A4-0089/94
Résolution sur le onzième rapport annuel de la Commission au Parlement européen sur le contrôle de l'application du droit communautaire - 1993 - (COM(94)0500 - C4-0011/94)
Le Parlement européen,
-vu le onzième rapport annuel de la Commission (COM(94)0500 - C4-0011/94),
-vu la communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil du 8 mars 1994 sur le développement de la coopération administrative concernant la transposition et l'application de la législation communautaire relative au marché intérieur (COM(94)0024),
-vu le rapport annuel de gestion CELEX 1993 (système interinstitutionnel de documentation automatisée du droit communautaire),
-vu la résolution du Conseil du 20 juin 1994 relative à la diffusion électronique du droit communautaire et des droits nationaux d'exécution et à l'amélioration des conditions d'accès,
-vu le Livre blanc de la Commission sur la politique sociale européenne: une voie à suivre pour l'Union (COM(94)0333),
-vu l'état de la situation de la transposition de la législation communautaire en droit national fait par la Commission le 14 septembre 1994 lors du Conseil marché intérieur des 23 et 24 septembre 1994 à Frankfurt an der Oder (Allemagne),
-vu les observations présentées par les parlements nationaux,
-vu le rapport de la commission juridique et des droits des citoyens et les avis de la commission des affaires sociales et du milieu de travail, ainsi que de la commission des transports et du tourisme et de la commission de l'environnement, de la santé publique et de la protection des consommateurs (A4-0089/94),
1.rappelant que l'Union est une communauté de Droit et qu'il est fondamental que le droit communautaire soit appliqué par les Etats membres avec une efficacité et une rigueur équivalentes à celles déployées dans l'application de leur droit national,
2.considérant que la Communauté se doit, après l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, de légiférer de manière à répondre aux aspirations et aux besoins des citoyens dans le respect du principe de subsidiarité; reconnaissant que, dans ce contexte, les Etats membres doivent conserver une liberté suffisante leur permettant d'appliquer le droit communautaire en tenant compte des spécificités régionales, sans toutefois que la transposition complète du droit communautaire en sorte affectée,
3.soulignant que la mise en oeuvre rigoureuse du principe de subsidiarité est une exigence visant à un rapprochement accru du droit communautaire envers les citoyens, mais qu'afin de sauvegarder la stabilité du principe de sécurité juridique, le principe de subsidiarité ne doit s'appliquer qu'aux actions futures de la Communauté,
D.considérant que pour que l'Union soit proche des citoyens, il est impératif que le processus législatif communautaire soit transparent; qu'il convient dès lors pour affirmer le caractère démocratique des institutions, ainsi que la confiance des citoyens envers elles, que ces dernières accroîssent l'accès du public à leurs documents,
E.soulignant en outre, dans le même souci de renforcer le caractère démocratique de la construction européenne, qu'il y a lieu de rendre le droit communautaire plus lisible et accessible afin d'assurer par là même ses chances d'être compris et bien interprété par les autorités nationales (judiciaires et administratives), par les opérateurs économiques et par les citoyens en général,
F.constatant que les institutions communautaires ont depuis ces trois dernières années entrepris des efforts remarquables qui se sont traduits par des progrès décisifs en particulier dans l'adoption de la plus grande partie des mesures envisagées dans le programme du Livre blanc relatif à la création du marché intérieur,
G.considérant que le nombre considérable d'actes communautaires relatifs au fonctionnement du marché intérieur déjà adoptés et la mise en oeuvre du principe de subsidiarité pour les actions futures, qui laisse une plus grande marge de manoeuvre des autorités nationales dans la transposition du droit communautaire, exige que la Commission s'acquitte de sa tâche de "gardienne des traités", conformément à l'article 155 du traité CE avec la plus grande rigueur; considérant en effet que cette transposition complète dans tous les Etats membres est indispensable pour faire en sorte que le marché intérieur fonctionne au profit de tous les citoyens et de toutes les entreprises de la Communauté,
H.considérant que, après l'entrée en vigueur du traité sur l'Union européenne, le Parlement européen est appelé à jouer un rôle prépondérant au sujet du contrôle de l'application du droit communautaire; qu'il doit, comme par le passé, évaluer la manière dont la Commission exerce son pouvoir de contrôle, mais qu'il doit également agir de son propre chef, notamment par le truchement de rapports d'initiative, de commissions parlementaires d'enquête, des questions parlementaires ou des pétitions; qu'il doit en outre - comme il le fait déjà - agir dans ce contexte en collaboration avec les parlements nationaux;
