A4-0122/94
Résolution sur le Livre blanc sur la politique sociale - Une voie à suivre pour l'Union
Le Parlement européen,
-vu le Livre blanc de la Commission sur la politique sociale européenne - Une voie à suivre pour l'Union (COM(94)0333) - C4-0087/94),
-vu ses résolutions du 10 mars 1994 sur les conséquences pour la politique sociale du processus d'établissement de l'UEM, et sur l'emploi en Europe,
-vu la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs,
-vu le Livre vert sur la politique sociale européenne - Options pour l'Union (COM(93)0551 - C3-0490/93),
-vu le rapport de la commission des affaires sociales et de l'emploi et l'avis de la commission des droits de la femme (A4-0122/94),
1.considérant que la dynamique du marché intérieur appelle la mise en place d'un espace social européen véritable,
2.considérant que celui-ci doit reposer sur les valeurs communes qui constituent le "modèle social européen" et qui doivent être préservées, notamment en ce qui concerne le droit fondamental à la protection sociale,
3.considérant que la cohésion économique et sociale, mission essentielle de l'Union européenne telle qu'exprimée à l'article 2 du traité CE, est menacée par le chômage; que la création d'emplois doit être l'ambition prioritaire de l'Union européenne,
4.considérant que la diversité et la complexité des systèmes nationaux (législation sociale et protection sociale) justifient une action communautaire, qui tire sa valeur ajoutée précisément de ce qu'elle est commune, action communautaire devant permettre d'obtenir un niveau minimum de protection au sein de l'Union ainsi qu'une coordination entre lesdits systèmes nationaux,
5.considérant que la subsidiarité doit permettre de développer les politiques sociales,
6.considérant que le processus d'établissement de l'Union économique et monétaire doit être accompagné d'un processus solidaire de convergence sociale visant à améliorer les niveaux de protection sociale et à éviter d'éventuelles conséquences sociales néfastes,
7.considérant que les femmes sont souvent les plus nombreuses dans les groupes particulièrement touchés par la pauvreté, le chômage et les bas salaires,
8.considérant que la lutte contre l'exclusion sociale et la marginalisation des catégories sociales les plus vulnérables, notamment les sans-domicile en région rurale et en région urbaine, est un problème auquel sont confrontées toutes les économies de l'Union européenne et que, si la responsabilité première, à cet égard, incombe aux autorités nationales et locales, il est néanmoins indispensable que ce problème majeur soit pris en compte dans toutes les politiques de l'Union, en particulier par le biais du prochain programme de lutte contre l'exclusion et de promotion de la solidarité;
Principes directeurs de la politique sociale de l'Union
8.1.estime que le chômage constitue le problème le plus crucial dans l'Union européenne et adopte pour objectifs prioritaires la lutte pour l'emploi ainsi que la consécration de l'objectif de la Communauté consistant à procurer un emploi à tout citoyen de l'Union européenne souhaitant travailler et, dès lors, l'obligation pour les pouvoirs publics de créer les conditions génératrices d'emplois; rappelle la nécessité d'une plus grande souplesse des politiques sociales nationales et européenne afin de mieux relever les nouveaux défis du marché du travail et met en garde contre les tentatives, sous couvert de lutte en faveur de l'emploi, de démantèlement déguisé du modèle social;
8.2.estime nécessaire la recherche d'un consensus au niveau de l'Union sur la notion de compétitivité et sur les niveaux minimums de progrès social; rappelle que le progrès social, la prospérité économique, la compétitivité et l'amélioration de la productivité ne pouvant s'exclure mutuellement; estime que l'Union européenne doit accroître sa compétitivité tout en préservant la politique de prestations sociales;
8.3.réaffirme son attachement au modèle social européen fondé sur l'économie sociale de marché; estime qu'il y a lieu de mettre en place au niveau européen des normes propres à éviter la concurrence déloyale dans le domaine social;
8.4.estime qu'un socle de dispositions législatives, contraignantes et applicables à l'échelle communautaire dans le domaine social, constituerait un moyen approprié d'oeuvrer, parallèlement à l'UEM, à la réalisation progressive d'une Union sociale;
Instruments de l'action
8.5.estime, à l'encontre d'une certaine tendance à la dérégulation, que la législation reste de toutes façons l'instrument primordial pour ancrer dans le droit positif les droits sociaux, même si une certaine simplification et modernisation peuvent être menées à bien à bon escient en y associant les partenaires sociaux;
8.6.soutient la Commission dans son intention d'exploiter toutes les possibilités offertes par l'Accord sur la politique sociale pour faire progresser avec les partenaires sociaux la politique sociale de l'Union; estime que l'absence d'accord dans le dialogue social ne doit pas empêcher la poursuite de la voie législative;
