sir J. Stewart-Clark.
Les recommandations de la minorité, ci-après formulées par des membres de la commission d'enquête, sont inspirées par des questions directement liées à son mandat, à savoir étudier la diffusion dans les Etats membres de la Communauté européenne de la criminalité organisée liée au trafic de la drogue.
La drogue et la société contemporaine
1. Ces recommandations ne devraient pas être considérées comme une liste exhaustive de propositions visant à résoudre le problème auquel la Communauté européenne et ses Etats membres sont confrontés en matière de toxicomanie ou de criminalité s'y rattachant. Dans certains cas, la lutte contre le crime organisé et le trafic de la drogue n'a été ni totalement ni efficacement engagée. Même lorsque les Etats sont signataires des conventions des Nations unies visées dans le présent rapport, un manque de diligence apparaît parfois dans la mise en oeuvre et dans le respect de leurs dispositions, et la détermination initiale peut ainsi s'en trouver émoussée.
2. Des efforts encore plus importants doivent être déployés par les gouvernements et par la Communauté européenne pour agir sur l'aspect de la demande de drogues. Il incombe aux ministères de la Santé et des Affaires sociales et aux gouvernements des Etats membres, de même qu'il y va potentiellement de la responsabilité de la Communauté européenne dans la mesure où la politique sociale en général est concernée, de veiller à ce que davantage de ressources, de main-d'oeuvre et d'efforts soient consacrés à la lutte contre la drogue, car celle-ci menace un très grand nombre de personnes dans notre société. Les mesures thérapeutiques pour aider les toxicomanes ne bénéficient pas de l'attention souhaitée de la part des gouvernements et des pouvoirs locaux. Il n'est pas suffisamment fait appel au système éducatif dans nos Etats membres pour sensibiliser nos enfants aux conséquences possibles de l'usage des drogues sur leur vie. Des campagnes d'information du public doivent également être menées sur le long terme po
ur que la prise de conscience de ces problèmes demeure entière. La lutte contre le trafic de la drogue et la toxicomanie concerne tous les organes de l'Etat à tous les niveaux, y compris les pouvoirs locaux qui devraient recevoir des ressources suffisantes, de même que les organisations bénévoles qui aident les drogués et les associations culturelles qui contribuent effectivement à la lutte contre la menace de la drogue.
3. Alors que la consommation et l'abus des stupéfiants par certains individus devraient avant tout être ressentis comme un sujet de préoccupation concernant directement la santé publique, et traités en conséquence, la possession de drogues illicites devrait être considérée comme un délit, comme c'est le cas dans la grande majorité des pays du monde. Il serait utile que les mesures pénales soient harmonisées au sein de la Communauté européenne afin que les condamnations soient adaptées au degré de gravité du délit commis, les délinquants étant attirés par les pays qui appliquent les peines les plus légères.
4. Il serait dans l'intérêt de la Communauté européenne et de ses Etats membres que les pouvoirs publics fassent campagne pour diffuser davantage d'informations sur la toxicomanie - de la même façon que des campagnes de santé publique se sont efforcées d'informer les gens sur le sida - dans le but de faciliter l'accès des toxicomanes et des usagers aux moyens de traitement.
Dans ce contexte, l'enregistrement médical des héroïnomanes dans le but de leur assurer un libre accès au traitement, la délivrance de seringues, et la prescription de médicaments (par exemple, méthadone) par des cliniques agréées, dans des conditions rigoureusement contrôlées, devrait être prévu par les Etats membres.
5. La toxicomanie et l'abus des stupéfiants par certains individus devraient avant tout être ressentis comme un sujet de préoccupation concernant directement la santé publique, et traités en conséquence. La production, la distribution et l'usage de stupéfiants devraient toujours être considérés comme illicites, indépendamment de leur quantité, de leur qualité et de leur type. Les lois sur la drogue devraient créer une distance entre le consommateur et le monde criminel, en évitant de transformer le toxicomane en délinquant et de compromettre ainsi toute possibilité d'intégration sociale. L'assistance médicale aux toxicomanes ne devrait plus être menacée par le droit pénal.
