B4-0464/94
Résolution sur la conclusion de l'Uruguay Round et les activités futures de l'OMC
Le Parlement européen,
-vu ses résolutions du 22 janvier 1993 sur l'environnement et le commerce, du 9 février 1994 sur l'introduction de la clause sociale dans le système unilatéral et multilatéral de commerce, et du 24 mars 1994 sur les résultats des négociations commerciales multilatérales dans le cadre de l'Uruguay Round du GATT ainsi que sur les recommandations du Parlement européen à la Commission concernant les négociations du comité des négociations commerciales du GATT sur un accord relatif à un programme de travail concernant le commerce et l'environnement,
-vu l'avis conforme qu'il a émis le 14 décembre 1994 en ce qui concerne la conclusion des résultats des négociations de l'Uruguay Round,
-vu l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne, en date du 15 novembre 1994, sur la nature et la base juridiques des accords de l'Uruguay Round,
-vu la proposition de la Commission concernant une décision du Conseil relative à l'entrée en vigueur simultanée des actes mettant en oeuvre les résultats des négociations commerciales multilatérales du Cycle d'Uruguay (COM(94)0414),
1.considérant que la nouvelle OMC échappera également au contrôle parlementaire,
2.considérant que toute nouvelle mesure propre à améliorer le contenu du GATT - ainsi l'introduction de clauses sociales et environnementales - ne pourra, dans le contexte de l'OMC, être adoptée qu'à l'unanimité;
2.1.constate avec satisfaction qu'il s'est vu, pour la première fois, offrir la possibilité de ratifier les résultats d'une négociation multilatérale;
2.2.espère, ayant donné son avis conforme comme le prévoit l'article 228 paragraphe 3 deuxième alinéa du traité CE, que l'Union et ses États membres ainsi que les autres parties du GATT pourront mener à bien rapidement les procédures de ratification qui permettront de mettre en oeuvre les résultats de l'Uruguay Round, en sorte que l'Organisation mondiale du commerce puisse commencer ses travaux, comme prévu, le 1er janvier 1995;
2.3.constate avec satisfaction que la création de l'OMC signifie enfin l'achèvement de l'édifice des organisations économiques internationales dont la construction fut entamée, après la seconde guerre mondiale, par la création du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale;
2.4.estime, compte tenu de l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne du 15 novembre 1994, que la Commission, le Conseil et le Parlement européen doivent ouvrir sans tarder des négociations en vue de la conclusion d'un accord interinstitutionnel, qui préciserait le rôle que doit jouer l'Union européenne au sein de l'OMC;
2.5.souligne à cet égard qu'il y a lieu de préserver l'acquis de la politique commerciale commune, notamment les décisions à la majorité qualifiée, et l'unité de l'action de l'Union au sein de l'OMC;
2.6.invite la Commission à suivre attentivement la transposition des résultats de l'Uruguay Round par les partenaires de l'Union au sein de l'OMC, et à s'assurer que ceux-ci se conforment tant à l'esprit qu'à la lettre des accords conclus;
2.7.constate à cet égard que les modifications de la législation que propose la Commission pour transposer les résultats de l'Uruguay Round sont conformes aux engagements pris et demande instamment au Conseil de faire siens les amendements qu'il a présentés à ces propositions;
2.8.déplore que ces propositions de modification de la législation dans la perspective de la transposition de l'Uruguay Round ne lui aient été communiquées qu'à la fin du mois d'octobre 1994, ce qui rend quasiment impossible un examen parlementaire normal avant la fin de cette année;
2.9.espère que les délais prévus dans les règles relatives aux mesures de protection commerciale pourront être tenus dès lors que la Commission aura pris les dispositions requises à cet égard sur le plan du personnel, et rappelle dans ce contexte que la procédure budgétaire pour l'exercice 1995 prévoit une augmentation du personnel des services concernés;
2.10.attire l'attention sur la nouveauté que constitue, sur le plan institutionnel, le fait que l'Union européenne soit, au même titre que les États qui la composent, membre de l'OMC et estime qu'il convient, à long terme, de tendre vers une représentation uniforme des intérêts de l'Union et de ses États membres sur le plan international, par analogie à la politique commerciale commune;
2.11.estime que la procédure d'arbitrage plus stricte de l'OMC permettra une approche davantage objective des conflits commerciaux, mais fait observer que les décisions prises sur la base de cette procédure s'adresseront aux parties à l'OMC et ne sauraient en aucune manière être directement applicables en droit communautaire;