8.7.déclare que tous les États membres doivent accepter l'acquis communautaire dans le domaine social;
-une attention accrue accordée aux plaintes des citoyens,
-une plus grande rapidité dans l'application des procédures d'infraction,
-le recours à la procédure prévue à l'article 171 du traité CE,
-un suivi de la transposition par le développement d'échanges avec les inspections nationales du travail et en y associant les organismes spécialisés, tels l'Agence pour la sécurité et l'hygiène du travail de Bilbao, la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail de Dublin et le Cedefop;
et estime que la Commission doit disposer du personnel nécessaire pour réaliser ces objectifs;
8.9.estime que la révision du traité sur l'Union européenne en 1996 et les conséquences prévisibles de l'Union monétaire qui sera mise en place à la fin de la décennie constituent des raisons suffisantes pour donner à l'Union européenne une dimension véritablement sociale, par l'intégration dans ledit traité des droits sociaux fondamentaux énoncés par la Charte de 1989 (notamment le principe de la non-discrimination), par l'inclusion dans ledit traité de l'accord relatif à la politique sociale et par l'extension des compétences de l'Union en ce qui concerne le vote à la majorité qualifiée et la procédure de codécision, dans les matières intéressant la politique sociale;
8.10.se félicite à cet égard de l'engagement pris par la Commission d'organiser en 1995, en collaboration avec lui, une audition commune destinée à analyser l'acquis, les problèmes et les perspectives, à la suite de l'adoption de la Charte sociale;
8.11.constate que les domaines prioritaires définis par le Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l'emploi (COM(93)0700 - C3-0509/93), en particulier ceux qui ont été adoptés au Conseil européen de Bruxelles en décembre 1993, demeurent d'actualité et déplore que la totalité des investissements prévus par ce dernier attendent toujours une dotation budgétaire suffisante, tout comme notamment les décisions des Conseils européens d'Edimbourg et d'Essen sur la disponibilité des ressources, y compris d'un Fonds européen d'investissement, nécessaires pour financer les réseaux transeuropéens;
8.12.demande à la Commission de s'intéresser davantage aux interrelations entre les politiques de la famille et les systèmes de sécurité sociale et aux problèmes découlant du vieillissement de la population;
8.13.rappelle en outre sa demande tendant à ce que des clauses sociales et environnementales soient reprises dans les accords commerciaux internationaux et attend dès lors des propositions concrètes visant à mettre en oeuvre les orientations adoptées pour le nouveau système de référence décennal dans le commerce international;
Emploi
8.14.rappelle le caractère indispensable d'une économie et d'une société performantes, d'une croissance économique durable tenant pleinement compte des impératifs écologiques et s'accompagnant d'opérations financières compatibles avec l'économie réelle, de changements structurels dynamiques, d'une flexibilité et d'une amélioration du fonctionnement du marché du travail, conjuguées à des actions en faveur de la formation professionnelle et à l'offre de services publics d'emploi actifs et efficaces, sans que cette souplesse nécessaire ne brise les fondements de la protection sociale;
8.15.note que, pour lutter contre le chômage de longue durée, des mesures globales s'imposent de la part des organisations des services de placement en ce qui concerne la motivation individuelle, la formation, le recyclage, l'expérience professionnelle et les services de placement; se réfère dans ce cadre au Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l'emploi, qui indique qu'un passage des dépenses de fonctionnement des services publics de l'emploi de 0,17 à 0,5% du PNB sur une période de trois ans se traduira par une diminution du chômage estimée à 100 000 personnes la première année, à 400 000 la deuxième et à 1 million la troisième; rappelle que pareille augmentation du budget de ces services ne devrait pas entraîner une augmentation générale des budgets nationaux; souligne l'importance de la coopération intergouvernementale dans ce domaine; invite la Commission à assurer un dialogue permanent avec le Conseil en la matière;
8.16.encourage la Commission dans son intention:
- de développer le système EURES et, soulignant à cet égard le rôle des partenaires sociaux, invite la Commission à renforcer la coopération avec ces derniers et attire l'attention sur le rôle pilote des régions frontalières,
- de considérer que ce système doit être diffusé au niveau des marchés locaux du travail et en collaboration étroite avec leurs responsables,
- de proposer un programme d'accompagnement social (formation en langues, indemnités d'installation ou de réinstallation) des travailleurs qui font usage de la libre circulation;