Production de la drogue
6. La responsabilité générale des Nations unies à l'égard de la coordination de la politique internationale concernant le trafic de la drogue et les questions connexes devrait être confirmée et les Etats membres devraient s'engager à augmenter leur concours financier au profit du programme des Nations unies de contrôle de la drogue et au programme de l'Organisation mondiale de la santé sur l'abus des substances pour faire en sorte que les programmes des Nations unies soient renforcés, dans les pays en développement en particulier. Tous les Etats membres de la Communauté européenne et les futurs candidats à l'adhésion doivent ratifier et mettre en oeuvre les conventions des Nations unies :
- de 1971 sur les stupéfiants (tous les pays de la Communauté européenne et de l'AELE l'ont ratifiée),
- de 1971 sur les substances psychotropes (8 pays de la Communauté l'ont ratifiée, mais pas la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Irlande. Parmi les pays de l'AELE, l'Autriche et la Suisse ne l'ont pas ratifiée),
- de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (la Communauté européenne l'a ratifiée en décembre 1990 ; la Suède, la Hongrie, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie l'ont également ratifiée).
7. La Communauté européenne devrait apporter son soutien au programme des Nations unies de contrôle de la drogue, afin de parvenir à une approche du problème de la drogue plus cohérente en matière de développement, qui tienne compte des priorités économiques globales des régions concernées et ouvre davantage à leurs produits l'accès aux marchés nationaux et internationaux. Cette approche appelle une amélioration des voies de communication et des infrastructures, de même qu'un accroissement des possibilités d'investissement dans des productions agricoles licites et dans des productions non agricoles.
8. La situation concernant la production de la drogue dans des pays comme le Pakistan, l'Afghanistan, la Bolivie, le Pérou, la Thaïlande et le Liban n'a pas été examinée à fond par la commission d'enquête, car tel n'était pas son mandat. Cependant, la situation dans les pays producteurs de drogues illicites (la plupart d'entre eux étant des pays en développement) est telle que la Communauté européenne, par le biais de sa politique de développement et de coopération, ainsi que de sa politique étrangère en cours d'évolution, doit agir pour soutenir par des mesures concrètes les gouvernements décidés à donner un coup d'arrêt à la production de drogues illicites. La quantité de plantes stupéfiantes nécessaire à des fins scientifiques et médicales devrait être étudiée de façon approfondie, au même titre que l'utilisation de ces plantes dans d'autres buts légaux. Par ailleurs, une coordination totale doit s'établir entre les activités engagées au niveau des Nations unies, des organisations intergouvernementales, d
es organisations nationales et des divers gouvernements, des administrations régionales et des organisations alternatives ou non officielles.
9. Les gouvernements faisant pertinemment tout leur possible pour aider les programmes de substitution des cultures et pour combattre les organisations liées à la drogue dans leur pays devraient se voir prodiguer des encouragements tangibles. A l'inverse, ceux qui ferment les yeux sur la poursuite de pratiques de corruption devraient être sanctionnés. La pression de la communauté internationale est cruciale.
10.Les Etats ACP, signataires de la Convention de Lomé, devraient être encouragés par la Commission à engager des politiques de lutte contre le trafic de la drogue leur permettant de tirer profit des dispositions de l'article 159 paragraphe 1 point k) de cette convention pour leurs projets de coopération régionale.
Coopération policière et douanière
11.En Europe, les Etats membres de la Communauté européenne devraient créer un service européen de renseignement en matière de drogue, dont le personnel devrait être recruté parmi les services de police et des douanes des divers Etats membres et comprendre des agents de liaison anti-drogue de pays tiers d'importance cruciale. Cependant, un tel service ne peut être instauré que si des mécanismes préalables ont été convenus pour garantir le contrôle démocratique de ses activités.