2.12.souligne qu'une action commune de l'Union, y compris dans les domaines d'activité de l'OMC ne relevant pas encore de la compétence exclusive de l'Union, est indispensable ne serait-ce que dans l'intérêt du marché intérieur;
2.13.invite dès lors les États membres de l'Union européenne à reconnaître la Commission pour seul représentant de l'Union dans tous les secteurs d'activité de l'OMC;
2.14.est préoccupé par les enquêtes qui ont été ouvertes, sur la base de l'article 301 de la législation commerciale américaine, par le représentant des États-Unis pour les négociations commerciales et qui visent d'éventuelles pratiques commerciales déloyales dans le contexte de l'OMC dans le secteur de la banane, et fait observer que le recours à des mesures de protection unilatérales est incompatible avec les engagements que les États-Unis ont pris en signant l'acte final de Marrakech;
2.15.est préoccupé par les tendances protectionnistes qui se manifestent au sein du Congrès américain nouvellement élu et déplore tout particulièrement à cet égard que le Congrès envisage la possibilité de dénoncer unilatéralement l'accord sur l'OMC dans le cas où seraient prises des décisions négatives pour les États-Unis;
2.16.demande à être représenté aux conférences ministérielles de l'OMC qui auront lieu tous les deux ans par une délégation ayant statut d'observateur, comme ce fut le cas lors des dernières conférences ministérielles du GATT, invite la Commission à lui communiquer, dans l'intervalle, des informations suivies et complètes, souligne qu'il convient de tendre à une transparence optimale des travaux de l'OMC et entend être consulté conformément à la procédure visée à l'article 228 paragraphe 3 deuxième alinéa du traité CE sur toute décision prise dans le cadre de l'OMC;
2.17.espère, s'agissant des négociations en cours dans les secteurs des services financiers et des télécommunications, qu'il sera encore possible d'atteindre avant la fin du premier semestre de 1995, et sur une base multilatérale, des résultats satisfaisants, qui permettront une large ouverture du marché dans ces secteurs importants des services également;
2.18.est préoccupé par la lenteur des négociations portant sur la révision de l'accord du GATT concernant les avions civils, qui doit déboucher sur l'adoption de règles plus strictes pour les aides publiques, tant directes qu'indirectes, au niveau international, déplore les résultats décevants de l'accord bilatéral sur les avions civils entre les États-Unis et l'Union européenne et estime dès lors que celui-ci ne saurait constituer une base suffisante pour une réglementation multilatérale;
2.19.invite à cet égard le gouvernement des États-Unis à communiquer, dans le contexte de la transposition de l'accord bilatéral sur les avions civils, à la Commission toutes les informations dont elle a besoin pour s'assurer du respect de cet accord par les États-Unis;
2.20.juge nécessaire, en dépit de la reprise actuelle de la demande mondiale de produits sidérurgiques, la conclusion d'un accord multilatéral sur le commerce de ces produits qui permettrait aux principaux pays producteurs de démanteler de façon régulière et socialement acceptable les surcapacités qui existent dans le monde entier;
2.21.attire l'attention sur l'importance économique considérable que revêt l'accord du GATT concernant les marchés publics de fournitures et sur les accords bilatéraux, allant au delà de celui-ci, conclus par l'Union européenne et les États-unis, sur la base desquels les producteurs de l'Union se voient reconnaître l'accès aux marchés de fournitures de la plupart des États des États-Unis, des principaux services publics, des aéroports interrégionaux ainsi que des ports maritimes et invite la Commission à poursuivre ces objectifs pendant les prochaines réunions de l'OMC;
2.22.invite la Commission à s'assurer du respect de la réciprocité des offres d'ouverture des marchés prévue dans l'accord bilatéral UE-USA;
2.23.souligne qu'il importe que l'OMC établisse enfin un lien entre les questions commerciales et celles qui ressortissent à la protection sociale ainsi qu'à la protection de l'environnement, des consommateurs et des animaux afin de pouvoir prendre en compte tous les intérêts, et souligne que les décisions de l'OMC ne peuvent en aucun cas remettre en cause les normes internationales ou communautaires en vigueur;