8.17.met l'accent:
- sur les investissements dans les technologies propres,
- sur l'aide directe sous forme de capital à risque ou de capital de départ pour les entreprises axées sur la production écologique et les initiatives locales relevant de l'économie sociale,
- sur l'appui aux PME et à la petite entreprise artisanale, par l'introduction d'allègements fiscaux ou d'autres aides économiques ou de gestion,
- sur l'importance qu'il y a de s'appuyer sur des expériences probantes et innovatrices de création d'emplois et l'encouragement aux initiatives de jeunes et de femmes en matière de création d'entreprises (programme NOW),
- sur la promotion du travail dans le secteur des services, les initiatives communautaires et les programmes de développement local;
8.18.invite la Commission à reprendre dans son prochain programme d'action sociale les propositions opérationnelles contenues dans sa résolution du 8 juillet 1992 sur le marché européen du travail après 1992 et sa résolution précitée du 10 mars 1994 sur l'emploi en Europe;
8.19.note l'importance du secteur indépendant dans l'Union européenne; invite la Commission et le Conseil à tenir davantage compte du fait que, en matière de politique fiscale et de sécurité sociale, ce secteur exige davantage d'aide qu'il n'en reçoit actuellement;
Formation professionnelle
8.20.estime que la participation à l'éducation et à la formation continue constitue un droit fondamental de tout individu ainsi qu'une réponse positive à la lutte contre le chômage et confère, pour cette raison, une grande importance aux mesures spécifiques et financières prises à l'échelle européenne dans le secteur de l'éducation, de la formation professionnelle et de la formation continue; considère essentielle la proposition de la Commission de faire négocier par les partenaires sociaux une convention collective européenne sur la formation continue et estime, de la même manière, que les partenaires sociaux doivent être invités à négocier au niveau européen, du moins dans certaines branches, les modalités de la reconnaissance des qualifications professionnelles; demande à la Commission de garantir l'application pleine et entière de la réglementation actuelle relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles;
8.21.soutient la Commission dans son intention de favoriser, pour l'intégration dans la vie active, les systèmes d'apprentissage; estime essentielle la proposition de fixer des objectifs échelonnés jusqu'à l'an 2000 pour l'élimination de l'illettrisme et du manque de qualifications de base chez les jeunes quittant l'école; propose à la Commission l'élaboration d'un programme transfrontalier d'aide aux PME;
Législation
8.22.estime qu'il est urgent de débloquer la situation dans laquelle se trouvent toutes les propositions législatives pendantes devant le Conseil au 1er janvier 1995 et que celles qui ne pourront être adoptées par les Quinze devront être adoptées dans le cadre du Protocole no 14, ce qui ne sera pas possible dans les cas où les droits fondamentaux sont concernés;
8.23.met en garde la Commission contre la tentation de se satisfaire d'une directive (à quatorze) sur le seul congé parental, et l'encourage à persévérer dans son intention de proposer une directive-cadre susceptible de couvrir l'ensemble des problèmes tenant à la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle;
8.24.invite instamment la Commission à présenter des propositions visant à garantir l'égalité des chances sur le marché du travail, indépendamment de considérations liées à l'âge, à la race, au sexe, aux handicaps et aux convictions;
8.25.estime que la Commission doit étudier la possibilité de proposer une directive-cadre sur les différentes formules envisageables de partage volontaire du temps de travail ainsi qu'une directive sur les licenciements individuels, une autre sur la protection des données relatives aux travailleurs et, enfin, une directive réglementant le droit de consultation et d'information dans les entreprises de plus de 50 employés; qu'elle doit continuer de développer les politiques de sécurité et de santé sur le lieu de travail ainsi que de prévention des risques professionnels; demande à cet effet à la Commission de présenter un quatrième programme d'action sur la santé et la sécurité sur le lieu de travail;
8.26.demande que soit adopté rapidement un nouveau règlement relatif aux travailleurs frontaliers réglementant notamment ce qui concerne la protection sociale et la fiscalité;
8.27.insiste pour que les nouvelles propositions de directive sur les différentes formes de travail atypique entraînent une protection sociale et une rémunération équivalentes à celles des autres formes de travail;
Égalité des chances entre femmes et hommes
8.28.invite la Commission à veiller à l'égalité des chances dans l'accès à tous les programmes de formation de l'Union et à développer des mesures visant à encourager l'acquisition d'aptitudes et le perfectionnement de qualifications professionnelles pour les femmes, notamment hors du cadre de leurs activités traditionnelles;