3.1.constate que l'action de la Commission au titre de l'article 169 CE s'est traduite par l'ouverture de plus ou moins le même nombre de procédures d'infraction que l'année précédente (1.209 en 1993 et 1.216 en 1992), que les avis motivés sont passés de 248 en 1992 à 352 en 1993, et que la Cour de justice a été saisie de 44 recours (alors qu'en 1992, la Commission avait introduit 64 recours);
3.2.regrette que la situation de la transposition du droit communautaire ne soit pas entièrement satisfaisante; en effet, concernant l'état de transposition des mesures du Livre blanc sur l'achèvement du marché intérieur, s'il est vrai que sur les 282 mesures que la Commission a proposées au Conseil, 270 ont fait l'objet d'une décision finale, (le niveau de transposition est de 89 % à la date du 23 septembre 1994), il n'en demeure pas moins que de nombreux retards subsistent dans des secteurs économiquement et politiquement importants, à savoir les assurances, marchés publics, droit des sociétés, propriété intellectuelle et industrielle et nouvelles technologies;
3.3.prend acte, avec préoccupation, qu'en particulier dans les secteurs de l'agriculture et de l'environnement une nette diminution du taux de transposition a été enregistrée; de même, dans le domaine de la politique sociale, il ressort du Livre blanc de la Commission du 27 juillet 1994 que le degré de transposition est particulièrement insuffisant en ce qui concerne la législation relative à la santé et à la sécurité dérivés de la directive cadre "santé et sécurité"; fait remarquer que ce retard dans la transposition à tendance à justifier la non-élaboration de nouvelles propositions législatives;
3.4.souligne que la Communauté a à faire face, de plus en plus, dans certains secteurs relevant en particulier du marché intérieur, à une transposition imparfaite des directives; invite la Commission à renforcer les moyens de collaboration dont elle dispose avec les autorités nationales et à ne pas hésiter, le cas échéant, à déclencher la procédure d'infraction, prévue à l'article 169 CE; attire également l'attention des parlements nationaux sur cette situation très nuisible pour le fonctionnement de la Communauté;
3.5.considère urgent et indispensable que le Parlement européen et le Conseil en tant qu'autorités législatives, en association avec la Commission, améliorent les moyens permettant aux citoyens de connaître l'état de la législation communautaire ainsi que des actes adoptés par les institutions de l'Union dans le cadre de la politique étrangère et de coopération intérieure; dans cette perspective, le Parlement européen, le Conseil et la Commission devraient coopérer d'une façon plus efficace et réorganiser la base de données CELEX (Communis Europae LEX), de sorte que ce système, élargi aux textes des actes préparatoires et des actes de transposition, soit plus clair, exhaustif et plus simple à consulter;
3.6.demande à l'Office des publications officielles des Communautés européennes d'organiser d'ici à 1995, en commun avec les organes compétents du Conseil, du Parlement européen et de la Commission, ainsi que des gouvernements et parlements nationaux, un séminaire qui évalue les perspectives d'interaction et de synergie entre CELEX et les autres bases communautaires ainsi que les bases nationales d'information juridique;
3.7.regrette le retard pris dans les travaux de codification du droit communautaire; considère comme indispensable un vaste effort de codification afin de mettre à la disposition des praticiens du droit, des justiciables et, au-delà, des citoyens européens, sous une forme commode, l'essentiel des dispositions normatives applicables; se félicite de l'accord en cours de conclusion entre institutions sur la base de sa résolution du 6 mai 1994 sur la transparence du droit commercial et la nécessité de sa codification; considère cependant que la "codification officielle" envisagée ne suffira pas pour atteindre l'objectif poursuivi et qu'il faut envisager une véritable refonte du droit communautaire à cette occasion, dans le respect des procédures législatives prévues par les traités; observe que les grandes codifications nationales ont procédé ainsi et n'ont pas limité la codification au simple récolement des textes concernés;
3.8.demande à la Commission d'examiner, en commun avec les opérateurs professionnels (magistrats et avocats), le coût de l'accessibilité aux documents législatifs, aux publications connexes et aux systèmes informatiques du droit communautaire, avec comme seul objectif de rendre l'accès à ce droit plus abordable et donc plus aisé, notamment par la conclusion éventuelle d'un accord spécifique adéquat;