12.Ce service devrait avoir son siège à Lyon, en France, et être capable d'intégrer ses activités au sein de l'OIPC-Interpol. De la sorte, la coopération et la liaison avec les pays tiers seraient améliorées et renforcées, alors que les Etats membres de la Communauté européenne eux-mêmes, avec leur identité propre, seraient mieux en mesure de coordonner leurs actions dans la lutte contre le crime organisé et le trafic de la drogue. Une liaison directe avec le Conseil de coopération douanière doit être maintenue.
13.Les fonctions principales du service européen de renseignement en matière de drogue devraient être d'accélérer les échanges d'informations entre les Etats membres de la Communauté européenne, selon un principe privilégiant l'action, pour assurer, entre autres, une plus grande coopération en matière de livraisons contrôlées de drogues illicites, d'identification plus rapide des délinquants et des activités délictueuses et de meilleure coordination de la stratégie anti-drogue.
14.Le service européen de renseignement en matière de drogue devrait être politiquement responsable devant le Conseil des ministres de la Communauté européenne ou devant un organe spécifique du Conseil des minsitres créé à cet effet. Le Parlement européen doit avoir le droit d'interroger le Conseil des ministres, ou l'organe spécifique proposé ci-dessus, sur les questions concernant la politique anti-drogue européenne et la lutte contre le crime organisé. Un rapport annuel d'activité concernant le crime organisé devrait être mis à la disposition du Président du Parlement européen et de sa commission juridique.
15.Chaque Etat membre doit également créer, si ce n'est déjà le cas, un service national de renseignement en matière de drogue. Ce service doit comprendre des enquêteurs issus des services de police et des douanes et être directement responsable devant l'autorité politique la plus élevée. Il devra être en contact direct et régulier avec le service européen de renseignement en matière de drogue, ainsi qu'avec les services de renseignement pénal dans son ressort national.
16.Les services de police et les services des douanes des Etats membres de la Communauté européenne doivent se voir imposer une nette obligation de faire rapport à leur service national respectif de renseignement en matière de drogue.
17.Les autorités de tutelle des services de police et des douanes sont trop disparates à l'heure actuelle. Dans les Etats membres où il en est ainsi, des mesures devraient être prises pour concentrer le contrôle politique au sein d'un comité interministériel national de coordination disposant de pouvoirs réels, présidé éventuellement par le chef du gouvernement ou par son représentant, responsable in fine devant le Parlement national.
18.Les normes de police dans la Communauté européenne devraient s'établir à un niveau uniforme élevé. Nous recommandons en conséquence qu'une coopération étroite et une entraide viennent renforcer les services de police et, à cet effet, nous appelons expressément à la convocation, par les Etats membres de la Communauté européenne, d'un sommet des chefs de services de police ayant pour mandat de lancer un programme de maintien de l'ordre dans une Europe intégrée.
19.Tous les Etats membres de la Communauté européenne et les candidats à l'adhésion devraient rapidement mettre en vigueur des dispositions, dans le cadre de la législation nationale, pour permettre les livraisons contrôlées, selon des procédures semblables et mutuellement convenues, c'est-à-dire permettre aux envois de drogues illicites déjà détectés de parvenir à destination.
Législation et sanctions pénales
20.Les Etats membres de la Communauté européenne, dans le cadre d'une harmonisation plus générale au niveau communautaire des lois en matière pénale, doivent établir des règles de procédure communes, visant à simplifier la coopération entre les autorités judiciaires des différents pays, mais aussi la coordination et l'efficacité des enquêtes des autorités de police.
21.Tous les Etats membres de la Communauté européenne, de même que les candidats à l'adhésion, doivent signer la Convention européenne d'extradition, dans le but de limiter le nombre des "refuges sûrs" pour les organisations criminelles.
22.Il y a lieu d'établir une distinction nette dans les tribunaux entre les criminels impliqués dans l'organisation du trafic de la drogue et les victimes de celui-ci. Il faut que les trafiquants éprouvent toute la rigueur de la loi et soient frappés de peines de prison correspondant à la gravité de leurs crimes.