8.29.constate que l'accès à l'emploi dépend aussi de l'existence de dispositions appropriées en matière d'infrastructures et de services d'assistance pour les enfants et les personnes à charge; demande par conséquent à la Commission de remplacer la recommandation de 1992 par un instrument juridique plus contraignant en élargissant son champ d'action et d'établir dans les plus brefs délais un rapport sur l'exécution de la recommandation existante en la matière;
8.30.insiste pour que le troisième programme d'action fasse l'objet d'une évaluation approfondie de manière à améliorer l'articulation des différentes actions et de préparer dès maintenant le quatrième programme;
8.31.rejette l'intention de la Commission de se contenter d'une communication sur l'inversion de la charge de la preuve et demande à nouveau une directive;
8.32.réitère sa demande à la Commission tendant à ce que lui soit soumise au plus tôt une proposition de directive visant le traitement égal des hommes et des femmes en matière de fiscalité;
8.33.encourage la Commission à établir des codes de conduite en ce qui concerne l'égalité de rémunération pour un travail égal, la formation et la suppression de la ségrégation verticale;
8.34.prend acte de l'intention de la Commission de faire modifier la directive sur le principe d'égalité de traitement en matière de sécurité sociale; demande à la Commission de tenir compte des différences considérables entre hommes et femmes en matière de développement de la carrière professionnelle;
Liberté syndicale et rôle des partenaires sociaux
8.35.souligne le rôle déterminant que devront jouer, comme partie intégrante du modèle social européen, l'intervention des partenaires sociaux, la réglementation collective du travail et le règlement pacifique des conflits sociaux, pour la défense et la promotion des intérêts des parties, pour le développement économique et pour le progrès social; estime en conséquence que la liberté syndicale et la négociation collective doivent être garanties à tous les niveaux, et les pouvoirs publics s'abstenir d'intervenir de manière répressive;
8.36.demande instamment une définition précise de la notion de citoyenneté européenne, afin que se concrétise l'exercice de la liberté de circulation, de séjour et de résidence des personnes; à cet égard, il s'impose d'actualiser la réglementation communautaire de l'ensemble des régimes de sécurité sociale;
8.37.soutient la Commission dans son ambition de proposer un plan d'action visant à l'élimination de l'illettrisme et dans ses efforts en vue de l'adoption d'un quatrième programme contre l'exclusion sociale dans le cadre d'une politique globale de lutte contre la pauvreté et en faveur des droits de l'homme qui tienne compte en particulier de la situation spécifique des femmes; estime toutefois qu'elle doit aller plus loin dans la lutte contre les exclusions, notamment en s'attaquant au problème du logement; insiste sur la nécessité de promouvoir l'intégration des personnes handicapées et de prendre des mesures générales pour proscrire la discrimination opérée contre ces personnes et, tenant compte de la nécessité d'une solidarité entre les générations, rappelle le contenu de la résolution du Parlement européen sur les mesures en faveur des personnes âgées et souscrit à la recherche de formules permettant de tirer profit des contributions des personnes âgées;
8.38.redit son inquiétude face à la menace et aux problèmes persistants posés à la société par l'offre des drogues et l'abus de subtances chimiques ou de produits contenant des solvants et les problèmes de dépendance qui en résultent, en particulier parmi les jeunes, et qui tous sont liés aux grands fléaux sociaux que sont l'exclusion, le chômage et la criminalité dans les régions urbaines et rurales, et réclame des actions communautaires renforcées, des initiatives, des projets pilotes couvrant non seulement la prévention, l'échange d'informations et la coopération entre les États membres et les ONG mais aussi la formation continue des professionnels de la santé et des enseignants de tous les niveaux à partir du primaire;
8.39.demande à la Commission, dans la logique de la communication de la Commission du 23 février 1994 relative à la politique d'immigration et d'asile (COM(94)0023 - C3-0107/94), d'élaborer les propositions concrètes nécessaires pour garantir aux ressortissants de pays tiers, l'égalité de traitement avec les ressortissants communautaires;
8.40.demande à la Commission de présenter une directive prévoyant des mesures visant à renforcer les instruments juridiques disponibles dans les États membres pour lutter contre le racisme et la xénophobie;
8.41.charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, au Comité économique et social, au Comité des régions, aux gouvernements et parlements des États membres ainsi qu'aux partenaires sociaux.