3.9.considère comme essentiel, dans cette même perspective, que le droit communautaire devienne une matière obligatoire dans la formation universitaire et continue des professionnels du droit, afin de faciliter l'application du droit communautaire par les juridictions nationales;
3.10.constate que la Commission, comme par le passé, continue à déployer des efforts de coopération avec les administrations nationales par l'organisation périodique de réunions bilatérales lesquelles servent à faire le point sur l'état de transposition des actes communautaires; ces réunions, aux dires de la Commission, "permettent de débloquer le processus interne de transposition" et de faire en sorte qu'un grand nombre de procédures d'infraction soit évité ou fasse l'objet d'un classement (à cet égard, il convient de souligner qu'en 1993 la Commission a classé 50 % des procédures d'infractions ouvertes); considérant toutefois, que la Commission est particulièrement discrète sur le contenu concret de ces pourparlers, et qu'il conviendrait, au nom d'une plus grande transparence, qu'elle fasse état au Parlement lors du prochain rapport de l'enjeu des négociations et des résultats (positifs, mais aussi négatifs) atteints;
3.11.déplore le fait que certains Etats persistent à ne pas exécuter les arrêts de la Cour de justice, certains datant de 1981 (aff. C-137/80 Commission c/Belgique concernant le transfert de droits à pension) ou de 1983 (aff. C-90/82, Commission c/France sur prix de vente au détail des tabacs manufacturés; aff. C-322/82, Commission c/Italie, sur normes de qualité de fruits et légumes), alors même qu'ils ont déjà fait l'objet depuis cinq ou six ans d'arrêts rendus sur la base de l'article 171 CE; invite la Commission à faire application de la possibilité, offerte par le paragraphe 2 de cette disposition, de demander à la Cour d'infliger des sanctions aux Etats qui résistent à exécuter ses arrêts;
3.12.invite les États membres à assouplir autant que possible les conditions d'octroi d'une assistance juridique gratuite en ce qui concerne les litiges liés à des questions relevant du droit de l'Union européenne, et à encourager la création d'instances et de centres d'assistance juridique pour les procès de cette nature;
3.13.constate que le nombre d'affaires préjudicielles a encore augmenté en 1993 (204, alors qu'en 1992 il était de 162) et estime qu'au vu de l'importance de ces demandes préjudicielles et de la disparité selon les Etats, la Commission serait bien inspirée, éventuellement en collaboration avec les services compétents de la Cour de justice, à élaborer une étude visant à expliquer cette disparité (ex: 57 affaires provenant de l'Allemagne et un seul renvoi de l'Irlande) et l'accueil réservé par les juridictions nationales aux arrêts de la Cour de justice;
3.14.manifeste sa préoccupation du fait que, malgré l'élargissement des compétences du Tribunal de première instance, la durée des procédures préjudicielles demeure trop longue (l'évolution est la suivante: 1990 - 17,5 mois; 1991 - 18,2 mois - 1992 - 18,8 mois; 1993 - 20,4 mois); estime qu'il serait opportun que soit créé un groupe de travail, composé notamment par des membres de la Cour de justice, magistrats nationaux et des membres de sa commission juridique et des droits des citoyens ayant pour tâche d'examiner les causes des retards et de proposer des moyens d'accélérer les procédures devant la Cour de justice, en particulier celle relative aux renvois préjudiciels;
3.15.prend acte que la Commission estime opportun d'encourager l'organisation de réunions, de séminaires et de conférences sur le contrôle du respect du droit communautaire et de favoriser les échanges des fonctionnaires nationaux et les programmes de formation communs concernant ce contrôle et l'invite à dresser un bilan complet de ces initiatives;
3.16.considère que la mise en place des programmes de formation continue pour les magistrats et les avocats, dans le domaine du droit communautaire, doit être encouragée; demande par conséquent à la Commission de dresser, avec la collaboration de la Cour de justice de l'Union européenne, un bilan des programmes existants de formation continue et de présenter ses conclusions lors de son prochain rapport annuel;
3.17.demande à la Commission de recueillir des informations susceptibles d'être insérées à l'avenir dans son rapport annuel dans une section spécifique relative à la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures;
3.18.charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, au Conseil, à la Cour de justice, ainsi qu'aux gouvernements et aux parlements des Etats membres.