23.Les actes de vol et de violence commis par les personnes se trouvant sous l'influence de la drogue doivent être traités suivant la gravité de l'acte commis.
24.La possession et l'utilisation de drogue, tout en demeurant des délits au regard du droit, doivent être traitées avec indulgence devant les tribunaux, suivant la drogue consommée et selon que l'on se trouve ou non en présence de récidivistes.
25.Il convient de remédier, sur la base d'une politique commune, à l'incohérence de l'attitude de certains pays où le trafic et la fourniture de cannabis sont illicites, alors que, par ailleurs, la vente et la possession de faibles quantités de cette drogue sont licites.
26.La toxicomanie doit être traitée en premier lieu comme un problème affectant directement la santé, qui doit être résolu en prévoyant une infrastructure thérapeutique et de réhabilitation suffisante.
27.Les sanctions doivent être harmonisées dans les différents pays de la Communauté européenne. Des différences sensibles d'un pays à l'autre inciteraient les criminels à prendre le chemin de pays où les sanctions sont moins sévères.
Précurseurs et produits chimiques essentiels
28.La Communauté européenne et ses Etats membres devraient accepter les propositions du Groupe d'action chimique du G7 et recommander que les Nations unies modifient la convention de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes pour qu'elle reprenne la liste complète des produits chimiques proposée par le G7. Par ailleurs, des dispositions devraient être prévues pour permettre un allongement et une remise à jour permanente de la liste au fur et à mesure de la production de nouvelles substances.
29.La Communauté européenne devrait tendre vers l'adoption de la proposition de directive sur la surveillance de la fabrication des précurseurs et des produits chimiques essentiels dans les plus brefs délais, en prenant dûment compte de la teneur du présent rapport et des amendements proposés par le Parlement européen par le biais du rapport de Sir James Scott-Hopkins.
30.Tout en reconnaissant que nombre de sociétés chimiques et pharmaceutiques de la Communauté européenne s'entourent de mesures considérables pour s'assurer que des substances classifiées ne sont pas détournées de leur utilisation licite, la Communauté européenne doit néanmoins renforcer sa législation et introduire des sanctions pénales sévères contre les sociétés qui la violent. Cette législation doit également être étendue aux transporteurs et aux sociétés de transport dont les activités ne doivent être autorisées que par une licence de la Communauté européenne.
31.Une attention particulière doit être accordée à l'exportation des substances classifiées vers l'Europe de l'Est et l'ancienne Union soviétique, ainsi que vers d'autres pays sensibles d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique.
32.La Communauté européenne doit exercer des pressions particulières à l'encontre de pays comme la Pologne, où un nombre croissant de drogues illicites à base de produits chimiques est élaboré.
Routes de la drogue et abolition des contrôles frontaliers
33.La Communauté européenne doit s'assurer que des contrôles sélectifs visant les flux de circulation à haut risque seront maintenus à l'intérieur des Etats membres, lorsque les contrôles aux frontières intérieures auront été abolis au 1er janvier 1993.
34.Préalablement à la création d'une carte d'identité individuelle de la Communauté européenne, il est recommandé que chaque Etat membre instaure un système de carte nationale d'identité.
35.Une priorité absolue doit être accordée au maintien d'un système d'information de haut niveau sur le transport de drogues et de substances illicites à la suite de l'avènement du marché unique.
36.Une plus grande coopération doit être recherchée entre les services des douanes et les transporteurs ou les sociétés de transport afin de faciliter le libre écoulement des flux commerciaux normaux, tout en assurant une surveillance plus précise et plus sélective des flux à haut risque.
37.Compte tenu de l'élimination des déclarations en douane obligatoires pour les importations et les exportations dès que le marché intérieur aura été pleinement instauré, les Etats membres et la Communauté européenne devraient introduire une obligation de tenue de manifestes, cette documentation commerciale fournissant des informations capitales aux services des douanes et étant profitable aux opérateurs normaux.