2.24.demande instamment à la Commission d'oeuvrer en faveur de la conclusion d'un moratoire sur les mesures au sein du GATT et de l'OMC qui remettraient en cause la législation communautaire en la matière, en sorte de promouvoir un dialogue constructif au sein du comité du commerce et de l'environnement (TEC), de réclamer une transparence optimale dans ce comité et de faire rapport sur-le-champ et, ensuite, chaque année, sur les progrès réalisés dans ces domaines;
2.25.attend de l'OMC qu'elle contribue, par son action dans le domaine du commerce et de l'environnement, à améliorer le système commercial multilatéral, de façon à concilier davantage l'évolution mondiale vers une plus grande division du travail avec les objectifs d'un développement compatible avec l'environnement;
2.26.considère que pour ce faire, l'OMC devra coopérer avec les organisations internationales compétentes en matière d'environnement et de développement telles que la Commission sur le Développement Durable et le Programme des Nations unies pour l'Environnement;
2.27.demande instamment, dans ce contexte, que les membres de l'OMC examinent la possibilité de fonder sur l'article XX(b) du GATT les mesures de protection commerciale qui seraient prises dans le cas où l'une des parties à l'accord tenterait de s'assurer des avantages commerciaux en violant systématiquement les normes environnementales convenues au niveau international; considère que l'OMC devra aussi examiner la possibilité de mettre en place un système renforcé d'instruction et de règlement des conflits qui permette à la fois d'éviter l'utilisation de mesures environnementales à des fins protectionnistes mais aussi de soutenir les efforts des pays soucieux d'assurer un développement harmonieux de leurs économies par une gestion durable de leurs ressources;
2.28.considère indispensable que figure à l'ordre du jour de la future OMC l'intégration d'une clause sociale s'appuyant sur les Conventions de l'OIT en matière de travail des enfants du travail forcé, du droit syndicale et de négociation et demande à la Commission et aux Etats membres de l'Union européenne d'insister sur ce point au sein de l'OMC;
2.29.suggère que dans ce domaine, l'OMC collabore étroitement avec l'Organisation internationale du travail;
2.30.souligne l'influence qu'ont les fluctuations monétaires sur la position concurrentielle des acteurs du commerce extérieur, et invite l'OMC à faire en sorte, en étroite coopération avec le FMI, que les réductions des tarifs douaniers, convenues dans le cadre de l'Uruguay Round, ne soient pas sapées par des dévaluations compétitives;
2.31.invite les États membres de l'OMC à enfin étudier la possibilité d'intégrer certains éléments d'une politique internationale de la concurrence (contrôle des fusions, abus de position dominante) dans l'ordre commercial mondial, afin de rendre moins nécessaire le recours à des mesures de protection commerciale;
2.32.demande que la Commission établisse une évaluation complète des résultats du Cycle d'Uruguay comportant des propositions destinées à améliorer la situation des PVD dans le système commercial international et dont les conclusions seraient prises en compte lors de la révision de Lomé IV;
2.33.souligne, dans ce contexte, la nécessité de combattre le dumping social résultant de considérations commerciales; engage l'Union européenne, ses États membres et les autres membres de l'OMC à insister, dans pareil cas, sur la consultation des syndicats (représentants des travailleurs) et d'autres organisations concernées;
2.34.prend acte avec intérêt des demandes d'adhésion à l'OMC présentées par certaines républiques de la CEI, par d'autres pays anciennement à commerce d'État qui ont entrepris des réformes économiques pour établir une économie de marché, ainsi que par Taiwan;
2.35.invite la Commission à s'assurer, dans le contexte des négociations d'adhésion, que les conditions régissant celles-ci sont équitables quant aux droits et obligations des nouveaux membres de l'OMC;
2.36.engage le Conseil et la Commission à étendre les compétences de la Cour européenne de justice, de manière à lui permettre de vérifier la conformité des résultats de procédures de conciliation inscrites dans le cadre de l'OMC avec, d'une part, les conventions sur lesquelles se fonde cette dernière, et, d'autre part, les principes du droit communautaire; exige qu'en cas de sentences arbitraires répétées prononcées au détriment de l'Union, celle-ci et ses États membres puissent dénoncer l'accord portant création de l'OMC;
2.37.charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, aux gouvernements des États membres ainsi qu'au Secrétariat général de l'OMC.