38.Les organes de répression doivent avoir le droit d'exercer leurs activités de façon régulière dans des périmètres pouvant être situés hors de leurs frontières nationales, en coopération directe avec les pays voisins, mais seulement après l'établissement d'un régime approprié de responsabilité démocratique qui serait chargé d'établir et de contrôler des lignes directrices bien définies pour ces activités.
39.Les techniques de surveillance terrestre, aérienne et maritime doivent être améliorées aux frontières extérieures de la Communauté européenne, conjointement avec le Conseil de coopération douanière.
40.La Communauté européenne doit envisager le renforcement des services des douanes des Etats membres, ainsi que la réaffectation et la formation des fonctionnaires des douanes, notamment grâce au programme Mattheus, en particulier dans les Etats membres les plus pauvres qui devraient bénéficier de concours budgétaires communautaires à des fins de formation et d'achat de nouveaux appareils et équipements.
41.Les fonctionnaires des douanes et de la police devraient être encouragés à participer à des programmes d'échanges avec leurs collègues d'autres Etats membres, tout en conservant leur compétence et leur rang dans le pays hôte.
42.Des systèmes informatiques compatibles, intégrant les programmes existant dans les Etats membres de la Communauté européenne, doivent être d'urgence mis à la disposition des organes de répression.
43.La Communauté européenne doit se pencher à nouveau sur la proposition de directive sur les bagages qui, dans sa forme actuelle, ne facilite pas la libre circulation des personnes et de leurs effets ni ne s'oppose efficacement aux problèmes soulevés par les trafiquants de drogue.
44.L'octroi de licences aux véhicules de transports internationaux par route et leur accès aux plaques d'immatriculation TIR devraient relever d'un contrôle international plus sévère ; le Conseil de coopération devrait faire des recommandations à cet égard.
Institutions politiques, corruption et organisations criminelles
45.Les partis politiques des Etats membres de la Communauté européenne doivent être contraints de publier les comptes révisés de leur financement et de les présenter au contrôle des organes européens de répression, en tant que de besoin.
46.Les Etats membres de la Communauté européenne qui ne l'ont pas encore fait devraient proposer une législation concernant le financement public des partis politiques, sur la base de leur audience électorale et sur tout autre critère jugé opportun, dans le but de réduire la dépendance de certains partis à l'égard de cotisations purement volontaires, situation qui, dans certains cas, a donné lieu à des opérations indélicates ou illégales en matière de collecte de fonds.
47.Les responsables élus, les hommes politiques ou autres représentants publics convaincus d'entretenir des liens avec le crime organisé devraient se voir interdire l'exercice de fonctions officielles à vie. Une législation à cet effet devrait être instaurée et appliquée dans tous les Etats membres. Les partis doivent être encouragés à choisir leurs candidats conformément aux critères les plus stricts et à exclure les candidats ayant des contacts connus, ou soupçonnés d'avoir de tels contacts, avec le crime organisé, ainsi que ceux susceptibles d'être corrompus.
48.Les Etats membres doivent prendre des mesures appropriées pour interdire aux pouvoirs locaux, sous peine de dissolution, d'octroyer des subventions, des licences et des marchés à des personnes convaincues d'avoir blanchi de l'argent dans un Etat membre ou sous le coup d'une enquête sur leurs liens éventuels avec des organisations criminelles.
49.Les pouvoirs locaux et les organes gouvernementaux ne doivent pas être autorisés à octroyer des marchés, des licences, des subventions ou autres avantages à des sociétés ou à des individus convaincus ou soupçonnés d'entretenir des liens avec des organisations criminelles. La Communauté européenne pourrait envisager et approuver une véritable "charte de la transparence", moyennant des recommandations aux Etats membres, valables pour elle-même, en matière d'adjudications, de nominations à des charges publiques, de distinction de tâches et de fonctions entre politique et administration.
50.Il est recommandé que l'Observatoire européen des drogues, nouvellement créé, devienne opérationnel dès que possible et bénéficie de la totale coopération des Etats membres.
Inflitration des secteurs économiques, utilisation des profits de la drogue et blanchiment de capitaux
51.Le contrôle de l'application de la directive de la Communauté européenne sur la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux doit se voir accorder la priorité par la Communauté européenne et ses Etats membres, lorsqu'elle entrera en vigueur au 1er janvier 1993. La Commission devrait créer un service spécialisé à cet effet.
52.La reconnaissance voulue doit également aller à l'application de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et ses principales dispositions devraient être intégrées à la législation communautaire. (Pouvoirs et techniques d'enquête spéciaux, obligation de confiscation et reconnaissance des décisions étrangères).
53.Des accords de confiscation devraient être conclus par les Etats membres de la Communauté européenne entre eux, et avec autant de pays tiers que possible, afin de menacer la liberté de circulation des "blanchisseurs" de capitaux.
54.Lorsque les preuves du recours à des paradis fiscaux à des fins de blanchiment de capitaux sont établies, la Communauté européenne devrait imposer les sanctions dont elle dispose contre les autorités et les institutions financières des pays concernés.
55.La Communauté européenne doit être pleinement associée au Groupe d'action financière internationale du G7 et à son secrétariat.
56.La Communauté européenne et ses Etats membres doivent introduire de toute urgence des mécanismes de régulation plus contraignants à l'égard des activités des institutions bancaires et financières, dans le but de dissuader ces institutions de participer au blanchiment de capitaux, que ce soit volontairement ou involontairement. Les Etats membres devraient engager des mesures conjointes pour limiter autant que possible le secret bancaire.
57.La Communauté européenne et ses Etats membres doivent prendre sur eux d'imposer des sanctions en retirant l'autorisation d'exercer des activités bancaires et financières à toutes les institutions condamnées pour blanchiment de capitaux, où que ce soit dans le monde.
58.L'instauration d'un enregistrement des sociétés de promotion immobilière et autres organes susceptibles de blanchir de l'argent de la drogue devrait être envisagée, étant donné que le blanchiment des capitaux n'est pas entièrement effectué par l'intermédiaire de banques ou d'institutions financières. Une attention particulière doit également être apportée au contrôle des secteurs économiques et commerciaux traditionnels tels que l'industrie du tourisme, de la construction et de l'immobilier, le secteur hôtelier et des transports, le marché de l'art, les bons du trésor, de même que tous les secteurs où d'importantes sommes d'argent liquide sont utilisées.
59.Une section traitant spécifiquement des délits financiers liés au trafic de la drogue devrait être créée au sein du futur service européen de renseignement en matière de drogue.
60.Les pays souhaitant faire acte de candidature à l'adhésion aux Communautés européennes devraient satisfaire à la directive et autres mesures communautaires sur le blanchiment de capitaux avant l'examen de leur candidature.
61.Les pouvoirs publics et les organes de répression devraient prendre des mesures appropriées pour éviter les activités en Europe des organismes bancaires informels tels que le "Hawala", le "Hundi", le "Chiti" ou le "Chop Shop System", courants dans le sous- continent indien et en Asie.
Prévention et information
62.Dans le cadre du Comité européen de lutte anti-drogue (CELAD), il convient d'élaborer un programme complet d'information de la population, qui s'adressera aux douze Etats membres. Le Parlement européen devrait prendre une initiative pour diffuser, à travers les réseaux radiotélévisuels et la presse, des informations sur la drogue. Au niveau national, les médias devraient participer activement et énergiquement à cette campagne d'information. Un enseignement spécifiquement consacré, non seulement à la drogue, mais au tabac ainsi qu'au sida, qui serait dispensé dans les collèges et lycées, devrait être intégré aux programmes d'éducation des Etats membres. Des séminaires spécifiques devraient être organisés pour informer les parents, les enseignants, les magistrats, les policiers, etc. Les organisations non gouvernementales, les églises et les autorités locales devraient être associées à la campagne d'information. La Communauté européenne devrait soutenir financièrement et moralement les programmes de prévent
ion et d'information des Etats membres.